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Eaux d’Orezza : Vers une sortie de crise et un nouveau contrat de concession plus équilibré


Nicole Mari le Vendredi 22 Janvier 2021 à 19:24

Le syndicat STC devait lever dans la journée la grève à l’usine des Eaux minérales d’Orezza. Le directeur industriel, Jean-Louis Rossi, qui était sous le coup d’une procédure de licenciement avec mise à pied, est réintégré avec un simple avertissement. Le président de l’Exécutif de la Collectivité de Corse (CdC), qui est propriétaire du site, a négocié un nouveau contrat de location-gérance avec la SNEEMO, la société d’exploitation dirigée par Marie Laurence Mora. Une réunion a eu lieu, vendredi après-midi, entre Gilles Simeoni et les maires des communes concernées. Une nouvelle réunion tripartite – CdC- SNEEMO et STC – se tiendra pour finaliser l’accord dimanche à Bastia. Explications, pour Corse Net Infos, de Jean Brignole, secrétaire général du STC, et de Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse.



Les salariés en grève et le syndicat STC devant l'entrée des Eaux d'Orezza.
Les salariés en grève et le syndicat STC devant l'entrée des Eaux d'Orezza.

Jean Brignole : « Un certain nombre de garde-fous doivent être mis en place dans le cadre de la location-gérance »

Jean Brignole, secrétaire général du STC.
Jean Brignole, secrétaire général du STC.
- Que vouliez-vous obtenir par ce mouvement de grève ?
- Deux points. La location-gérance arrive à échéance le 23 février 2021, mais cela fait plusieurs mois que nous tirons la sonnette d’alarme. Nous avions alerté sur la situation conflictuelle. Cerise sur le gâteau : la Direction met en place, à compter de la semaine dernière, une procédure de mise à pied conservatoire et de licenciement du Directeur Jean-Louis Rossi. L’entretien préalable a eu lieu lundi dernier. Les griefs, qui lui sont reprochés, n’étaient pas de nature, selon nous, à prévoir, ni une mise à pied conservatoire, ni un licenciement. Nous en avons averti la présidence de la SNEEMO, Mme Mora et ses conseils. Ce n’est pas ma tasse de thé de défendre des directeurs. Mais les gens sont inquiets, le sentiment quasi-général est que si on s’attaque à un directeur, on peut s’attaquer à tout le monde. Après trois jours de discussion fort âpres avec la présidente et le président de l’Exécutif de la CdC, on s’achemine vers la réintégration de Mr Rossi, accompagnée peut-être d’un avertissement. Nous attendons la rédaction de cette missive. Nous avons, ensuite, obtenu, dès mardi, la mise en place d’une réunion tripartite, qui aura lieu dimanche à 14 heures dans les locaux de la CdC à Bastia, entre Mme Mora, le président de l’Exécutif et une représentation du personnel avec le syndicat STC.

- Vous dites que le conflit est en gestation depuis plusieurs mois. Quel est le problème ?
- Nous avons été obligés d’intervenir à plusieurs reprises dans la gestion sous COVID. Au mois de juin 2020, nous avons demandé la reprise totale de l’activité, puisque la saison recommençait et s’annonçait prometteuse pour les Eaux d’Orezza. L’activité normale étant de 16 heures par jour avec deux équipes de huit heures, l’usine ne fonctionnait qu’avec une équipe, l’autre étant en chômage partiel. L’usine était à la limite des ruptures de stocks alors que la moitié des ventes corses se fait en juillet-août et qu’il y avait des commandes. Nous avons fait le forcing et obtenu que le travail reprenne. Ce n’est pas notre job, mais nous l’avons fait parce que derrière l’outil de production, il y a des salariés qui doivent maintenir leur statut et leur emploi. Cette période, qui dure depuis 18 mois, est anxiogène et inquiétante. Nous avons dit aux politiques que s’ils signaient un autre accord, il fallait le signer en connaissance de cause en sachant toutes ses interrogations et ses inquiétudes.

- Que reprochez-vous exactement à la gestion actuelle ?
- Cette gestion dans le cadre d’une location-gérance ne convient pas. Aujourd’hui, il y a le problème du Pont blanc qui est en travaux, les semi-remorques ne peuvent pas passer. Ils sont obligés d’emprunter le col de Prato. Cela fait des contraintes supplémentaires. L’usine ne peut produire que du verre, alors qu’elle doit produire aussi du plastique, si on veut anticiper. Toutes ces questions sont d’actualité et viennent s’entrechoquer avec la situation de fin de contrat et de renouvellement sur une période beaucoup plus longue - on passe de 1 an et demi à quatre ans – et sur une rétrocession de biens, que ce soit l’outil de production comme des cuves de stockage. C’est un tout, une inquiétude permanente. On ne peut pas continuer dans ces conditions-là. On l’a dit à tout le monde. On a dit à l’employeur qu’il faudra avoir des relations différentes. On l’a dit au propriétaire des eaux, la CdC, qu’un certain nombre de garde-fous doivent être mis en place dans le cadre de la location-gérance, ou sinon nous devrons faire les pompiers sociaux en permanence.

- Vous demandez d’autres conditions pour le personnel. Lesquelles ?
- Concrètement, un syndicaliste demande toujours le mieux de ce qui pourrait être. Quand une entreprise fait autant de bénéfices sur un chiffre d’affaires que la SNEEMO, à peu près 15 % de bénéfices, les personnels sont en droit d’attendre des retombées sociales beaucoup plus prégnantes, plus réelles que celles d’aujourd’hui. Il y a aussi des procédés de production et de vente qui permettraient, demain, d’améliorer les résultats, cela doit s’accompagner aussi d’un statut social beaucoup plus performant que celui qui existe aujourd’hui. Le statut actuel est issu d’années de discussions et de luttes, mais il faut passer à un autre stade. Les Eaux d’Orezza sont une réussite industrielle majeure en milieu rural profond, elles doivent continuer à se développer. Tout le monde doit en être conscient et prendre ses responsabilités. Nous serons autour de la table dimanche pour que ces responsabilités soient prises.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.

Gilles Simeoni : « Nous travaillons à un trouver un bon point d’équilibre et nous sommes près du but »

Gilles Simeoni. Photo Michel Luccioni.
Gilles Simeoni. Photo Michel Luccioni.
Interrogé par nos soins, le président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse, Gilles Simeoni, qui est en train de négocier un nouveau contrat de location-gérance avec la SNEEMO, la société d’exploitation dirigée par Marie Laurence Mora, se veut rassurant : « Nous travaillons depuis des mois sur ce dossier de façon constante, avec les services de la Collectivité de Corse, que je salue, et avec l’aide d’avocats, à la prééminence de l’intérêt général, à la continuité de l’exploitation, et à nous assurer que la Collectivité de Corse reprenne la pleine et entière propriété des moyens de production et de la marque. Nous travaillons de la même façon à sauvegarder l’emploi et à renforcer les retombées économiques sur le territoire d’Orezza et pour toute la Corse, tout en permettant à la marque Orezza de rester extrêmement compétitive dans un secteur très concurrentiel. Tout cela passe par la nécessité de trouver un bon point d’équilibre qui satisfait tout le monde ». Il rappelle que « La Collectivité de Corse défend l’intérêt général. Elle discute avec son co-contractant actuel et, en même temps, écoute et prend en compte les attentes légitimes des élus du territoire, de la population d’Orezza et, bien sûr, des salariés qui sont les premiers concernés ». Les négociations seraient en bonne voie d’aboutir. Le président de l’Exécutif, qui vient de rencontrer les maires des communes concernées, n’en dévoile pas plus. Il se dit simplement optimiste : « Aujourd’hui, nous sommes près du but. Ma volonté est que la source continue d’être exploitée dans des conditions optimales et avec la prise en compte des différents objectifs que je viens d’énumérer ». Gilles Simeoni pourrait profiter de la prochaine session de l'Assemblée de Corse, qui se tiendra les 28 et 29 janvier, pour faire le point sur les négociations.
 
N.M.
 

François Sargentini : « Il faut un plan pour sécuriser le site et l'ensemble de la vallée d'Orezza »

François Sargentini, conseiller exécutif à la Collectivité de Corse, et Petru Anto Tomasi, président du groupe Corsica Libera à l'Assemblée de Corse, étaient présents pour apporter leur soutien aux grévistes.