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"Aria Firefighting" : une société corse pour répondre aux besoins de lutte contre les feux de forêt


Patrice Paquier Lorenzi le Mardi 9 Janvier 2024 à 19:06

« Femu a Corsica », le parti de la majorité territoriale, a appelé vendredi 5 janvier à ce que des moyens aériens de lutte contre les incendies soient basés "en permanence" dans l'île pour lutter contre les feux d'hiver. Alors que l’Etat tarde à répondre à cette demande récurrente émanant de la Collectivité, « Aria Firefighting », une société insulaire, fondée par Pierre Carlotti, propose depuis deux ans une solution aérienne dans la gestion des risques de feux de forêt. La première entreprise privée de lutte contre les incendies opère désormais avec le SDIS 34. En attendant mieux.



Aria Firefighting est la première société privée dans les moyens de lutte aériens contre les feux de forêt
Aria Firefighting est la première société privée dans les moyens de lutte aériens contre les feux de forêt
« Nous sommes en totale harmonie avec les propos tenus par les représentants de la majorité territoriale concernant la nécessité pour la Corse de disposer de moyens aériens basés sur l’île à l’année » assure Pierre Carlotti, le fondateur d’Aria Firefighting en 2020. "La Corse doit être au centre d'un dispositif méditerranéen en matière de lutte contre les incendies".
Ancien pilote de chasse de l’armée de l’air pendant quinze ans sur Mirage 2000 avec 1 500 heures de vol et des dizaines d’opération en Afrique ou au Moyen-Orient, originaire de Propriano, Pierre Carlotti a fondé sa société, suite à un constat assez simple : « J’ai fait le triste constat du réchauffement climatique et de l’impact déjà perceptible sur les régions du Sud de la France qui ne peut qu'aggraver les risques en matière d'incendies pour les années à venir et notamment l'hiver. Ensuite, la flotte de la Sécurité Civile était vieillissante avec la fin de vie des Tracker. Et, leur remplaçant, le Dash 8, j'estime, même si c'est un très bon avion, qu'il n'est pas en mesure de pouvoir effectuer la même mission concernant l’attaque initiale, qui est la doctrine des feux de forêt en France ».
Pour pouvoir faire face à ces feux naissants, Pierre Carlotti fonde alors « Aria Firefighting », la première société française de lutte aérienne contre les incendies : « L'idée, c'est de permettre un meilleur maillage du territoire, en donnant les moyens suffisants aux Sdis pour attaquer les feux naissants. Des moyens autres que les avions bombardiers d'eau, qui sont des moyens gérés à l'échelle nationale ».
 
Des Trush 710 et un avion de surveillance avec capteur intelligent
En 2020, « Aria Firefighting » répond à un appel d’offres du département de l’Hérault et devient le premier opérateur privé aérien à épauler, un département français, le SDIS 34 dans ses missions de gestion du risque en proposant des avions de lutte efficaces, type Trush 710, d’une capacité de 2800 litres d’eau et d’un avion de surveillance à capteur intelligent : « A la base, le Trush est avion américain d’épandage agricole. Il a été agréé en Europe en 2019 et très vite, je me suis dit que c’était le meilleur moyen de lutte aérienne pour les feux de forêts. Il est économique, facile d’emploi avec une capacité de charge intéressante. Il représente un coût de vol horaire minime par rapport à d’autres bombardiers d’eau. Concernant l’avion de surveillance, il s’agit d’un bi-moteur qui peut transporter jusqu’à 6 personnes. Grâce à un capteur intelligent, il permet de suivre l’évolution du feu en temps réel et nous avons mis en place un logiciel qui permet d’effectuer une simulation très précise de l’évolution de sa propagation notamment en prenant en compte les paramètres météorologiques ».
Depuis 2020, la société insulaire, qui opère auprès du SDIS 34, et ses avions de lutte sont intervenus sur 80 feux, avec près de 150 sorties et plus de 400 largages dans l’Hérault. « Le SDIS 34 est très fier d’avoir une base avec une mise à disposition pleine et totale de ses moyens de lutte aériens, par le biais de notre entreprise. Il faut savoir que nos pilotes ont les certifications nécessaires pour ce type de lutte et que nous travaillons au sein de la société avec des anciens de la Sécurité Civile ».
 
La balle dans le camp de la Collectivité de Corse
Mais alors, pourquoi une société corse, qui dispose de moyens efficaces de lutte contre les deux de forêt, opère-t-elle dans le département de l’Hérault et non pas en Corse ? « Premièrement, nous ne voulons entrer dans aucune polémique. Nous avons des échanges réguliers avec la Collectivité de Corse qui a une oreille attentive et qui nous suit de très près. Il faut savoir que les départements ont la compétence en matière de gestion du risque et des feux de forêt et que l’Etat se tient prêt à agir en complément avec la Sécurité Civile. En toute logique, ce sont donc les départements et les SDIS ou SIS (par exemple en Corse) qui seraient tenus de disposer de moyens aériens de lutte mais dans les faits on a souvent eu l’habitude de s’appuyer sur l’Etat pour la mise à disposition des bombardiers d’eau. Pour que l’on puisse travailler avec la Collectivité de Corse, il faudrait que celle-ci émette un appel d’offres en ce sens, ce qui était d’ailleurs prévu en 2020 avant la crise du Covid. Mais, il y a des contraintes économiques : la mise à disposition de nos avions de lutte et de surveillance a évidemment un coût et je pense que cela est à l’étude. En tout cas, nous sommes bien évidemment disposés à mettre toutes nos compétences auprès de la Cdc et des Sis de Corse et nous espérons que notre société, toujours domiciliée sur l’île, puisse prendre part à la lutte contre les incendies, qui vont malheureusement se multiplier dans les années à venir avec le réchauffement climatique, et notamment en période hivernale ».
Dans son communiqué de vendredi dernier, suite au dernier feu de Barbaggio, Femu a Corsica rappelait qu'une proposition de baser dans l'île, à l'aéroport de Bastia-Poretta, "une force d'intervention anti-incendie à dimension inter-méditerranéenne", à l'image d'une "initiative expérimentée avec succès en 2009, a été faite depuis plusieurs années au gouvernement par le conseil exécutif de Corse". La loi de programmation du ministère de l'Intérieur a intégré un amendement proposé par le député nationaliste de Haute-Corse Jean-Félix Acquaviva, cosigné par les députés nationalistes corses Castellani et Colombani, "actant une force corso-sarde à mettre en œuvre sur le plan de la lutte contre les incendies", indiquait également le parti autonomiste. "Au moment où la Corse va vers l'autonomie, synonyme du renforcement de sa place et son rôle dans la coopération euro-méditerranéenne, la concrétisation de ces projets est plus que jamais une nécessité et un enjeu majeur", concluait-il.
Dans l’attente d’une réponse de l’Etat, la Collectivité de Corse pourrait-elle se laisser tenter par un appui de la société Aria Firefighting ? Selon nos informations, les responsables politiques insulaires étudient avec intérêt la possibilité d’émettre prochainement un appel d’offres en ce sens. Un pas de plus vers l’autonomie, cette fois-ci, concernant la lutte des feux de forêt…

Pierre Carlotti, le fondateur d'Aria Firefighting
Pierre Carlotti, le fondateur d'Aria Firefighting