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A Rutali, Carine Adolfini a présenté son dernier livre "Les cloisons souples"


Philippe Jammes le Vendredi 5 Août 2022 à 11:16

A l’occasion de la sortie de son nouvel livre « Les cloisons souples »*, Carine Adolfini l’a dédicacé samedi 30 juillet à la Villa di Rutali, une Maison d’hôte de charme, dans ce joli village du Nebbiu. Le lieu même qui l’a inspirée.
À cette occasion CNI a prolongé la lecture en échangeant avec l'auteur



Carine Adolfini a dédicacé son livre dans les lieux mêmes qui l'ont inspirée : la Villa di Rutali.
Carine Adolfini a dédicacé son livre dans les lieux mêmes qui l'ont inspirée : la Villa di Rutali.
- « L’ochju », votre premier ouvrage était le fruit d’un travail anthropologique, tous les autres sont des ouvrages poétiques … 
- Dans les livres, j’essaie au fil de l’écrit de saisir la fugacité des instants et de donner du mouvement à l’encre. Ainsi c’est souvent par les fragments que je préfère m’exprimer, étoilant mes mots sur des lambeaux de vide. Pour moi écrire c’est renouer sans cesse avec les commencements de la langue, il faut pour sauver la parole nous refaire à la vieille odeur des eaux, tirer aux surfaces la cendre des miroirs, témoigner de ce qui reste…On peut si l’on veut, dire que j’écris à la gomme. Chacun de mes mots menacé par le silence veut toutefois témoigner de ces lieux d’iridescence et d’hésitation 

- Comment décririez-vous votre style dans « Les cloisons souples » ?
- L’ouvrage révèle une prose poétique dans laquelle l’écriture oscille entre visible et invisible, chemine entre ce qui se sépare et se retrouve, à travers les seuils du temps devenus fragiles. 

- Son inspiration ?
Ce livre m’a été inspiré par le village de Rutali et particulièrement par cette maison, La Villa di Rutali, devenue depuis deux ans maison d’hôte sous l’impulsion dynamique de Claude Giannini et de son fils Anthony. Lorsqu’on ouvre les portes d’une vieille maison, on est d’abord étreint par le vide, par l’absence, et puis viennent nous effleurer les restes « de vivant », quelques traces matérielles et personnelles s’écrivent, fragiles sur le silence, c’est une étrange émotion. Avant de restaurer une vieille maison, d’en faire son abri, son foyer, je crois qu’il est bon de se connecter avec son histoire, de recomposer en tenant compte de cette mémoire qui fait le lieu.

- L’histoire de cette villa ?
- La maison, qui a résisté au temps, a protégé les souvenirs des disparus, ils embaument encore l’espace, on y trouve des photos sous la poussière, des coupures de presse, de vieux objets, toute une odeur de passé. Claude Giannini et moi avons essayé de reconstituer son histoire. La villa a servi autrefois d’école. Elle appartenait à l’abbé Casta qui organisait aussi la rencontre des âmes vaillantes, parmi lesquelles l’actrice Marie-Josée Nat. À des époques plus anciennes on y cultivait la soie, l’espace palpite encore des souvenirs de ce lieu d’insouciance heureuse, sont palpables aussi les déchirures de voir partir les êtres d’une famille, ces moments de douleur qui peu à peu ont mené la maison à l’abandon. Toutes ces sensations ajoutées aux histoires racontées par « i rutalacci » ont nourri l’écriture de ce livre .

- Un ouvrage historique ?
- Il ne faut pas ici chercher la vérité historique, on baigne dans un univers poétique, dans une interaction constante entre passé et présent, le réel se mêle à l’imaginaire, les cloisons sont souples, les seuils fragiles et le temps s’absente, tout n’est plus que passage. Si on y trouve des récits ils sont fragmentés, comme des bribes d’histoires taillés dans la mémoire, des éclats de vie et de manière complètement anachronique, comme des flash-backs. On y rencontre des personnages aussi mais flous, en demi-teinte, évanescents, un peu comme la nebbia qui souvent vient couvrir la région. Les personnages oscillent entre hier et aujourd’hui, certains claudiquent, entamés par l’invisible, comme Joséphine portant sa sechja depuis la funtana. L’écriture glisse entre différentes formes de langages, différentes époques, va et vient aussi entre ce qui n’est plus, ce qui abîmé, reste et ce qui est éternel, comme les voix des poètes rutalacci, rassemblées à la fin de mon ouvrage, qui est en fait est dédié à la parole continuée .
 
*ARZILLA Editions

L'auteur

Carine Adolfini est auteure de poésie et éditrice à Bastia. « Les cloisons souples » constitue son 7ème ouvrage après « L’ochju » (Editions Dumane), « Altérations »*, « A l’iridescence »*, « D’écorce et de brume d’écume et de braise »*, « Ma béance ta demeure » (Editions Fior di Carta) et « Images Latentes et Un peu plus de deux mois » (Editions Fior di Carta).


Le 4ème de couverture
Le poème qui mêle ici les bouts de vie d’un village aux échos des absents, creuse un nouveau chemin semé d’empreintes et invite à une marche à demi-pas sur l’évanescence du temps. « Que dire quand les souvenirs traversent les pierres, bousculent l’instant ? Que dire de cette lumière pure glissée sous la vieille porte qui recommence le lieu ? » « C’est juste un peu de lointain tremblé d’élans ratés, un sous bruit de bleuet à peine frôlant voix, presque rien retenu dans son unique chance de surface. » « Jadis ici sans entretoise »