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Agriculture : en Corse, les syndicats peu convaincus par les annonces de Gabriel Attal


le Jeudi 22 Février 2024 à 18:30

Au lendemain du point du Premier ministre sur les 62 mesures mises en oeuvre pour tenter de calmer la colère du monde agricole, les représentants des syndicats insulaires ne cachent pas leur déception. Selon eux, il ressortira en effet peu de "concret" de celles-ci et beaucoup reste donc à faire.



Le 30 janvier dernier, près de 200 agriculteurs représentants les différents syndicats insulaires avaient manifesté à Ajaccio.
Le 30 janvier dernier, près de 200 agriculteurs représentants les différents syndicats insulaires avaient manifesté à Ajaccio.
Alors que le Salon International de l’Agriculture ouvrira ses portes samedi à Paris, le Premier ministre, Gabriel Attal, tenait une conférence de presse mercredi afin de faire un point sur les 62 mesures annoncées pour répondre au mouvement de colère des agriculteurs. L’occasion pour lui d’insister sur le renforcement de la loi Egalim – qui vise à garantir un revenu minimum aux agriculteurs et à les protéger contre les géants de la grande distribution -, mais aussi la simplification des visas de saisonniers étrangers ou encore sur l’assouplissement des règles d’utilisation des pesticides. En outre, le Premier ministre a également posé l’agriculture comme faisant partie des « intérêts fondamentaux » de la nation et marqué son souhait de développer une véritable stratégie de souveraineté alimentaire. 
 
« Nous restons dans la même galère »
 
Des mesures qui laissent les représentants des syndicats agricoles corses de marbre. « Des effets d’annonce comme ceux-ci nous en avons eu plein », souffle ainsi Paul Piazza, vice-président de Mossa Paisana, « Pour l’instant il n’y a rien de concret, il fait juste des annonces pour calmer les agriculteurs à la veille du Salon de l’Agriculture. On en est au même point ». Cyril Caria, le président de la Coordination rurale de Corse, abonde : « Il n’y a rien de concret qui va se passer dans l’immédiat. On ne va pas voir notre quotidien changer dès demain. Le Premier Ministre a utilisé l’expression « un vaste chantier », c’est effectivement cela : il n’y a rien de fini. On ne peut pas être satisfait de ce genre d’annonces.  Il n’y a notamment rien sur le volet social. Nous restons dans la même galère ». 
 
Le président de la Chambre d’Agriculture et de la FDSEA de Haute-Corse, Joseph Colombani, est pour sa part plus nuancé. Si selon lui ces annonces du Gouvernement restent « loin du compte », elles vont toutefois « dans le bon sens ». « La France ne peut pas répondre complètement à la demande », explique-t-il en effet en déroulant : « Il y a deux choses à prendre en compte. D’abord beaucoup de choses ne peuvent pas se faire avec un claquement de doigt et dépendent de discussions internationales notamment sur les traités de libre échange, cela ne peut pas être réglé par une position unilatérale du Gouvernement français. Les réponses ne peuvent donc pas être chronologiquement à la hauteur des attentes des agriculteurs. L’autre réalité, c’est que les agriculteurs qui depuis des années subissent cette politique qui est compensée par des aides de la Politique Agricole Commune (PAC), et actuellement ce système lâche parce qu’il y a un vrai problème de fonds avec les crises successives et de ce fait la réglementation est modifiée notamment au niveau des contrôles, car mener plus de contrôles veut dire moins de fonds à payer aux agriculteurs ».
 
« La Corse est dans une situation largement pire que celle dénoncée sur le continent »
 
Tous conviennent par ailleurs que le chemin reste long pour faire reconnaitre les spécificités de l’agriculture corse et ses difficultés. Paul Piazza prend ainsi acte de la résolution votée par l’Assemblée de Corse pour soutenir l’agriculture insulaire lors de la session du début du mois, mais regrette qu’il n’y ait pas eu de suites à ce texte pour le moment. « Nous avons rencontré le préfet ce week-end, il a touché du doigt nos difficultés, et on voit que rien n’entre en compte dans ce qu’a dit le Premier ministre », glisse pour sa part le président de la Coordination rurale de Corse, tandis que Joseph Colombani martèle : « La Corse est dans une situation largement pire que celle dénoncée sur le continent ». « Par exemple, la France continentale affiche 80% d’autosuffisance alimentaire, nous c’est 4% ! Nous subissons donc à 96% la fameuse concurrence de ce qui vient d’ailleurs. Et nous n’avons pas la même facilité pour produire », déplore-t-il en pointant le coût des matières premières qui explose sur l’île. « Nous avons vraiment besoin d’un plan Marshall », ajoute-t-il en arguant : « La Corse tellement spécifique et tellement en retard qu’on peut revendiquer un programme spécifique dérogatoire à la PAC et cela existe : cela s’appelle le POSEI. C’est fait pour les îles ultra-marines, il suffit de modifier un peu l’approche ». Signe peut-être d’une écoute qui se ferait plus attentive du côté des services de l’État, le syndicat Via Campagnola était reçu cet après-midi par le directeur régional de l’agriculture et de la forêt afin d’évoquer les spécificités de l’agriculture corse et ses besoins. À voir si ce rendez-vous sera suivi d’effets.