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Gérald Darmanin rencontre les parlementaires corses : Du positif, des doutes et un refus net !


Nicole Mari le Jeudi 17 Mars 2022 à 18:59

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a rencontré, jeudi matin, tôt, les parlementaires corses pendant près d’une heure et demi pour prendre leurs avis sur les trois sujets en cours : la vérité sur la tentative d’assassinat d’Yvan Colonna, le rapprochement et la libération d’Alain Ferrandi et de Pierre Alessandri, et le statut d’autonomie. S’il y a eu des satisfactions, quelques réserves et des interrogations, côté nationaliste, sur la validité et la pérennité de la parole de l’Etat post période électorale, le sénateur LR Jean-Jacques Panunzi a exprimé son refus net de l’autonomie.



Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, à la préfecture de Corse du Sud. Photo Michel Luccioni.
Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, à la préfecture de Corse du Sud. Photo Michel Luccioni.
L’entretien, qui était prévu en amont de la visite, a duré près d’une heure et demi à la Préfecture de Corse du Sud. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait convié les parlementaires pour un entretien matinal, à 8 heures, juste avant son déplacement prévu à la base d’Asprettu où il a rencontré les forces de l’ordre mobilisées en Corse, et avant la rencontre l’après-midi avec les gendarmes à Porto-Vecchio. Etaient présents les trois députés nationalistes, Michel Castellani, Jean-Félix Acquaviva et Paul-André Colombani, qui n’avaient pu être présents la veille à cause des auditions à l’Assemblée nationale sur la tentative d’assassinat d’Yvan Colonna, le 2 mars, à la centrale d’Arles. Egalement, les élus LR, le député Jean-Jacques Ferrara et le sénateur Jean-Jacques Panunzi. Il a reçu, ensuite, le recteur de l’académie de Corse, Jean Philippe Agresti, et le président de l’université de Corse, Dominique Federici. Chacun a pu s’exprimer sans tabou sur les trois questions du jour : la vérité sur la tentative d’assassinat d’Yvan Colonna, le rapprochement et la libération d’Alain Ferrandi et de Pierre Alessandri, et le statut d’autonomie. « J’ai mission du Président de la République pour être un homme de dialogue, et un homme de dialogue est un homme qui dialogue », résume le ministre Darmanin.

Michel Castellani : « Le ministre est dans un état d’esprit très positif »

Le député nationaliste de la 1ère circonscription de Haute-Corse, Michel Castellani, a salué cet état d’esprit : « Nous avons trouvé un ministre dans un esprit très positif, ouvert, très politique. Les élus eux-mêmes ont exprimé leurs sentiments dans l’esprit démocratique. Nous avons mis sur la table nos différentes sensibilités en marquant le fait qu’il y a une majorité en Corse qui a été validée par le suffrage universel. On a fait le tour de toutes les questions. D’abord sur la situation immédiate des prisonniers et plus largement sur la nécessité d’avancer sur le plan économique, social et culturel avec le débat sur les institutions. Les institutions sont-elles neutres dans cette affaire ou faut-il avancer sur le plan institutionnel ? Pas pour le plaisir de faire du juridique, mais pour accorder un maximum de moyens pour améliorer la situation qui, objectivement, n’est pas bonne ». Le député bastiais révèle que le ministre a chargé un de ses collaborateurs de la question corse, une sorte de Mr Corse qui devrait venir dans l’île la semaine prochaine. « Nous allons continuer à travailler parce qu’il n’y a que le résultat qui compte. Sur le plan de l’évolution institutionnelle, tout est stérilisé par la double élection présidentielle et législative, c’est une évidence que ce sera renvoyé après les élections, mais cela n’empêche pas de mettre, d’ores et déjà, sur la table des propositions ». Concernant l’épineuse affaire des prisonniers, il estime que « Tout le monde est désormais conscient qu’il faudra dénouer cette affaire très rapidement, parce que c’est vraiment la base du retour à une situation normale ».
 

Jean-Félix Acquaviva : « Il ne faut plus mettre notre énergie à la défiance mais à la réparation de la confiance »

Un avis partagé par le député nationaliste de la 2ème circonscription de Haute-Corse, Jean-Félix Acquaviva : « Nous prenons acte de l’engagement du ministre sur un projet de construction d’autonomie. Comme norme de travail, il a cité le statut de la Polynésie et des îles de la Méditerranée avec un calendrier fixé fin 2022. Nous prenons acte aussi de sa volonté d’avancer sur le transfèrement des prisonniers et sur la question de l’ensemble des amendes des prisonniers, même s’il a mis en garde sur l’indépendance de la justice, ce qui est à ce stade normal. Il n’a pas repoussé le champ de la discussion sur ces sujets-là. Nous prenons acte de sa volonté de faire une réunion avant l’élection présidentielle pour commencer à travailler, pour amorcer un processus politique historique qui doit aller à une solution politique globale ». À ce stade, pour que l’amorce du processus se fasse et pour attaquer la négociation, le député et conseiller territorial rappelle un préalable : « Nous attendons que la proposition de protocole de sortie de crise, faite par le président du Conseil exécutif, Gilles Simeoni, soit acceptée. Le but est de démontrer politiquement et symboliquement l’engagement de l’État et la volonté de continuité de l’État, cela veut dire que l’on doit chevaucher - ce sont les termes communs du ministre et du président de l’Exécutif - l’élection présidentielleIl faudra rentrer dans le processus de négociation avec, en tête, l’idée de clôturer un cycle de 50 ans de conflits pour qu’il n’y ait pas de nouveaux drames pour le pays et pour tourner le dos aux logiques infernales et mortifères qui peuvent resurgir ». S’il conserve une prudence liée au fond, « Toutes les avancées, que nous avons arrachées au niveau parlementaire, ne l’ont jamais été avec le soutien du gouvernement, nous avons, donc, une attitude prudente et vigilante par nature », il affirme que cela ne doit pas faire dévier de l’objectif « de rassembler fortement les bonnes volontés pour construire la paix et une solution globale. Il ne faut plus mettre notre énergie à la défiance mais à la réparation de la confiance. Même si des avis divergent, le temps n’est plus le même, on n’est plus en 2022, aujourd’hui les conditions politiques sont réunies plus fortement au niveau français comme au niveau Corse ».

Paul-André Colombani : « Le point dur, c’est le rapprochement des prisonniers. Pourra-t-il le faire ? »

Le député nationaliste de la 2ème circonscription de Corse du Sud, Paul-André Colombani, est plus circonspect. D’abord sur l’enquête parlementaire concernant la vérité sur l’affaire Yvan Colonna : « J’ai dit au ministre que les réponses, que nous avons eues hier, du directeur de l’administration pénitentiaire n’étaient pas claires, pas satisfaisantes. Il y a des choses qui n’ont pas été suffisamment éclaircies ». Il révèle que le ministre a demandé aux juges de rencontrer la famille Colonna le plus rapidement possible. Sur le volet évolution institutionnelle, « Le ministre dit qu’il est prêt à tout mettre sur la table et que s’il y a des choses intéressantes du côté des îles de La Réunion, de la Polynésie ou de la Nouvelle Calédonie, on ira les chercher. C’est la première fois qu’un gouvernement parle à ce niveau-là. Donc, tout est ouvert ! On ne va pas faire la fine bouche, mais on n’est pas non plus des perdreaux de l’année. Nous sommes en période électorale, peut-on se contenter de ce que nous a dit le ministre ? Ces discussions vont-elles survivre aux élections ? Je n’en sais rien ! Cela va passer sur un protocole qui sera signé avant son départ avec le président Simeoni ». Sur l’autonomie ? « On va arrêter de parler d’autonomie de plein droit et de plein d’exercice, cela ne veut rien dire ! L’autonomie en termes de droits dans la Constitution française, c’est l’article 74 et tout ce qu’il y a autour de l’article 74. Sur la méthode, il faut absolument en parler avec le Sénat, le connecter aux discussions, le convaincre, sinon le ministre va dire, comme il vient de le dire que c’est la faute au Sénat ». Pour le député de Porto-Vecchio, « le point dur, c’est le rapprochement des prisonniers. Pourra-t-il le faire ? ». Il exprime des doutes sur la capacité à agir d’un ministre « tenu par une opinion publique et une compagne électorale. Je ne sais pas si cela va suffire ! ».

Jean Jacques Panunzi : « La Corse n’est pas prête pour s’auto réguler ! C’est inimaginable ! »

Par contre, l’autonomie n’est pas du tout du goût du sénateur LR de Corse du Sud, Jean Jacques Panunzi, qui l’a dit fermement au ministre. « Je lui ai d’abord dit que, comme beaucoup de personnes en Corse, j’étais indigné par les propos que j’ai pu entendre de certains élus de la République, que ce n’était pas des propos pour engager la paix et le dialogue en Corse. Il y avait aussi les élus nationalistes, je voulais qu’ils sachent ce que je pense ». Il n’apprécie guère plus la méthode choisie. « Je lui ai dit qu’il y avait aussi une mauvaise méthode de la part de l’État. Le comportement de l’État pendant la crise liée à la tentative d’assassinat d’Yvan Colonna aurait pu être différent, si on avait consulté les parlementaires et si on s’était réunis en amont. Comment on essaye aujourd’hui de rétablir la paix et de se remettre autour d’une table pour négocier ? Ce n’est pas avec les propos que le ministre a tenu hier en disant, in fine, qu’on pourrait s’orienter vers un statut d’autonomie de type polynésien que nous arriverons à remettre la paix en Corse ! Il y en a qui s’en réjouissent mais il y en a qui sont déjà mécontents ! ». Le sénateur de droite plaide pour une autre méthode de travail. « Il faut essayer de comprendre d’abord pourquoi les trois statuts précédents n’ont pas fonctionné. Et à partir de là, faire des ajustements, sans aller jusqu’au statut d’autonomie, pour trouver les moyens pour que nos institutions fonctionnent en Corse ». Par exemple, explique-t-il : « Lors de la présentation de la loi 3DS au Sénat, j’ai déposé six amendements qui ont été, tous, rejetés, dont un très important sur le pouvoir d’expérimentation et d’adaptation des lois. Je ne suis pas fermé pour m’asseoir à une table de négociation pour essayer de trouver un consensus et amener la paix en Corse, mais il faut utiliser une méthode qui satisfasse tout le monde ». Il insiste : « Le statut d’autonomie de type polynésien ne me convient pas du tout quand on connaît les tenants et les aboutissants de ce statut. Ce n’est pas un statut d’autonomie, c’est pratiquement un statut d’indépendance ! La Corse n’est pas prête pour s’auto réguler ! Je n’imagine pas un seul instant que la Corse puisse faire ses lois et adopter ses propres lois. C’est inimaginable ! Il faut s’orienter tranquillement vers une nouvelle réforme institutionnelle pour améliorer les statuts précédents ». Et de conclure : « Si le fait de donner un nouveau statut à la Corse avait résolu les problèmes, cela fait 40 ans que les problèmes auraient dû être résolus. Nous avons eu trois statuts, aucun deux n’a rien réglé ! ».  
 
Propos recueillis par Nicole MARI.
 

(Photos Michel Luccioni)