Corse Net Infos - Pure player corse

Ugo Bernalicis, député Insoumis : "Nous sommes convaincus que c’est vers l'autonomie qu’il faut aller"


Julia Sereni le Lundi 21 Mars 2022 à 16:00

Une délégation de la France Insoumise composée des parlamentaires Manon Aubry, Éric Coquerel et Ugo Bernalicis, sera en Corse durant trois jours pour porter la parole de Jean-Luc Mélenchon dans le cadre de la campagne présidentielle. Au programme, des meetings à Ajaccio et Bastia, mais aussi des visites d’établissements pénitentiaires.
Ugo Bernalicis, député du Nord, revient, pour CNI, sur les raisons de ce déplacement et livre son analyse de la situation de l’île.



Ugo Bernalicis, député du Nord a visité la prison d'Ajaccio. Photo Michel Luccioni
Ugo Bernalicis, député du Nord a visité la prison d'Ajaccio. Photo Michel Luccioni

Pourquoi ce déplacement de trois jours en Corse ?

Nous sommes en pleine élection présidentielle et il nous semblait important qu’il y ait des réunions publiques de la France Insoumise dont nous sommes les trois parlementaires pour expliquer pourquoi il est utile et nécessaire de voter pour le programme de l’Avenir en Commun et son candidat Jean-Luc Mélenchon. Après, évidemment, il y a une actualité particulière avec la Corse et les détenus corses incarcérés sur le Continent, et en tant que membre de la commission des Lois à l’Assemblée nationale, à chaque fois que je me rends dans un endroit, je visite les établissements pénitentiaires du secteur.

Quel est l’objectif de ces visites ?

Le droit de visite des parlementaires est là pour vérifier les conditions de dignité des personnes détenues, le respect de leurs droits, les conditions de travail des personnels. C’est le code pénal qui nous donne le droit de faire ces visites quand on veut, comme on veut, et donc j’en fais usage. Nous allons donc découvrir les prisons d’Ajaccio, de Casabianda et de Borgo. Évidemment, à Borgo, les questions seront un peu plus spécifiques car il s’agit de voir comment on pourrait faire pour transférer les détenus corses qui sont à Poissy pour qu’ils reviennent sur l’île puisque c’est la prison ciblée pour cela. On nous avait expliqué que c’était compliqué de les faire revenir pour des raisons de sécurité, nous allons vérifier ces points-là. Plus largement, il y a un sujet en France sur la question pénitentiaire : un parc vieillissant, parfois insalubre, avec des conditions de détention parfois difficiles. Par ailleurs, que fait-on pour la prévention de la récidive, pour la réinsertion ? Nous pensons qu’on incarcère trop et qu’il y a trop de places de prison dans ce pays.

Concernant l’agression d’Yvan Colonna, la responsabilité de l'État est-elle engagée selon vous ?

L’État a failli parce qu’il n’a pas appliqué le droit comme il aurait dû le faire. C’est le point de départ. Après, il y a l’aspect spécifique de ce qu’il s’est passé à la prison d’Arles, la question étant de savoir s’il y a eu une négligence. C’est à l’enquête de le démontrer, mais les premières auditions de la commission des Lois ne sont pas satisfaisantes. Il faudra sans doute attendre le début de la prochaine mandature pour avoir une véritable commission d’enquête ou un travail parlementaire qui puisse faire la lumière sur ce qu’il s’est passé.

L'autonomie est au coeur des débats actuels. Jean-Luc Mélenchon dit qu'il faut « reconnaître le droit à l'autonomie de l'île », mais encore ?

Cette réflexion ne date pas de ce qu’il s’est passé avec Yvan Colonna. C’est une réflexion amorcée par les discussions que nous avons eues avec les trois députés corses qui portent cet objectif d’autonomie. En 2018, Jean-Luc Mélenchon s’était déjà prononcé sur le sujet en proposant une réflexion autour de l’article 74 de la Constitution, pour savoir ce que l’on pouvait reconnaitre comme part d’autonomie à la Corse vis-à-vis de la République française. C’est dans ce cadre que l’on s’inscrit, après il faut voir compétence par compétence quelles sont les revendications.

Sur la coofficialité et le statut de résident, par exemple ?

Sur la coofficialité, nous sommes plus que réservés parce que ce n’est pas notre manière de concevoir le vivre ensemble dans la République. Nous pensons que garder la langue française comme la langue que l’on partage en commun c’est une chose importante, après il faut voir exactement ce qu’il y a derrière cela. Veut-on un statut à la Polynésienne, veut-on davantage de moyens alloués à la langue ? En tout cas, nous sommes ouverts à la discussion. Sur le statut de résident, nous sommes beaucoup plus sensibles à la question, parce qu’il y a une prédation capitalistique pour s’accaparer l’île. Pour nous, c’est surtout cela le problème. Les députés corses avaient d’ailleurs porté une proposition de loi contre la spéculation foncière et cela nous y souscrivons pleinement. Mais concernant le statut, il faut regarder dans le détail ce qui est réellement souhaité. Qu’y a-t-il derrière, est-ce-qu’il s’hérite par exemple ?

 


L'ouverture des négociations avec le gouvernement, qu’en pensez-vous ?

C’est clairement électoraliste et en réaction à ce qu’il s’est passé à la prison d’Arles. Ce ne sont pas de bonnes conditions de négociation. Comment les croire alors qu’ils ont dit le contraire pendant des années ? Il vaut mieux discuter avec des gens comme nous, parce que nous sommes convaincus depuis 2018 que c’est vers l'autonomie qu’il faut aller, parce que les différents scrutins électoraux ont fait la démonstration que c’est vers cela que voulait s’orienter le peuple corse. Nous sommes plus à même de donner des garanties que ceux qui sont dans la précipitation et la réaction.

Les scrutins ont aussi montré que la gauche a du mal à convaincre dans la région la plus pauvre de France. Comment l’analysez-vous ?

Nous verrons bien le score de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle sur l’île. Il y a une revendication identitaire très forte du fait de l’insularité et elle peut se comprendre, et donc c’est d’abord par ce prisme-là que s’expriment les voix avant même les questions sociales. Mais en fait, les deux sont liés car quand je vois le discours et les positionnements portés par les élus nationalistes corses, je constate que nous nous retrouvons sur de nombreux sujets et notamment les sujets sociaux. Dès le début du mandat, ils ont été contre les ordonnances Macron qui détricotaient le code du travail. Nous sommes sur la même ligne. Regardons cela intelligemment et voyons les convergences au lieu de se poser des questions sur la gauche.

En meeting à Ajaccio et à Bastia, qu’allez-vous dire aux Corses ?

Il y a à la fois notre positionnement vis-à-vis de la Corse, avec le débat actuel sur la question de l’autonomie. Et puis nous allons détailler le programme de l’Avenir en Commun de Jean-Luc Mélenchon dans tous les autres domaines : sur la question de la santé, de l’éducation, de la sécurité, de la sûreté, de la bifurcation écologique, la question sociale, l’augmentation des salaires, le blocage des prix, bref, tout va y passer !

Manon Aubry, Éric Coquerel et Ugo Bernalicis seront en meeting le lundi 21mars à 18 heures 15 à l’espace diamant d’Ajaccio et le mardi 22 mars à 20 heures au théâtre municipal de Bastia.