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Ajaccio : la doyenne des Corses s’en est allée à 112 ans. Marie Ferracci était « ma maîtresse »


José Fanchi le Dimanche 18 Août 2019 à 22:02

Elle était ma Maîtresse, celle de mon enfance dans la rue des Trois Marie. Marie Ferracci s’en est allée fêter ses 112 ans la haut, après une vie bien remplie, entourée de l’affection de tous les siens. Je l’avais rencontrée il y a quelques années dans une grande surface. Sa phénoménale mémoire m’avait littéralement surpris. J’avais régulièrement de ses nouvelles par son fils Lucien et sa petite fille Isabelle. Elle a ainsi décidé de nous quitter. Elle va beaucoup nous manquer. Je retiendrai surtout cette rencontre, cette vivacité d’esprit, sa gentillesse et son sourire que je n’oublierai jamais



Ajaccio : la doyenne des  Corses s’en est allée à 112 ans. Marie Ferracci était « ma maîtresse »
C’est ainsi que j’ai rencontré ce jour là, celle qui m’apprit à écrire au début des années cinquante, à l’école du boulevard Sampiero, située au bas de la rue des Trois-Marie. C’était l’école du quartier, la petite cour de récréation où résidaient les Fanucci et Lorenzi, la petite fontaine et le grand couloir, la rue Fesch à deux pas et les cris des enfants qui se répercutaient dans ce qui est devenu aujourd’hui le Musée Fesch. Enfance heureuse certes, insouciance, amitié et école publique dans toute sa splendeur. Que de souvenirs…
Revenons quelques années en arrière, en 2015 je crois. Je déambule à travers les stands d’une moyenne surface au centre ville d’Ajaccio. A l’étage, je m’arrête devant le stand des légumes pour choisir de quoi faire un pot au feu. A mes côtés, une dame d’un certain âge à qui je tends un sachet qu’elle essayait de décrocher pour elle aussi - visiblement – choisir quelques légumes. Et voilà que c’est parti :


Notre chère maîtresse…
 « Bonjour madame, comment va ? Je vous connais, vous êtes Mme Ferracci, la maman de Lucien
Bien sûr, j’ai reconnu mon institutrice mais je me suis gardé de ne rien dire…
« C’est très bien. Mais moi aussi je te connais ! »
- Ah bon ! Vous me connaissez ?
« Tu est José, le fils du menuisier de la rue des Trois Marie et je connais aussi ta sœur, Marie Paule, et ton frère, Adam le plus jeune ! Vous étiez mes élèves…A propos, Comment vont-ils ?»
- Vous êtes…
« Je suis ton ancienne institutrice de l’école du bas de la rue des Trois Marie et je ne t’ai pas oublié, bien sûr, tu n’as plus cette tignasse blonde, comme ton père. »
Voilà pour les retrouvailles ! Soixante cinq ans après tout de même… Nous sommes restés une bonne demi-heure à évoquer nos familles, de nos vies, les anciens aussi…
 
La  fête au village
Il y a deux ans, à Renno, Marie Ferracci a fêté ses 110 ans entourée de l’affection des siens, enfants, petits-enfants, arrières petits-enfants, cela à l’initiative de Joselyne Mattei-Fazi, maire de Renno qui sait honorer les siens. Marie Ferracci, comme à son habitude, s’est prêtée à cette cérémonie toute empreinte de bonheur et de simplicité car « ma maîtresse » vous tient tête, parle, répond à vos questions, est au courant de tout. Comme tout le monde !
Evitez de lui poser des questions stupides, sinon vous allez comprendre…
« Je suis heureuse de voir toute ce monde aujourd’hui, ma famille, les parents et amis du village, c’est un merveilleux instant de bonheur de les avoir tous ici réunis. Cela me fait énormément plaisir.» 
Tous les matins, elle lisait son journal, regardait la « une », les avis de décès, les grands titres et les pages du quotidien pour « jeter » un œil aux mots croisés. Lucien est là, il veille et ne la lâche pas du regard. Les autres membres de sa famille non plus. Ils sont aux petits soins. Mais pas trop près. Sans plus. Elle aime beaucoup son indépendance Marie Ferracci et elle sait le faire savoir. Cela a duré jusqu’à il y a quelques semaines, jusqu’au moment où les premiers signes de fatigue sont apparus.
La santé de Mme Ferracci est dégradée au fil des semaines et des jours. Entourée de l’affection de tous les siens, mon ancienne Maîtresse s’en est allée dans un monde que l’on dit meilleur.

Je suis allé lui rendre un dernier hommage et j’avais simplement envie de lui dire que « les plus grandes leçons ne sont pas tirées d'un livre mais d'une enseignante telle que vous Mme Marie Ferracci. Merci d'avoir pris le temps de nous aider, ma sœur mon frère et moi au cours de ces années cinquante et de nous avoir guidés dans la maîtrise de nos connaissances. »
 
José FANCHI