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A Portivechju, de l’intelligence artificielle dans les… containers à poubelles


le Mercredi 28 Février 2024 à 15:50

Pendant un an, la communauté de communes Sud-Corse a demandé à des capteurs d’intelligence artificielle de lui signaler quand vider ses containers à déchets. L’expérimentation, concluante, prépare le terrain au projet Lià, et va être généralisée à l’ensemble des points de collecte enterrés et semi-enterrés de l’Extrême-Sud.



Sur ces écrans d'ordinateur, Jean-Simon Castelli reçoit toutes les informations des capteurs d'IA, qui lui permettent d'anticiper au mieux les collectes sur les containers semi-enterrés.
Sur ces écrans d'ordinateur, Jean-Simon Castelli reçoit toutes les informations des capteurs d'IA, qui lui permettent d'anticiper au mieux les collectes sur les containers semi-enterrés.
Il n’a l’air de rien ce bâtiment modulaire du centre technique municipal, posé pas très loin des camions-poubelles. Mais il est devenu en quelques mois la tour de contrôle du ramassage des déchets dans l’Extrême-Sud. A l’intérieur, plusieurs écrans d’ordinateur affichent une mine d’informations remontées par l’intelligence artificielle (IA). Et notamment une carte du territoire, avec des icônes de couleur : verte pour le verre, grise pour les ordures ménagères, jaune pour les emballages… 

Chaque icône correspond à un container semi-enterré et Jean-Simon Castelli, le responsable opérationnel de la collecte, n’a qu’à les consulter pour savoir comment organiser la prochaine tournée. Par exemple en ce mardi, l’IA lui indique que le container semi-enterré de l’Ospedale est rempli à 86 %. Il va pouvoir y envoyer un chauffeur, ce qu’il ne faisait pas les jours précédents pour s’économiser une collecte inutile, l’Ospedale se trouvant à plus de trente minutes du centre technique municipal de la route de Porra, d’où partent les camions. « Avant, on visitait systématiquement tous les sites de ramassage. On n’avait pas de vue d’ensemble. Ces données empêchent le déplacement inutile d’un camion », souligne Jean-Simon Castelli. Ce que confirme Yannick Andreani, l’un des chauffeurs : « Avant, ça m’arrivait très souvent de faire vingt minutes de route, de soulever le couvercle et de voir qu’il n’y avait rien à l’intérieur. »

Concrètement, les capteurs sont installés sur le haut de la cuve et mesurent toutes les quatre heures l’espace disponible avec le fond de la cuve. À partir de làest calculé le taux de remplissage du container. Une alerte intervient quand ce taux atteint les 60 % : c’est qu'il est l'heure d'aller vider la cuve. Les capteurs ont été installés sur environ la moitié des containers semi-enterrés du territoire de l’intercommunalité.  Ont été privilégiés les containers les plus éloignés du centre de la collecte, ainsi que les sites les plus fréquentés, notamment l’été en bord de plage. En juillet dernier, 2 090,39 tonnes d’ordures ménagères ont été collectées, et encore plus en août (2299,14 tonnes). A titre de comparaison l’hiver, ce chiffre passe sous la barre des 1 000 tonnes mensuelles. 
 
Des données de température

Deuxième intérêt de ces informations envoyées par l’IA : les agents ne se font plus déborder. Une cuve semi-enterrée a beau avoir une capacité de 5 m3 (contre 500 litres pour un bac), « l’été ça va très vite », confirme Yannick Andreani. « On a réussi à organiser la collecte de façon à ne pas avoir de dépôts au sol, se félicite Jean-Simon Castelli. Ça a rendu les sites plus propres. » Même si les capteurs ne détectent pas les incivilités. Alors, pour se rendre compte si les déchets ne sont pas abandonnés à côté des cuves, le mieux reste toujours de se déplacer. D’autant qu’il peut y avoir quelques ratés : « Si le capteur nous dit que c’est vide pendant quatre jours, on va y aller quand même pour lever le doute, mais c’est peu fréquent. » Les capteurs permettent aussi de prévenir de potentielles anomalies : « Elles récoltent des données de température dans les cuves. Si quelqu’un jette dedans quelque chose qui prend feu, on le sait de suite. »

Les capteurs d'intelligence artificielle sont installés à l'intérieur des cuves, en hauteur.
Les capteurs d'intelligence artificielle sont installés à l'intérieur des cuves, en hauteur.
En 2023, 15 600,66 tonnes d’ordures ménagères ont été collectées au total, dont 1 500 se trouvaient dans le parc de containers semi-enterrés de la micro-région. La majorité reste donc collectée dans les bacs ou dans les colonnes aériennes. Ces derniers pourraient-ils accueillir des capteurs comme dans les containers ? « Trop compliqué, estime Jean-Simon Castelli. Il y a 3 700 bacs d’ordure ménagère sur toute l’intercommunalité, chacun étant associer à un foyer. Installer des puces dans chaque bac, ça coûterait trop cher. Et puis un bac, ça peut bouger. » Concernant les colonnes aériennes, le directeur estime que la priorité est moindre, « car on a plus facilement un visuel pour savoir si c’est rempli ou non ».

Au bout d’un an de test, Jean-Simon Castelli se dit pleinement satisfait. Actuellement, les capteurs sont en cours de remplacement car la communauté de communes met en place un réseau basse tension pour les connecter en consommant le moins possible. Et si tout va bien, d’ici fin avril, toutes les cuves semi-enterrées disposeront d’un capteur. En plus de quatorze nouveaux sites où seront installés dans les deux ans à venir des containers enterrés ou semi-enterrés. « On veut aussi que les chauffeurs soient autonomes sur leur tournée. L’idée, c’est de les équiper de tablettes pour qu’ils priorisent eux-mêmes les collectes à effectuer. » A terme, l'intercommunalité disposera également de données complètes qui lui permettront de savoir de combien elle a pu diminuer son bilan carbone, ainsi que les coûts de carburant économisés.

Le projet Lià, c'est quoi au fait ?

Cette expérimentation sur le ramassage des déchets s’inscrit dans le cadre du projet Lià . Un projet à 5 millions d’euros pour lequel la ville de Portivechju a perçu une aide de 2,5 millions d’euros. Elle avait défendu, en 2022,  dans le cadre de l’appel à projets gouvernemental « Territoires intelligents et durables » la pertinence d’implanter des capteurs d’IA dans l’espace public, que ce soit pour mieux gérer les flux de circulation, l’éclairage public ou le niveau des nappes phréatiques. Mi-février , une convention actait l’installation de tous ces nouveaux capteurs. Elle a été passée entre la caisse des dépôts et un consortium composé de la ville de Portivechju, l’intercommunalité, le syndicat de l’énergie de Corse-du-Sud et l’université de Corse.