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Entretien Simeoni – Darmanin : Les réactions des groupes politiques de l’Assemblée de Corse


Nicole Mari le Jeudi 24 Novembre 2022 à 20:37

Lors de la première matinée de session de l’Assemblée de Corse, les divers groupes politiques ont réagi au compte-rendu de l’entretien entre le président de l’Exécutif, Gilles Simeoni, et le ministre de l’Intérieur et des Outre-Mer, Gérald Darmanin, mardi matin à Beauvau. Entre consensus et défiance, les Nationalistes restent majoritairement dans l’attente d’éclaircissements sur la situation des prisonniers, l’opposition de droite appelle à la reprise rapide du cycle de discussions sur l’autonomie et à la mise en place d’une méthode.



L'Assemblée de Corse. Photo Michel Luccioni.
L'Assemblée de Corse. Photo Michel Luccioni.
C’est un fait inhabituel. Les groupes de l’Assemblée de Corse ont réagi en séance publique, jeudi matin, à l’issue du long compte-rendu par le président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse, Gilles Simeoni, de son entretien avec le ministre de l’Intérieur et des Outre-Mer, Gérald Darmanin, deux jours plus tôt à l’Hôtel Beauvau à Paris. Un entretien en tête à tête qui relance le cycle de négociations sur l’autonomie entre l’île et l’Etat, brutalement suspendu en octobre dernier par la douloureuse et récurrente situation des prisonniers du commando Erignac. Le président de l’Exécutif a, donc, informé les élus du contenu des échanges lors de son discours d’ouverture de session. Protocolairement, les élus ne pouvaient y répondre, mais, à la demande de Jean-Martin Mondoloni, président du groupe d’opposition U Soffiu Novu, la présidente de l’Assemblée de Corse, Nanette Maupertuis, a permis à chacun de s’exprimer au pied levé. C’est, donc, ce dernier qui a ouvert le débat.
 

Jean-Martin Mondoloni : « Il faut réactiver les discussions avec Beauvau le plus tôt possible »

Jean-Martin Mondoloni. Photo M. Lucioni.
Jean-Martin Mondoloni. Photo M. Lucioni.
« Nous ne serons jamais dans la quête obsessionnelle du consensus. En revanche, là où je vous rejoins, c’est lorsque nous montons à Paris, il faut que nous ayons des lignes partagées », commente Jean-Martin Mondoloni. Le leader du groupe de droite redit, d’abord, ce qui rassemble et ce qui diverge avec les Nationalistes : « Concernant l’affaire dite des prisonniers politiques, on ne pourra pas s’exonérer de poser cette question. Parce qu’humainement, c’est une question à laquelle on ne peut pas rester insensible, et parce que, de toute façon, ne pas en parler, c’est faire comme si elle n’existait pas et comme si on n’avait pas un sujet qui allait polluer et intoxiquer le processus. Mais ce qui nous distingue dans l’hémicycle, c’est que certains en font un préalable pour discuter. Nous, on considère qu’il faut réactiver les discussions avec Beauvau le plus tôt possible. Pour une raison simple : si problème il y a, c’est à ce niveau-là qu’il doit être réglé. Ce n’est pas entre nous que l’on le va régler, c’est en discutant avec Paris ». Pour lui, il y a d’autres problématiques techniques « qui sont moins prioritaires au regard de certains, mais qui le sont pour nous, et que beaucoup de nos concitoyens considèrent comme urgentes : l’eau, l’assainissement, les déchets… On va se retrouver d’ici à quelques mois sans eau, il va bien falloir qu’on en parle à un moment donné ». Pour conclure, le président d’U Soffiu Noviu affirme qu’il n’a « qu’un repère dans l’Histoire contemporaine de processus dit historique. C’est le Reconciliation Act en Afrique du Sud. En 1995, quand ils ont voté, Nelson Mandela était libéré tout de suite. Mais des membres de l’ANC ont croupi longtemps en prison. Ils n’ont pas été libérés tout de suite. Et pourtant, le processus a avancé. Et ce n’est qu’à terme que tout le monde y a trouvé son compte. On devrait s’inspirer très modestement de ce qui s’est passé ailleurs ». Il demande, donc, à l’Exécutif « de créer les conditions d’atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés ensemble en reprenant le plus vite possible les échanges avec le ministère ».
 

Romain Colonna : « Le temps est venu de la discussion et de créer les conditions de sortir de cette situation »

Le temps est également venu de la reprise de la discussion pour le groupe majoritaire Fa Populu Inseme qui se félicite, par la voix du conseiller territorial et président de la Commission des compétences législatives et règlementaires, Romain Colonna, de l’initiative du président de l’Exécutif. « Vous nous savez extrêmement préoccupés par la situation sociale, culturelle, des prisonniers politiques et plus globalement par la situation politique en Corse. Nous n’avons, depuis le départ de cette histoire, depuis les 50 ans de lutte qui précèdent ce débat, qu’une seule boussole, celle de la démocratie et du mandat conféré par les urnes et le peuple corse », déclare-t-il d’emblée. « Ce mandat nous oblige, au nom de la défense des intérêts moraux et matériels du peuple corse, à régler ce conflit », comme il l’explique dans son tweet :

Et de poursuivre : « Nous l’avons déjà dit, depuis plusieurs semaines, le temps est venu de la discussion et il était aussi de notre devoir, de notre responsabilité, de nous faire l’écho d’un certain nombre de maux qui traversent la société, les associations, les familles de prisonniers ». Il lance au président de l’Exécutif : « avec votre prise de contact renouvelée, vous avez su défendre la voix de cette Assemblée et de la Collectivité de Corse. Nous avions dit que nous attendions des gestes de la part de l’État, il me semble que de notre côté, nous avons su trouver le bon niveau démocratique pour faire un certain nombre de gestes. Ces gestes doivent se concrétiser. Il ne s’agit pas pour nous d’abandonner l’avenir de la Corse, mais de créer toutes les conditions pour que l’on puisse sortir par le haut de cette situation avec toujours le même niveau d’exigence, de vérité et de justice. Vous en avez pris le chemin, Mr le Président ».

Paul-Félix Benedetti : « J’attends des actes, des messages clairs et j’en appelle à la raison »

Du côté de l’opposition indépendantiste, le président du groupe Core in Fronte, Paul-Felix Benedetti, reste plus prudent sur les conditions de reprise des négociations : « Je suis dans la recherche du consensus. Je pense, ici, faire partie de ceux qui viennent du plus loin lorsqu’on essaye de remettre la balle au centre et de faire un match amical. Aujourd’hui, mon groupe est dans une situation toujours bloquée par rapport aux discussions parisiennes. Je suis dans l’attente d’éclaircissements ». Et de préciser : « J’attends des actes. J’attends du ministère de l’Intérieur une note officielle qui annule la note du renseignement intérieur, fallacieuse, qui explique que le trouble à l’ordre public, c’est la libération. La libération, c’est la fête, c’est la joie, ce n’est pas le trouble à l’ordre public. J’attends qu’il reçoive les familles et les avocats pour leur donner une position humaine tout en sachant qu’il y a une séparation très forte entre le pouvoir politique et l’exécutif judiciaire. On n’attend pas d’interférences, mais on n'attend pas des ingérences défavorables comme il y en a eu avec cette note circonstanciée ». Revenant sur la visite prochaine du ministre dans l’île, il la qualifie de « bienvenue, si elle est accompagnée d’un message. Le message doit être factuel et ne peut pas être que dans l’holographie politique ». S’il reconnait « qu’il y a des présomptions de bonnes intentions, il faut les concrétiser. Il nous appartient collectivement d’avoir une action dynamique et positive pour que le cycle, vers lequel nous sommes en train de glisser, soit politiquement gérable ». Il en appelle « à la raison de tous » et « que chacun d’entre nous prenne des postures politiques réelles, fondées, sincères, quelque soit le fond de nos idées, sachant qu’il nous appartient de solutionner un problème qui est enraciné en Corse depuis 50 ans. Il serait dommage de chercher des prétextes et des arguties, alors que notre cœur est dans la vérité, le bon sens, la rationalité ». Tout en espérant « des messages clairs », il explique, dans son tweet, avoir « familialement reçu un mauvais message » :


Josepha Giacometti : « Nous sommes en attente d’actes clairs et non de paroles qui pourraient être interprétés comme »

Josepha Giacometti-Pirreda. Photo M. Luccioni.
Josepha Giacometti-Pirreda. Photo M. Luccioni.
Un avis en partie partagé par l’élue indépendantiste de Corsica Libera. « Pour ma part, la situation est toujours bloquée. Effectivement, il faut que la question de la libération des prisonniers politiques soit posée, mais je reviens à la question du niveau, que je pose dans cette assemblée, depuis le début du cycle de discussions. S’il y a un processus historique, ce qui n’est pas le cas pour l’heure, cette question doit être amenée. Si on est dans un cycle de discussion, c’est autre chose ! Soit on prend la question historique dans toutes ses dimensions, soit on répond à une approche sectorielle par la mise en œuvre d’un cycle de discussions. Il faut qu’on se dise les choses clairement ! », estime Josepha Giacometti-Piredda. Et de marteler : « Nous sommes en attente d’actes clairs et non de paroles ou de gestes qui pourraient être interprétés comme ». Elle aborde, ensuite, la question des lignes rouges. Elle lance au président de l’Exécutif : « Vous évoquez de manière très pratique la question de la spéculation. Aujourd’hui, on sait, parce que nous en avons fait la démonstration ici il y a quelques années, que si on ne pose pas le socle du statut de résident, on va diluer le problème dans des mesures sectorielles et techniques qui risquent de vite devenir contre-productives. Pareil pour la question de la coofficialité. Attention donc ! ». Et d’ajouter : « Vous avez fait le catalogue de gestes qui pourraient être ceux de l’État, mais ce ne sont pas des gestes qui s’inscrivent dans le cycle de discussions et encore moins dans le processus historique. Vous avez cité des dossiers qui relèvent d’un travail courant des élus de la Corse à droit constant qui est très important, mais quid du projet opposable de la Corse ? ». Elle prône « non pas dans un consensus mou, mais de dire ce que nous allons défendre ensemble et ce que, peut-être avec notamment la droite, nous défendrons de manière séparée ».

Jean-Christophe Angelini : « Attention à ne pas tout englober dans le processus en cours et compromettre des dossiers structurants ! »

Côté autonomiste, la réaction se veut pragmatique. « Il faut qu’on arrête une méthode », propose, d’emblée, Jean-Christophe Angelini, président du groupe PNC-Avanzemu afin que « notre Assemblée ne voit pas s’inviter de manière désordonnée et impromptue ce sujet-là, alors même que l’on sait qu’il va nous occuper pendant encore des mois, voire peut-être davantage. Je n’ai pas à ce stade de propositions précises, simplement une volonté de débattre dans le cadre que vous nous proposerez des conditions de conduite des discussions avec Paris et de restitution devant cette Assemblée ». Il réitère sa crainte que le travail des élus ne « perde en efficacité, alors même que l’on est très regardé sur un certain nombre de sujets ». Ayant été reçu avec les maires corses par le ministre de l’Intérieur dans le cadre du Congrès des maires, il veut « y voir la volonté de la part de l’État de garder intact l’espoir d’un processus politique qui puisse se déployer et donner lieu le moment venu à des résultats. Mais, ça ne garantit pas la pleine diversité de l’expression de nos convictions. Il faut à un moment donné pour que les choses soient entendues et fonctionnent que l’on installe une unité de lieu et de temps et que les réunions soient consacrées en leur principe ». Pour lui, c’est de la responsabilité de l’Etat, comme il l’explique dans un tweet :

Sur le fond, le leader du PNC soulève la question de la libération du commando Erignac : « Les Nationalistes se sont exprimés lorsqu’il a été question de distinguer l’indépendance du pouvoir judiciaire et de s’en prévaloir pour ne pas introduire le sort de Pierre Alessandri et d’Alain Ferrandi et de l’ensemble des prisonniers politiques dans les discussions en cours. On sait tous à quel point ce propos trouve très vite ses limites dans la réalité corse. L’idée n’est pas de refaire le droit, mais de dire qu’il y aura une décision le 15 décembre. Je ne sais pas s’il faut l’aborder en ces termes, si c’est adroit ou habile, si on ne va pas se servir de ce propos pour l’identifier comme une forme de pression, ou si à l’inverse, il sera entendu. Notre groupe demande que puisse intervenir une décision de paix. On sait tous que cette décision-là est très attendue par la Corse ». Et prévient : « C’est compliqué parce que si Mr Darmanin vient ici quelques jours avant ou après cette décision, cela peut très vite être le meilleur - Pierre Alessandri sort, Alain Ferrandi s’apprête à sortir un peu plus tard - c’est un cas de figure que l’on souhaite de toutes nos forces. A ce stade, je ne poserais pas l’autre cas de figure. Donc, travaillons dans l’équilibre des pouvoirs et dans l’état du rapport de force à cela ! ».