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Vie chère : "en raison de leur prix, j'ai fait une croix sur les fruits corses"


Livia Santana le Samedi 25 Juin 2022 à 19:10

En deux ans, le prix des fruits corses de saison a augmenté d'environ 18%. Pour un kilo de pêches, il faut compter près de 6 euros et même jusqu'à 7 euros dans certaines grandes surfaces. Un luxe que ne peuvent pas se permettre de nombreux habitants de l'île.



Fruits de Corse : pas pour toutes les bourses
Fruits de Corse : pas pour toutes les bourses
Marie-Jeanne et Evelyne s’approchent des étals de fruits. Devant elles, des pêches blanches, jaunes des nectarines à profusion... Lorsqu’elles lèvent la tête pour s'inquiéter du prix, c’est le choc. Elles se regardent et tournent vite les talons.
Ce lundi 20 juin, le kilo de nectarine corse était affiché à 5,90 euros. Un peu plus loin, les melons corses. Là encore c’est la douche froide : 4,59€ la pièce. « C’est une honte. Bientôt il va falloir faire des crédits pour manger », s’indigne Marie-Jeanne, 63 ans.
L’aide-soignante retraitée touche chaque mois 1 300 euros pour vivre et doit compter tout ce qu’elle glisse dans son caddie. Depuis deux ans, la retraitée e a constaté une forte augmentation des fruits et légumes corses. « Ça a commencé avec le Covid. A l'époque,  j’achetais un bouquet garni pour faire la soupe qui me dure 4 jours. Il était environ à 1,50€ maintenant il faut compter même jusqu’à 3,50€ », déplore sa sœur Evelyne.
Mais ce n'est pas tout.
A près de 9 euros le kilo de cerises et 3 euros la barquette de 250 grammes de fraises, cela fait longtemps que les deux retraitées de Ponte Leccia confient ne plus en avoir acheté. 
 
Le constat que dressent Marie-Jeanne et Evelyne est facilement vérifiable. Depuis quelques années, la chambre d’agriculture de Corse a mis en place un observatoire des prix des fruits d’été qui suit l’évolution semaine par semaine des prix pratiqués dans les surfaces de vente.
Durant la semaine 23, en 2020, le prix du kilo d’abricots s’élevait à 4,50€. En 2021, il atteint à la même période 6,20€ et en 2022, 6,52€ soit près de 45% d’augmentation en 2 ans.
Pour les pêches, l’augmentation est moins importante, 11% depuis le Covid.


Sur une île où selon l’Insee, 18,5% de la population vit sous le seuil de pauvreté fixé à 1080 euros net mensuels, certains Corses, à l’image de Danielle, 73 ans, ont fait le choix de se passer des produits locaux. « Entre le prix de l’essence et l’augmentation des denrées alimentaires en général, à cause du prix, j'ai fait une croix sur les fruits corses. Je mange des yaourts et je fais des gâteaux, ça coûte moins cher. » 
 
Résignée, la retraitée se pose toutefois une question : « Pourquoi cette inflation sur des produits locaux ? L’Ukraine, ça n’explique pas tout !» 
 

« Pour nous aussi tout a augmenté »

Vie chère : "en raison de leur prix, j'ai fait une croix sur les fruits corses"
Interrogé sur la hausse importante des fruits de saison, Jean-Jacques Fieschi arboriculteur et président de l’Association des Producteurs de Fruits d’Eté de Corse (APFEC) explique ce phénomène par une augmentation du prix de revient de la production d’environ 20% depuis deux ans. «  Pour nous aussi tout a augmenté. Nous avons d’abord essuyé le Covid avec le prix de nos emballages qui a bondi de 47%. Ensuite, avec la guerre en Ukraine, le prix des engrais a explosé, plus de 360%. Avec l’augmentation du prix de l’acier, les tracteurs sont plus chers, le gazole qui les fait tourner aussi… Nous sommes obligés de répercuter les surcoûts sur la production, sinon nous vendrions à perte et nous mettrions la clef sous la porte. »
 
A ces conséquences de la crise sanitaire et de la guerre Ukraine, il faut aussi ajouter un facteur important : celui de l’offre et de la demande.
En avril 2021, sur tout le territoire national, les cultures avaient grandement pâti des gelées tardives qui avaient brûlé les bourgeons des arbres fruitiers. Durant l’été de cette même année, la production française avait été très impactée. Leur cours de ces denrées avait donc augmenté. En revanche, la Corse avait été épargnée par ce phénomène climatique du printemps 2021. Pourtant, cela n’a pas empêché les arboriculteurs insulaires d’augmenter leurs prix. « Nous on s’aligne sur les prix proposés par le Réseau des nouvelles des marchés (NDLR ; un organisme piloté par FranceAgriMer pour donner des indications aux professionnels de l’alimentaire sur les prix pratiqués) », se défend le président de l’APFEC.
 
Alors que la saison des pêches, des nectarines et des abricots s’annonce « très bonne ». Marie-Jeanne, Evelyne et Danielle, elles, ne pourront pas se permettre de s’approcher des étals. 

Vie chère : "en raison de leur prix, j'ai fait une croix sur les fruits corses"