Récemment dans l’espace public ajaccien, devant la maison commune, a été célébrée la fête juive hivernale de Hanouka. Le caractère religieux de cette fête est souligné par l’un des organisateurs : « L’idée même de cette célébration est qu’il y a un Dieu, un maître du monde, qui quand les Hommes choisissent de faire le bien, les aide ». Le caractère pacifique, universel et porteur de lumière de cette manifestation peut s’entendre ; il n’en demeure pas moins qu’il relève du strict champ des convictions religieuses.
La laïcité est une vieille idée de la conception de la vie dans la cité. Elle suppose que la liberté de conscience de chacun soit respectée. Dans le même temps, l’espace public doit être « neutralisé » pour empêcher les guerres de religion et préserver le vivre ensemble. Aucun individu ne doit donc se voir imposer dans le cadre public une quelconque croyance, politique ou religieuse.
De ce point de vue, compte tenu des usages en Corse, nous pouvons comprendre que chacun puisse chercher à exprimer librement sa diversité au sein de l’espace public. Ce qui serait beaucoup plus dérangeant serait de laisser à penser qu’il y a une liberté d’expression à la carte en fonction d’un ou de deux systèmes de croyances religieuses.
En effet, s’il est heureux que les personnes qui ont célébré la fête de Hanouka en ce mois de décembre 2017 se soient senties en sécurité et n’aient fait l’objet d’aucune menace ou violence, ce n’est pas toujours le cas pour tout le monde.Il semblerait que les prières de rues ne posent aucun problème à ceux qui se sont mobilisés contre une autre fête religieuse, en l’occurrence musulmane, il y a de cela deux ans.
Rappelons que dès le début septembre 2015, des individus s’étaient opposés à la célébration de la fête de l’Aïd au stade de Suartellu, célébration prévue pour le 23 septembre et qui n’avait donc pas pu voir le jour suite à ces intolérables pressions.
Il s’agissait donc bel et bien d’une stigmatisation à caractère raciste. Ces deux poids deux mesures ne sont pas admissibles.
Comme on a pu le voir sur les réseaux sociaux à l’époque , assimiler tous les croyants musulmans à des terroristes en puissance est aussi grotesque et inepte que d’assimiler tous les croyants juifs aux colonisations illégales en territoire palestinien.
Dès lors, chacun doit pouvoir bénéficier de la même liberté d’expression. La seule limite reste la stricte neutralité des pouvoirs publics dont l’exercice des missions au service de tous ne peut se faire dans le cadre d’un quelconque prosélytisme religieux et/ou politique que ce soit. Comme Paoli l’a affirmé en son temps : « En Corse, la liberté ne confesse pas et ne consulte pas l’inquisition ».
La société corse n’est pas une théocratie et n’aspire pas à le devenir. Toutes les sensibilités doivent pouvoir cohabiter dans une société apaisée et démocratique. Les autres courants de pensée dans leur diversité la plus complète, croyants ou non croyants, doivent pouvoir exercer leur droit de cité dans l’espace public, qui doit demeurer collectif et inaliénable.