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A Bastia, les petites contrariétés des commerçants qui accueillent un point relais colis


le Lundi 25 Décembre 2023 à 17:37

En France, certains commerçants ne sont plus d'humeur à accueillir un point relais colis. Trop de contraintes par rapport aux bénéfices, se justifient-ils en substance. Qu'en pensent les commerçants bastiais qui réceptionnent et parfois expédient les colis ? Reportage en plein rush de Noël.



Santa Pierucci, gérante du tabac de la Gare à Bastia, a de la place pour une soixantaine de colis dans son arrière-boutique.
Santa Pierucci, gérante du tabac de la Gare à Bastia, a de la place pour une soixantaine de colis dans son arrière-boutique.
"Bonjour, je viens chercher un colis s'il vous plaît." Sitôt le colis réceptionné, combien pour repartir avec un soutien-gorge en plus ? "10 % environ", évalue Valérie Latza, la gérante de Lingerie nuit et jour, une petite boutique du centre de Bastia. "Mais ils revenaient plus tard", a-t-elle remarqué. C'est l'intérêt premier, quand on est commerçant, de devenir point relais colis : se donner de la visibilité, surtout lorsqu'on se lance. Valérie Latza en a modestement bénéficié, puis "Mondial Relay m'a demandé d'arrêter". Selon la commerçante, l'entreprise de livraison française, qui se partage le marché des points de dépôt avec Relais Colis et Pickup, n'aurait pas été satisfaite du flux de colis dans sa boutique bastiaise située rue Emile-Sari, où "il n'est malheureusement pas facile de se garer".

Dans une ville comme Bastia où les places de stationnement s'arrachent, les points relais les plus difficiles d'accès sont forcément moins prisés par les destinataires des colis. "Espace Média, pourquoi c'est si gros comme point relais ? Parce qu'il a le parking", constate Santa Pierucci qui verrait d'un bon oeil la mise en place d'un arrêt-minute, non loin de son tabac situé dans la très fréquentée avenue Jean-Zuccarelli. Effectivement, ce n'est pas la place qui manque pour se garer à Espace Media, qui longe la T11. François Luciani a implanté un point relais "il y a une dizaine d'années" dans son magasin d'informatique. En cette période de fêtes, il réceptionne "environ 200 à 250 colis par jour, sinon 150", quand de son côté, Santa Pierucci tourne plutôt autour de "60 colis jour". Toujours plus que Valérie Latza, qui aurait donc douché l'enthousiasme de Mondial Relay avec sa "quinzaine de colis" quotidienne.

"Pub indirecte"

Les commerçants bastiais sont unanimes : "On ne fait pas ça pour l'argent". Mais à plus ou moins 30 centimes la commission par colis, "ça nous rapporte à peu près 600 euros par mois, jusqu'à 800 euros à Noël", confie Cédric Bianucci, du Vito du Fangu (qui fait partie des mieux lotis, les stations-services ayant tout intérêt à accueillir des points relais colis du fait de leur grande accessibilité). A Espace Media, François Luciani a une connaissance très précise de la part que prend son point de retrait dans son chiffre d'affaires : "0,375 %" ! Pour entreposer les colis, il a choisi de supprimer une surface d'une dizaine de mètres carré qui aurait pu être dévolue à la vente. "Quand j'ai commencé, c'était pour me faire de la pub indirecte, confirme le commerçant bastiais qui, aujourd'hui, est très bien implanté et connu à Bastia. D'ailleurs, il a du mal à évaluer les retombées de ce service sur son activité : "Si on arrête, est-ce qu'on va sentir quelque chose ? Je ne sais pas. Ce n'est pas rentable, mais ça nous a permis de créer un emploi", précise-t-il. Générer du passage dans son magasin oui, c'est même le but recherché, mais de l'encombrement téléphonique, surtout pas : "On a un mis un répondeur qui renvoie sur le transporteur, sinon on passerait la journée à répondre aux gens qui demandent si leur colis est arrivé..."

 

Un transporteur bastiais nous montre un colis éventré, issu de la livraison du jour.
Un transporteur bastiais nous montre un colis éventré, issu de la livraison du jour.
Des destinataires de colis pas toujours très aimables...

D'ailleurs, parfois, il y a des couacs. Santa Pietrucci en raconte un qui l'a mise dans l'embarras : "J'ai un client qui a reçu un mail pour lui dire qu'ils avaient livré son colis le mardi, alors que non, le colis a finalement été livré le vendredi. C'était une erreur du transporteur, mais moi j'ai cru que j'avais égaré le colis." Soit du temps de perdu dans une organisation qui se doit d'être rigoureuse. Il y a aussi ces colis qui arrivent éventrés, ou pire, avec des éléments manquants, ce qui oblige les commerçants à dissiper une suspicion bien inconfortable. Un livreur que nous avons rencontré témoigne : "S'il manque quelque chose dans un colis, on est tout de suite catégorisé comme des voleurs. Mais il faut voir comment les colis arrivent au départ. On les récupère du bateau dans des grands racks, avec les colis légers en bas et les plus lourds en haut..."

Pour Jean-Jacques Bernardini, cogérant du tabac Suracci, le contact avec ces destinataires de colis suspicieux, têtus ou désagréables, provoque fatalement de l'agacement : "Certaines personnes n'en démordent pas, si elles disent que leur colis est là, c'est qu'il est là..." En dépit de ces désagréments (auquel on pourrait ajouter le manque de place pour stocker les colis), aucun des commerçants bastiais que nous avons interrogés n'ont songé à arrêter ce complément d'activité. "L'avantage, c'est le flux", apprécie  Christopher Paoloni, gérant de Jardin Sucré Salé. De sa boutique de lingerie, Valérie Atza en convient volontiers, elle aurait souhaité continuer : "Je voulais faire découvrir un peu Bastia. Que les gens viennent à pied dans mon avenue."