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Affaire Corsica Ferries : la colère de Gilles Simeoni devant le cadeau d’adieu du préfet Lelarge


Philippe Peraut le Jeudi 17 Février 2022 à 13:17

C'est avec une grande colère que le président du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, a réagi à la décision de Pascal Lelarge. Le Préfet de Corse a signé, à quelques heures de son départ, un arrêté autorisant le prélèvement de 9,2 millions d’euros sur le compte de la Collectivité de Corse. Une somme qui s’inscrit au titre des intérêts dus dans le dossier de la dette à la Corsica Ferries, et dont l'Exécutif corse voulait négocier l'annulation.



Gilles Simeoni, entouré de la présidente de l'Assemblée de Corse, Nanette Maupertuis, et des conseillers exécutifs.
Gilles Simeoni, entouré de la présidente de l'Assemblée de Corse, Nanette Maupertuis, et des conseillers exécutifs.
« Le Préfet Lelarge va asphyxier la Collectivité de Corse. En 40 années de statut particulier, il n’y a jamais eu, vis-à-vis de notre institution, un tel comportement ! ». C’est par ces mots durs et d’une grande portée que le Président de l’Exécutif, Gilles Simeoni, entouré de la présidente de l'Assemblée de Corse, Marie-Antoinette Maupertuis, et des conseillers exécutifs, a commenté, en fin de matinée à l’Hôtel de Région, la décision de Pascal Lelarge, Préfet de Corse sur le départ. Ce dernier avait, en effet, signé, mardi, dès l’annonce de son départ, un arrêté autorisant le prélèvement sur le compte de la Collectivité de Corse (CDC) de 9,2 millions d’euros correspondant aux intérêts dûs dans le dossier de la dette à la Corsica Ferries. « L'arrêté de mandatement d'office a été pris, et la somme a été prélevée sur le compte de la CDC, avant même que je n'en sois informé. C’est la première fois qu’un représentant de l’État se permet de saisir l’argent des Corses pour payer un créancier privé », peste le Président de l’Exécutif. « C’est d’une gravité sans précédent d’autant que j’avais personnellement saisi le Premier Ministre et que nous étions en l’état d’une discussion qui devait avoir lieu. Elle aurait dû permettre à l’État et à la Collectivité de Corse de demander au créancier Corsica Ferries de renoncer à ces intérêts. L’État a visiblement préféré ne pas engager cette discussion et prendre l’argent des Corses dans des conditions scandaleuses ». La proposition du président corse était de discuter avec ce créancier privé sur le montant des intérêts, comme c’est habituellement le cas dans une affaire de contentieux, en argumentant que la Corsica Ferries avait, elle-même, touché, en son temps, une aide sociale indue.
 
Un accord acté
Pour rappel, la compagnie maritime avait obtenu, le 22 février 2021, de la Cour administrative d’appel de Marseille, la réparation d'un préjudice lié au subventionnement illégal entre 2007 et 2013 du service complémentaire au bénéfice de l'ex-SNCM. Un jugement validé par le Conseil d’Etat le 29 septembre dernier. Refusant de payer l’amende de 86,3 millions d’euros, qui équivaut au montant total de l’aide aux territoires - communes et intercommunalités, eau et assainissement, Comité de massif -, soit presque le tiers de l’investissement total de la CDC sur une année, le président de l’Exécutif avait engagé un bras de fer avec l’Etat pour qu’il accepte de reconnaître sa responsabilité dans ce service complémentaire qu'il avait mis en place « pour assurer la survie financière d’une compagnie dont il était actionnaire principal, et pour défendre, à titre principal, des intérêts extérieurs à la Corse ». Il avait, finalement, obtenu gain de cause. La Collectivité de Corse et l’État avaient acté un accord sur cette responsabilité partagée concernant le principal de la dette, hors intérêts qui courent. Ainsi, l’État devait prendre en charge 50 millions d’euros, soit près des deux tiers, et la Collectivité assumer 36,3 millions d’euros. « Une logique », ajoute Gilles Simeoni, « l’État avait dans ce dossier une part de responsabilité plus importante que la Collectivité. Et je vous rappelle, par ailleurs, que l’actuelle majorité n’a rien à voir avec cette dette qui est antérieure »
 
Volonté délibérée de nuire ?
De fait, l’État s’était engagé à verser cette somme à la CDC sous la forme d’une subvention. Fort de cet engagement, la CDC a, « en bonne foi » réglé la dette principale à la date butoir du 10 février. « Nous avons payé dans l’attente de cette somme, la totalité, soit 86,3 millions d’euros. Depuis, l’État a fait volte-face et revient sur son engagement ». La dette a été acquittée grâce au versement par l’Etat, un jour avant, le 9 février, d’une partie de la Dotation de continuité territoriale qui s’est précisément élevée à l'addition des 86,3 millions d’euros et des 9,2 millions d’euros, comme si l’Etat avait déjà implicitement anticipé le paiement des intérêts. Le président de l’Exécutif fait donc une avance de trésorerie pour régler la dette principale, en attendant la subvention des 50 millions €… qui n'arrive pas. Et demande par courrier des explications au Premier ministre. Dans le même temps, intervient la procédure lancée par le Préfet de Corse. « Mon courrier en date du 11 février au Premier Ministre est resté sans réponse. Le 15 février, la presse est informée que Mr Lelarge a pris un arrêté de mandatement d’office afin de prélever d’autorité les 9,2 millions d’euros correspondant aux intérêts. J’apprends ce mandatement d’office par la presse. Le Préfet a vidé les caisses de la Collectivité de Corse comme un voleur sans prendre le temps d’écrire ou de téléphoner aux élus ! ». Gilles Simeoni voit dans cette attitude du préfet une volonté de l’Etat de nuire à la majorité nationaliste. « Si l’on met bout-à-bout ces éléments et ce que l’on vit depuis quelques années, il y a la volonté d’étrangler budgétairement la Collectivité de Corse et de se diriger vers sa mise sous tutelle. Il n’y aura de place pour rien ! Cette somme va effacer une année d’investissements et de fonctionnement dans le domaine du sport, des Sis 2A et 2B, de l’eau et de l’assainissement dans les communes. En outre, sans les 50 millions d’euros que l’État doit nous verser conformément à l’accord pris en octobre, la Corse ne peut pas savoir où elle va... ».
 
L’ultimatum à l’Etat
L’attitude du Préfet Lelarge est-elle cautionnée par l’État ? « La question est posée publiquement », ajoute le Président de l’Exécutif. « Elle appelle une réponse claire et rapide. En l’État de ces 9 millions d’euros pris clandestinement dans les caisses de la Collectivité de Corse et du non-paiement pour l’instant des 50 millions d’euros que l’État s’était engagé à payer au titre de sa contribution aux dommages et intérêts dus à la Corsica Ferries pour des faits qui remonte à 15 ans en arrière et pour lesquels nous ne sommes, ni comptables, ni responsables, on est dans l’incapacité d’adopter ces documents budgétaires. Et si on ajoute le fait que l’État refuse d’ouvrir la discussion sur le PTIC, le financement des différentes infrastructures, sur le devenir du service public maritime avec le risque d’une véritable catastrophe économique et sociale dans quelques mois, cela démontre qu’il y a une volonté d’asphyxier la Collectivité de Corse et de porter des coups terribles à la Corse et aux Corses. Nous ne l’accepterons pas ! ». L’Exécutif de Corse lance un ultimatum à l’État afin de connaître sa position sur ce dossier avant la session de l’Assemblée de Corse des 24 et 25 février prochains.