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Libération de la Corse : 80 ans après , les civils témoignent de leur vie quotidienne


J.C. le Mardi 3 Octobre 2023 à 15:11

Le 4 octobre 1943 est une date gravée à jamais dans l'histoire de Bastia marquant la libération de la ville après un mois de combats acharnés. Avant même l'arrivée des troupes alliées, la résistance corse, incarnée par les maquisards, avait joué un rôle crucial dans la préparation du terrain pour cette libération. Les noms de héros tels que Pietri, Scamaroni, Giacobbi sont bien connus, mais derrière eux se trouvent d'innombrables anonymes qui ont combattu pour la défense de leur territoire.
Ghjacintu, Martine et Alexandre reviennent sur cette période avec une très vive émotion, 80 ans après les faits.



Maquisards corses au combat - © Service historique de la Défense, Vincennes.
Maquisards corses au combat - © Service historique de la Défense, Vincennes.
Le bruit sourd des bombardements résonnant dans la vallée, les patrouilles militaires italiennes avides de provisions, les troupes alliées américaines distribuant des chewing-gums aux enfants affamés : ce sont ces souvenirs poignants qui peuplent les pensées de Ghjacintu. Dans ces instants empreints de crainte et de privations, il conserve des souvenirs cristallins de cette période sombre de l'histoire. "Les bombardements étaient monnaie courante, chaque jour apportant son lot de tonnerre dans les cieux, et le bombardement de Piedicorte di Caggio reste gravé dans ma mémoire," confie-t-il. "Nous avons connu la pénurie, nos maigres récoltes constituant notre unique source de nourriture. Lorsque les Italiens arrivaient au village, ils confisquaient tout, des légumes aux agneaux, car ils connaissaient eux aussi la faim." 
Ghjacintu se souvient également des nuits où tous les résistants, bien que peu nombreux dans le village, prenaient leur poste de garde armés. Le soir, lorsque les Italiens approchaient en criant "la luce, la luce" (la lumière, la lumière), le village tout entier plongeait dans l'obscurité, même si à cette époque, la seule source de lumière était constituée des lampes à pétrole. Je me souviens que à Piedicorte di Caggio,le mari de notre institutrice, alors qu'il portait son cheval boire à la fontaine a été mitraillé. .Il y avait la misère et elle a duré encore longtemps, et nos parents travaillaient dur, et il fallait se taire quand les Italiens récupéraient tout ce qu'ils pouvaient." Dans le récit de Ghjacintu, on ressent l'allégresse qui a envahi le village à l'annonce de la libération. "Nous avons célébré à notre manière, avec hommes, femmes et enfants courant dans tous les sens, entonnant des chants de 'evviva, evviva' (vive, vive)," se souvient-il. Les cloches du campanile se sont jointes à ce concert de liesse.

Martine Lepidi, une autre habitante de Tallone, partage une anecdote marquante de cette période tumultueuse. Un jour, un homme est arrivé au village en criant "l'alemani sò in paese" (les Allemands sont au village), plongeant la communauté dans la panique. Cependant, il s'est avéré que cet homme criait en réalité "l'alemani si sò resi" (les Allemands se sont rendus), annonçant ainsi la libération tant attendue. Les cris de joie ont retenti à travers tout Tallone.
 

A Orezza, la menace du Ponte Biancu

Dans la région de la châtaigneraie Orezzinca la résistance s'active aussi. Villages et hameaux s'organisent pour contrer l'offensive ennemie. Au lieu-dit Frisgiatella, Alexandre Raffalli vit avec ses parents, sa grand-mère Giuditta,et la fratrie composée de 10 enfants est protégée dans ce coin de verdure isolé. Mais, la guerre s'infiltre partout. Alexandre est l'aîné de la fratrie, il se rappelle alors qu'il n'avait que 9 ans,les moments d'intense inquiétude, et les bruits effrayants de la guerre. Il se souveint du soir où les Allemands ont fait son père prisonnier "les Allemands voulaient absolument les noms de certains résistants, alors ils ont ratissé toute l'Orezza. Ils ont emmené plusieurs hommes dont mon père Fancescu- Antone. Ensuite, ils les ont enfermés dans une maison près de l'actuel site des Eaux d'Orezza. La menace était pressante, et les injonctions menaçantes. Les Allemands avaient l'intention de faire sauter u Ponte Biancu qui reliaient tous les villages à la plaine. Je me souviens que sans nouvelle de son mari, ma mère Risabetta est partie dans la nuit, nous laissant à notre grand-mère. Elle avait mis sur la tête un chiffon blanc pour montrer qu'elle était une femme et accompagnée de son chien, dans la nuit noire,elle a rejoint la prison improvisée et il y a quelques kilomètres. Mais, les Allemands l'ont aussi faite prisonnière. Les malheureux ont passé toute la nuit enfermés dans la peur du sort qui leur était réservé. Pendant ce temps, les maquisards tiraient vers u Ponte Biancu, et les Allemands ont relâché leurs prisonniers pour se battre contre nos jeunes. Ce soir-là, un jeune de 20 ans est mort sous les balles des Allemands."


Quatre-vingts ans plus tard, la mémoire de ces héros perdure, honorée sur de nombreux monuments aux morts, sur lesquelles des phrases commémoratives rappellent le sacrifice et le dévouement de ces hommes courageux et dignes, prêts à tout pour défendre leur terre et leur liberté.