On se doutait que ce énième débat sur les nouvelles modalités de la desserte maritime entre la Corse et le continent ne serait pas une douce croisière sur un long fleuve tranquille, mais l'Exécutif était bien loin d'imaginer qu'à peine hissées les voiles, il dégénérerait en torpillage naval. Même si tout le monde s'accorde à dire que définir la politique des transports de la Corse est un exercice délicat, voire périlleux, les rebondissements juridiques à répétition, les annonces intempestives, les contradictions politiques et les pressions en tous genres finissent par rendre l'équation maritime service public/compagnies privées quasiment insoluble.
Un rapport perfectible
Pourtant, tout semblait plié. Les principes fondamentaux de la prochaine DSP (Délégation de service public) semblaient définis, tant ils avaient été débattus en session : suppression de l'aide sociale et du service complémentaire, un service de base sur Marseille avec 7 cargos mixtes et une capacité de 410 000 passagers annuels et de 1,6 million de mètres linéaires, un service minimum garanti en cas de grève, une DSP sur 12 ans, du 1er juin 2013 au 31 mai 2025.
Paul-Marie Bartoli, président de l’Office des transports (OTC) se réjouissait même de « franchir une étape importante » et fournissait des explications supplémentaires. Seront assurées au minimum 23 fréquences hebdomadaires 7jours/7 sur Bastia et Ajaccio et 3jours/3 pour les autres ports. Le service minimum garantit 4 rotations hebdomadaires sur chacun des deux grands ports et une dans les ports secondaires. Enfin, la CTC impose aux délégataires de recourir à une société dédiée et peut résilier une DSP pour motif d’intérêt général ou pour faute du délégataire. Paul-Marie Bartoli prenait néanmoins le soin de qualifier ce rapport, réalisé par un bureau d’études, « ouvert, perfectible et courageux ».
Une copie à revoir
Bien lui en a pris, car la totalité de l’opposition et même une grande partie de la majorité territoriale, ont trouvé qu’il y avait largement matière à parfaire et ne se sont pas gênés pour torpiller un rapport, de toute évidence, mal ficelé.
La première torpille est, comme pour le budget, venue du groupe de droite. Antoine Sindali, élu de Rassembler pour la Corse et ancien président de l’OTC, a jugé ce rapport « flou, imprécis, mal fini, ne correspondant pas à la réalité, faisant courir le risque à la CTC d’être dépossédée de sa politique des transports ». A sa suite, sa colistière Marie-Antoinette Santoni-Brunelli a rajouté en puissance : « Ce rapport est presque parfait, sauf qu’il ne respecte pas les décisions de la CTC, qu’il est truffé de pièges machiavéliques et d’erreurs. Revoyez votre copie ! ».
Un document indigent
Côté Nationaliste, la réaction est encore plus brutale. Pour le groupe Femu A Corsica, pas question de « cautionner ce brouillon, ce brouet infâme ». Gilles Simeoni assène d’emblée : « Pensons-nous qu’en notre qualité d’élus, nous pouvons voter ce rapport et engager la Corse pour les 12 ans à-venir ? Nous répondons : Non ! Pensons-nous que ce rapport puisse être modifié par voie d’amendements pour devenir acceptable dans les heures qui suivent ? Nous répondons : Non ! ». Il ajoute : « Le document est étique, squelettique, il ne permet pas de s’assurer que ce qui est retenu est bon pour la population corse. Le débat est incomplet, pipé, nous avons la certitude que tout ne nous a pas été dit ».
En écho, Jean-Christophe Angelini s’indigne sur le nombre de coquilles et d’erreurs que contient le rapport : « Votre politique n’est plus lisible. Ce cahier des charges n’est ni fait, ni à faire. Il n’est pas normal que nous ayons à débattre sur un document indigent ». Paul-Félix Benedetti tacle « un cahier des charges irréaliste ».
Une offre mal définie
Puis, argumentant ses critiques, l’opposition dynamite le rapport point par point. Tout y passe, à commencer par le si controversé projet d’extension de la DSP à Toulon, qui s’échoue finalement sur la réponse du ministre délégué aux transports. Ce dernier prévient que l’extension doit être justifiée par une insuffisance de l’offre au départ de Toulon, or la ligne est desservie par la Corsica Ferries. L’opposition fustige également l’offre de base « mal définie », la durée trop longue de 12 ans qui sera sanctionnée par l’Union européenne, le service minimum garanti « imparfait, inapplicable en l’état, plus soutenu que le service de pointe », la grille tarifaire, la non-conformité de la future DSP avec les règlements européens, l’absence de réflexion stratégique sur la maîtrise des transports… Gilles Simeoni révèle que Veolia, actionnaire majoritaire de la SNCM, tente de faire jouer la clause résolutoire devant le tribunal de commerce de Paris pour faire annuler la vente de la SNCM et reprendre ses billes. Il dénonce, en écho avec Paul-Félix Benedetti, un cahier des charges « fait sur-mesure pour un opérateur qui veut se désengager de la Corse » et la « perspective du retour à un monopole d’Etat ».
Un mauvais cap
Des réserves également du côté de la majorité territoriale que certaines propositions font bondir. Le groupe Socialistes et radicaux s’interroge sur la grille tarifaire. Michel Stefani, du Front de gauche, refuse le Service minimum. Même rejet de Jean-Baptiste Luccioni, de Corse social démocrate, qui relève « les carences méthodologiques. Même avec l’ensemble des amendements, il ne tient pas le bon cap. Il faut donner un coup de barre à gauche ».
Au total, pas moins de 50 amendements sont proposés. Prenant l’eau de toutes parts, le rapport est menacé de naufrage. La droite et Femu A Corsica demandent un report de la session pour retravailler le document et pouvoir y intégrer les amendements.
Une session reportée
Dans un premier temps, Paul Giacobbi tente de résister à la fronde en brandissant l’épée de Damoclès de l’urgence et des délais à respecter. « Si on reporte le débat, il n’y a plus de DSP possible. L’Etat reprendra son enveloppe de continuité territoriale. C’est une reculade à laquelle je ne participerais pas ». C’est effectivement ce qu’il a fait, il n’est pas réapparu après la pause déjeuner, durant laquelle les décisions de report ont été prises, vu l’impossibilité d’un passage en force. Paul-Marie Bartoli, seul à la barre, accepte la sage proposition d’Ange Santini de suspendre la session pendant une semaine et de renvoyer le rapport en commission pour qu’il soit retravaillé. Les amendements seront donc examinés, pendant toute la journée de jeudi prochain, par la Commission du développement économique, de l'aménagement du territoire et de l'environnement. La session reprendra le lendemain, le vendredi 5 octobre, et devrait, sauf nouveau rebondissement, se clôturer par un vote
Un rapport perfectible
Pourtant, tout semblait plié. Les principes fondamentaux de la prochaine DSP (Délégation de service public) semblaient définis, tant ils avaient été débattus en session : suppression de l'aide sociale et du service complémentaire, un service de base sur Marseille avec 7 cargos mixtes et une capacité de 410 000 passagers annuels et de 1,6 million de mètres linéaires, un service minimum garanti en cas de grève, une DSP sur 12 ans, du 1er juin 2013 au 31 mai 2025.
Paul-Marie Bartoli, président de l’Office des transports (OTC) se réjouissait même de « franchir une étape importante » et fournissait des explications supplémentaires. Seront assurées au minimum 23 fréquences hebdomadaires 7jours/7 sur Bastia et Ajaccio et 3jours/3 pour les autres ports. Le service minimum garantit 4 rotations hebdomadaires sur chacun des deux grands ports et une dans les ports secondaires. Enfin, la CTC impose aux délégataires de recourir à une société dédiée et peut résilier une DSP pour motif d’intérêt général ou pour faute du délégataire. Paul-Marie Bartoli prenait néanmoins le soin de qualifier ce rapport, réalisé par un bureau d’études, « ouvert, perfectible et courageux ».
Une copie à revoir
Bien lui en a pris, car la totalité de l’opposition et même une grande partie de la majorité territoriale, ont trouvé qu’il y avait largement matière à parfaire et ne se sont pas gênés pour torpiller un rapport, de toute évidence, mal ficelé.
La première torpille est, comme pour le budget, venue du groupe de droite. Antoine Sindali, élu de Rassembler pour la Corse et ancien président de l’OTC, a jugé ce rapport « flou, imprécis, mal fini, ne correspondant pas à la réalité, faisant courir le risque à la CTC d’être dépossédée de sa politique des transports ». A sa suite, sa colistière Marie-Antoinette Santoni-Brunelli a rajouté en puissance : « Ce rapport est presque parfait, sauf qu’il ne respecte pas les décisions de la CTC, qu’il est truffé de pièges machiavéliques et d’erreurs. Revoyez votre copie ! ».
Un document indigent
Côté Nationaliste, la réaction est encore plus brutale. Pour le groupe Femu A Corsica, pas question de « cautionner ce brouillon, ce brouet infâme ». Gilles Simeoni assène d’emblée : « Pensons-nous qu’en notre qualité d’élus, nous pouvons voter ce rapport et engager la Corse pour les 12 ans à-venir ? Nous répondons : Non ! Pensons-nous que ce rapport puisse être modifié par voie d’amendements pour devenir acceptable dans les heures qui suivent ? Nous répondons : Non ! ». Il ajoute : « Le document est étique, squelettique, il ne permet pas de s’assurer que ce qui est retenu est bon pour la population corse. Le débat est incomplet, pipé, nous avons la certitude que tout ne nous a pas été dit ».
En écho, Jean-Christophe Angelini s’indigne sur le nombre de coquilles et d’erreurs que contient le rapport : « Votre politique n’est plus lisible. Ce cahier des charges n’est ni fait, ni à faire. Il n’est pas normal que nous ayons à débattre sur un document indigent ». Paul-Félix Benedetti tacle « un cahier des charges irréaliste ».
Une offre mal définie
Puis, argumentant ses critiques, l’opposition dynamite le rapport point par point. Tout y passe, à commencer par le si controversé projet d’extension de la DSP à Toulon, qui s’échoue finalement sur la réponse du ministre délégué aux transports. Ce dernier prévient que l’extension doit être justifiée par une insuffisance de l’offre au départ de Toulon, or la ligne est desservie par la Corsica Ferries. L’opposition fustige également l’offre de base « mal définie », la durée trop longue de 12 ans qui sera sanctionnée par l’Union européenne, le service minimum garanti « imparfait, inapplicable en l’état, plus soutenu que le service de pointe », la grille tarifaire, la non-conformité de la future DSP avec les règlements européens, l’absence de réflexion stratégique sur la maîtrise des transports… Gilles Simeoni révèle que Veolia, actionnaire majoritaire de la SNCM, tente de faire jouer la clause résolutoire devant le tribunal de commerce de Paris pour faire annuler la vente de la SNCM et reprendre ses billes. Il dénonce, en écho avec Paul-Félix Benedetti, un cahier des charges « fait sur-mesure pour un opérateur qui veut se désengager de la Corse » et la « perspective du retour à un monopole d’Etat ».
Un mauvais cap
Des réserves également du côté de la majorité territoriale que certaines propositions font bondir. Le groupe Socialistes et radicaux s’interroge sur la grille tarifaire. Michel Stefani, du Front de gauche, refuse le Service minimum. Même rejet de Jean-Baptiste Luccioni, de Corse social démocrate, qui relève « les carences méthodologiques. Même avec l’ensemble des amendements, il ne tient pas le bon cap. Il faut donner un coup de barre à gauche ».
Au total, pas moins de 50 amendements sont proposés. Prenant l’eau de toutes parts, le rapport est menacé de naufrage. La droite et Femu A Corsica demandent un report de la session pour retravailler le document et pouvoir y intégrer les amendements.
Une session reportée
Dans un premier temps, Paul Giacobbi tente de résister à la fronde en brandissant l’épée de Damoclès de l’urgence et des délais à respecter. « Si on reporte le débat, il n’y a plus de DSP possible. L’Etat reprendra son enveloppe de continuité territoriale. C’est une reculade à laquelle je ne participerais pas ». C’est effectivement ce qu’il a fait, il n’est pas réapparu après la pause déjeuner, durant laquelle les décisions de report ont été prises, vu l’impossibilité d’un passage en force. Paul-Marie Bartoli, seul à la barre, accepte la sage proposition d’Ange Santini de suspendre la session pendant une semaine et de renvoyer le rapport en commission pour qu’il soit retravaillé. Les amendements seront donc examinés, pendant toute la journée de jeudi prochain, par la Commission du développement économique, de l'aménagement du territoire et de l'environnement. La session reprendra le lendemain, le vendredi 5 octobre, et devrait, sauf nouveau rebondissement, se clôturer par un vote