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Nanette Maupertuis : « La Corse autonome doit renforcer sa coopération bilatérale avec l'Italie »


Nicole Mari le Jeudi 29 Juin 2023 à 15:33

Insularité. Méditerranée. Ruralité. C’est sous ces trois angles que la présidente de l’Assemblée de Corse, Nanette Maupertuis a, lors de son allocution d’ouverture de la session de juin, abordé le projet d’autonomie qui sera présenté dans l’hémicycle le 4 juillet. Elle évoque sa vision d’une Corse autonome dans l’espace méditerranéen, les défis de l’insularité et le pacte rural européen dont elle est rapporteur au Comité européen des régions. Elle appelle à renforcer la coopération bilatérale avec l’Italie et à la développer avec la rive Sud.



Nanette Maupertuis, présidente de l'Assemblée de Corse. Photo Michel Luccioni.
Nanette Maupertuis, présidente de l'Assemblée de Corse. Photo Michel Luccioni.
« Un contexte délétère qui perdure depuis plusieurs semaines ». Après un hommage ému à l’abbé Valery décédé vendredi dernier, la présidente de l’Assemblée de Corse, Nanette Maupertuis, ne pouvait débuter son allocution d’ouverture de cette session de juin sans évoquer l’actualité immédiate. D’abord, l’incendie qui s’est déclaré à la mairie annexe de Pietrosella en fin de nuit et les tags sur la façade, elle a adressé son soutien au maire Jean-Baptiste Luccioni et à son équipe. Ensuite, la récurrence des arrestations de militants nationalistes parmi lesquels un mineur et des membres de l’Exécutif de Corsica Libera. « Permettez-moi de regretter ces arrestations alors même que nous essayons d’œuvrer collectivement pour une issue politique dans l’intérêt de tous, de la Corse et des Corses. Nous partageons cette étrange sensation de déjà-vu qui doit nous inciter collectivement à travailler aux conditions réelles d’un apaisement, ce que nous n’arrêterons pas de réclamer ». Avant d’enchaîner sur la session extraordinaire du 4 juillet consacrée à l’autonomie de la Corse. « Cette séquence, qui s’annonce forte sur les plans institutionnel et politique, sera l’occasion pour nous tous d’exprimer nos attentes dans le cadre du processus en cours. Il s’agira aussi, dans un moment clé pour notre île, de nous interroger collectivement sur le cadre institutionnel que nous voulons offrir à la Corse pour les prochaines décennies. Et au-delà du cadre, quelle réalité sociale nous voulons ». Avec l’espoir, avoue-t-elle, « que nous puissions nous accorder sur une série de principes ou de fondamentaux qui devront guider les différentes séquences de ce processus tout en maximisant ses chances de réussite et d’aboutissement ».
 
L’importance de la ruralité
Ceci posé, la présidente Maupertuis, également représentante de la Corse au Comité européen des régions (COR), pose ce qu’elle considère comme un point-clé dans la perspective de l’autonomie, à savoir la place de la Corse dans l’Europe et son ambition méditerranéenne. Histoire de « dézoomer pour regarder au-delà de nos confins et interroger le cadre dans lequel nous évoluons », elle décline sa vision sous trois angles : ruralité, insularité, coopération bilatérale. Ruralité d’abord, puisqu’elle vient d’être désignée par le Comité des Régions pour travailler au sein du groupe de coordination du Pacte Rural européen. « Parmi les spécificités que nous tenons à valoriser, il y a évidemment celles d’une société historiquement agropastorale au cœur de la Méditerranée ». Elle insiste sur « la nécessité dans le cadre d’un projet d’autonomie de penser la ruralité dans l’intérêt des communautés rurales et de montagne, confrontées à des enjeux de mobilité, de connectivité, de financement, d’impacts du changement climatique sur les activités agricoles et forestières ». Et affirme que « les questions de spéculation ou sur fréquentation littorale ne doivent pas nous détourner de ces sujets tout aussi cruciaux ». Le Pacte rural européen a été lancé en 2021 par la Commission européenne dans le but d’impulser un cadre de coopération entre les autorités publiques, la société civile, les entreprises, les universités et les citoyens autour de quatre axes stratégiques : le renforcement des territoires ruraux, de meilleures connexions en termes de routes ou de numérique, une meilleure résilience et une plus grande prospérité. La présidente insiste sur « la nécessité de faire attention aux mouvements spéculatifs dans les territoires ruraux qui deviennent parfois des eldorados, quand la pression du littoral ou des capitales remonte vers le rural. Notre action doit pouvoir s’inscrire dans une dynamique européenne et locale ».
 
Le défi de l’insularité
Insularité ensuite, dans un environnement méditerranéen. Revenant sur le festival Creazione qui s’est tenu à Bastia et sa rencontre avec le Président et la délégation de la région Fès Meknès, Nanette Maupertuis évoque « les opportunités potentielles d’échanges au sujet de l’artisanat d’art qui ont été mises à l’honneur avec cette région marocaine de 4,5 millions d’habitants. Nos partenaires plaident pour plus rapprochement et de coopération avec la Corse. Avec 42000 ressortissants marocains sur notre sol, des travailleurs mobilisés dans le milieu agricole et des liaisons aériennes saisonnières entre nos pays, les attentes sont nombreuses ». Tout en se réjouisant de la convention passée entre la Chambre régionale des métiers de Corse et la Région de Fès-Meknès, elle incite à amplifier cet effort de coopération : « Toutes les forces sont les bienvenues pour y concourir. Je me rendrai au Maroc au mois de septembre prochain, pour porter la voix de la Corse, autre peuple méditerranéen, et acter un rapprochement entre les deux rives de la Méditerranée. Car, il ne suffit plus, à mon sens, de saluer notre proximité avec des îles ou régions de Méditerranée, en célébrant l’intérêt de leur statut, tout aussi pertinent soit-il. Il ne suffit pas de célébrer notre « méditerranéité ». Il faut des gestes et des actes forts qui témoignent de notre capacité, en prévision d’une situation d’autonomie, à prendre toute notre place dans cet espace qui est le nôtre. Espace naturel, de coopération et de géopolitique en incarnant cette identité dans les choix politiques et les l’exercice de nos compétences sur les plans économique, environnemental, de coopération ou encore d’aide humanitaire ». Elle dit aussi son émotion devant les centaines de migrants qui meurent en traversant la Méditerranée : « ces enjeux sont les nôtres, que nous le voulions ou pas ! ».
 
La coopération avec l’Italie
Coopération, enfin. Dans cette optique, la présidente Maupertuis annonce qu’elle sera rapporteur d’un nouvel avis auprès du Comité des régions. « Ce travail, que je mènerai au cours des prochains mois, aura pour thème l’importance des frontières maritimes et de la coopération avec les pays tiers. Au-delà du Maroc, il y a un enjeu majeur pour les décennies à venir à renforcer la coopération européenne avec les pays d’Afrique du Nord et à porter le projet d’une macro-région méditerranéenne sur le plan environnemental. La Corse autonome sera au cœur de ces sujets : climatiques, économiques, migratoires… ». Elle préconise de se tourner davantage vers l’Italie. « Avemu l’Italia à quattru ore di Bastia, i Corsi anu spessu chjamatu l’Italia « a Terra ferma ». Notre île et les frontières maritimes sont les grandes oubliées du Traité du Quirinal qui acte le renforcement de la coopération entre la France et l’Italie, alors même que notre culture est profondément italique et que notre territoire a souvent servi de trait d’union entre ces deux pays ». Afin, précise-t-elle « de rétablir le rôle de la Corse dans le cadre de cette coopération européenne », elle a déposé une motion qui sera discutée vendredi en séance. « La Corse autonome devra avoir l’ambition de mener une stratégie offensive de relations bilatérales ou multilatérales avec des régions italiennes et ce, en utilisant tous les leviers institutionnels à disposition. Il en va de nos relations économiques, académiques ou encore de la stratégie de valorisation de notre langue. Je m’engagerai en ce sens au cours des prochains mois ». Avant de conclure : « Ruraux, Insulaires, Méditerranéens, Latins, voici une partie de ce que nous sommes ! Soyons-en fiers ! Faisons prospérer cette identité multiple qui ne demande qu’à rayonner ! Surtout n’ayons pas peur et dotons-nous des outils nécessaires pour continuer à exister ».
 
N.M.