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A Ajaccio, des 5e du collège Laetitia veulent partir en Guyane à la découverte de l'Art Tembé


Naël Makhzoum le Lundi 13 Février 2023 à 19:15

A l'initiative de leur professeure de mathématiques, des élèves d'une classe de cinquième du collège Laetitia Bonaparte d'Ajaccio se sont vus proposer un séjour pédagogique en Guyane. L'enseignante, qui y a longtemps vécu, veut notamment faire découvrir un peu plus l'Art Tembé, qu'elle utilise pour l'apprentissage. Ne reste plus qu'à réunir tous les fonds nécessaires.



Photo Michel Luccioni
Photo Michel Luccioni
En rentrant dans cette classe dédiée aux cours de mathématiques, les couleurs et formes géométriques diverses sont immanquables. Mais sur les murs de la salle, ce ne sont pas des dessins de jeunes enfants qui sont affichés. C'est de l'art Tembé. "Un art géométrique que les noir-marron utilisaient au XVIIe siècle pour communiquer entre eux !", lance Lisa pour nous l'expliquer. "Les esclaves guyanais fuyaient les grandes plantations et l'utilisaient pour se repérer et ne pas se faire attraper", précise Domitille, dans la foulée.

Les deux jeunes filles font partie de cette classe de 29 privilégiés, à qui leur professeure de mathématiques a proposé de s'envoler vers la Guyane pour y approfondir l'apprentissage de cette culture, le temps d'un séjour. "J'y ai vécu 17 ans avant de revenir il y a trois ans en Corse, indique Aurélia Bianconi, à l'origine du projet. J'ai ramené quelques souvenirs de la culture guyanaise et notamment l'art Tembé, très intéressant au niveau mathématique en 6e et 5e, particulièrement pour la symétrie."

Au fil des ans, l'enseignante s'aperçoit que la méthode plaît et fonctionne. Le mantra est simple : apprendre autrement le programme mathématique. Construction, géométrie, utilisation d'instruments... Mais surtout l'art, pour sortir de l'enseignement classique, formel. "Les couleurs représentent des émotions, tient à ajouter Domitille. Le rouge désigne la colère, le bleu la mer, le noir la terre, le vert la forêt et le blanc, l'amour et la beauté."

31 000€ à trouver

Au milieu de cette petite vingtaine d'élèves réunis, l'adolescente semble être l'une des plus intéressées par le projet. Et pourtant, elle ne fera pas le déplacement. Ils sont un grand nombre dans son cas et au total, seuls 17 des 29 élèves devraient partir en Guyane. "Beaucoup de parents ont été réticents car c'est une destination lointaine, regrette Aurélia Bianconi. Mais la cheffe d'établissement a donné son accord pour qu'on puisse effectuer le séjour avec les 17 élèves si l'on parvient à réunir les fonds nécessaires."

Le principal défi est économique. Le voyage est prévu du 3 au 11 mai, ce qui ne laisse que peu de temps encore pour s'assurer du bon financement de l'initiative, dont le coût avoisine les 31 000€. Heureusement, la professeure peut compter sur des parents investis et des élèves surmotivés : "Les parents ont créé un facebook "Laetitia Bonaparte" pour expliquer le projet dans le détail et essayer de récolter un maximum de fonds, pendant que les enfants vendent des tickets de tombola, font le marché, des tours de magie..."

La Collectivité de Corse devrait normalement apporter 15 000€ de subventions : 10 000€ par la CdC et 5 000€ via le PAESE, spécifique à ce type de projets. La trousse à projets, menée par les parents, devrait apporter 3 500€, les tickets de tombola, 4 000€ et la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) pourrait même donner un petit coup de pouce si besoin, à hauteur de 1 000 ou 2 000€. 

Échanges, visites et mygales

"J'ai même écrit au Président de Région en Guyane pour avoir des petites aides, ajoute Aurélia Bianconi. Le coût du séjour reviendrait à 400€ par enfant."

Là-bas, les élèves insulaires rencontreraient leurs homologues d'une 5e "Ambition Réussite" du collège Reeberg Néron de Rémire-Montjoly. Les échanges permettront à chacun d'en apprendre davantage aux autres. "Ils présenteront la Corse et on espère que dans deux ans, ce soient des Guyanais qui viennent", imagine l'enseignante. 

Entre les interventions d'artistes amérindien et noir-marron, la réalisation d'une fresque murale, une visite du zoo de Guyane ou encore un détour par le Centre Spatial Guyanais, entre autres, le séjour se veut riche en découvertes et en partage culturel. Et si la peur des mygales envahit les moins téméraires, Aurélia Bianconi les arrête aussitôt avec humour : "Les plus dangereux, ce sont les moustiques ou les fourmis rouges !"

Dans la bonne humeur généralisée, tous espèrent désormais réunir suffisamment d'argent pour prendre l'avion destination l'Amérique. Et qui sait, peut-être devenir les précurseurs de relations poussées entre les deux Académies.