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Discussion avec Paris : Corsica Libera dénonce une « parodie » d'autonomie et propose une « solution politique » en dix points


M.V. le Lundi 26 Septembre 2022 à 19:47

C’est avec en ligne de mire les discussions engagées avec Paris sur l’avenir de l’île que Corsica Libera a fait sa rentrée politique, ce lundi 26 septembre, en martelant son scepticisme à l'égard d’un processus qu’il taxe de « parodie ». Le parti indépendantiste dénonce une « l’illusion d‘un moment historique » qui se ferait « sans peuple corse, sans pouvoirs et sans contours ».
Pour réussir un « vrai processus historique pour la Corse qui permette la reconnaissance d'un peuple sur sa terre et l'exercice de ses droits nationaux », le parti propose un programme en dix points que Petru-Anto Tomasi détaille pour Corse Net Infos



La conférence de presse de ce lundi dans les locaux bastiais du mouvement
La conférence de presse de ce lundi dans les locaux bastiais du mouvement
- Vous êtes très critique vis-à-vis des discussions sur l’autonomie. Pourquoi tant de réticences ? 
- P.-A. Tomasi : Nous estimons que c'est une parodie de processus historique dans la mesure  un certain nombre de points sont, dès l'origine, exclus du champ des possibles par le protocole qui a été signé par Gérald Darmanin et Gilles Simeoni le 17 mars dernier. Jpense à la reconnaissance des droits du peuple corse, la coofficialité, le statut de résident, la corsisation des emplois, par exemple... Et puis, parce qu'on voit bien que la mesure est dépourvue de tout substrat politique. On parle de mesurettes techniques, on saucissonne les problèmes, la fiscalité d'un côté, quelques mesurettes foncières, certainement, dans quelques semaines ! On oublie de poser la question centrale : que signifie un processus politique dont est exclu le peuple corse qui est la seule communauté de droit sur cette terre ? Les Corses sont, aujourd'hui, menacés de disparition par une démographie exponentielle - 5 000 à 6 000 personnes arrivent sur l'île chaque année depuis environ quinze ans - et par la spéculation foncière et immobilière qui s'aggrave et qui, par le poids de l'argent roi, est en train de chasser les Corses de leur pays, ou au mieux de les condamner à vivre dans des réserves.

- Pourquoi dites-vous que ce processus n'est pas à la hauteur de la mobilisation populaire de mars dernier ?
- Pour le moment, ce processus n'est pas à la hauteur des mobilisations massives qui ont eu lieu dans la rue et des mots d'ordre qui y étaient portés puisque ces mots d'ordre, aujourd'hui, sont exclus du périmètre de la discussion, et donc de la décision. Ce processus n'est tout simplement pas à la hauteur des revendications historiques du mouvement national et des revendications portées par les Corses, y compris sous des mandatures qui n'étaient pas nationalistes. Je pense notamment à la mandature de Paul Giacobbi. Donc, que les choses soient claires, notre état d'esprit, c'est la réussite d'un vrai processus historique pour la Corse qui permette la reconnaissance d'un peuple sur sa terre et l'exercice de ses droits nationaux. Pour ce faire, nous formulons un programme en dix points. Nous sommes obligés de dire aux Corses la vérité : aujourd'hui, le compte n'y est pas !

-
Est-ce le message que porte votre élue, Josepha Giacometti, pendant ces négociations ? 
- Oui ! C'est le message qu'elle porte ! Elle a bien fait comprendre qu'elle est la seule voix dissonante dans un enthousiasme généralisé face à un processus qui, non seulement n'aboutit pas, mais exclut, par principe, les revendications historiques. Cette position est défendue exclusivement à cette heure par Corsica Libera ! Nous souhaitons que les forces politiques, notamment celles qui se revendiquent du mouvement national, se ressaisissent et aillent dans cette discussion, pas simplement pour des mesurettes qui pourraient demain être élargies dans le cadre d'une décentralisation française généralisée, mais pour un changement de cap dans le cadre de ce processus. C'est ce que nous allons porter par la mobilisation, notamment dans le cadre de notre congrès qui aura lieu le 20 novembre prochain.

- Concernant ce congrès, va-t-il aider le parti à se régénérer après sa mauvaise passe électorale ? 
- Un congrès, c'est toujours le moment de faire le point et de fixer des orientations dynamiques pour l'avenir. Pour autant, je crois que Corsica Liberay compris ces derniers mois, a fait la démonstration de sa capacité à revenir sur le devant de la scène sur le plan électoral, aux élections législatives et aux  ghjurnate internaziunali qui ont été un succès. Mais effectivement, ce congrès sera, pour nous, une étape fondamentale du rassemblement de tous les Corses qui souhaitent se battre pour la survie d'un peuple sur cette terre, pas une simple population. Il y a un peuple qui existe, dev'esse prontu a marchjià.

Petru Antone Tomasi, membre de l'exécutif de Corsica Libera
Petru Antone Tomasi, membre de l'exécutif de Corsica Libera
- La rupture avec le PNC-Avanzemu est consommée à l’Assemblée de Corse. Le PNC parle d’une « clarification » et de divergences. Qu’est-ce qui a amené la rupture ? Comment réagissez-vous ? 
- Il n'y a pas de faits nouveaux. Je ne parlerai pas de rupture puisque les choses étaient claires dès l'origine : nous figurions sur des listes différentes aux élections territoriales de 2021. Nous venons d'un parcours politique et militant qui est différent. Et donc, dès l'origine, il était convenu que Corsica Libera, dans le cadre de l'Assemblée de Corse, ait une liberté d'action et de parole qui aurait pu prendre la forme d'un groupe, si le résultat aux élections territoriales avait été plus favorable, et qui a pris la forme de cet apparentement de Josepha Giacometti au groupe Avanzemu. Aujourd'hui, il y a effectivement des discussions sereines en cours avec le PNC, c'est la raison pour laquelle je ne parlerai pas de rupture, mais de clarification. Je laisse le soin à Josepha Giacometti de l'annoncer à l'occasion de la prochaine session de l'Assemblée de Corse. L'idée, c'est que Corsica Libera et Avanzemu retrouvent une liberté d'action, une indépendance d'action et de parole qui soit plus évidente encore.

- Le risque, c'est que Josepha Giacometti se trouve un peu isolée. Sa voix, la seule de Corsica Libera, sera-t-elle entendue ? 
- C'était déjà le cas auparavant puisque, tout en ayant des relations de travail avec le groupe AvanzemuJosepha Giacometti a eu l'occasion de faire valoir des points de vue différents, à la fois par rapport à ce qui se passe à Paris que sur les dossiers qui ont été examinés à l'Assemblée de Corse. Je pense notamment au dossier de la compagnie maritime où nous avons pris des positions très critiques sur l'abandon de la compagnie régionale, et où le groupe Avanzemu avait une position un peu différente. Je ne crois pas que Josepha Giiacometti soit isolée dans la mesure  elle représente un courant politique organisé qui a fait la démonstration, y compris ces dernières semaines, qu'il avait encore une représentativité au sein de la vie politique corse. C'est, donc, dans ce sens qu'elle va continuer à participer, à la fois, aux travaux de l'assemblée et aux discussions avec Paris dans le cadre du processus en cours.

-  Core in Fronte a rencontré le PNC et dit vouloir discuter avec tout le mouvement national. Vous avez plusieurs fois affirmé que votre antagonisme était irréconciliable. Est-ce toujours le cas ?
Nous n'avons pas de relations structurelles avec Core in Fronte. Il n'y a pas, à cette heure, de réunions bilatérales de prévue. Aujourd'hui, Corsica Libera se situe dans la logique de la préparation de son congrès pour, avec ses militants et avec un rassemblement large de tous ceux qui partagent notre point de vue, restructurer un courant qui est un courant historique du mouvement national. Nous participons, à l'Assemblée de Corseau débat avec l'ensemble des familles politiques et nous essayons de convaincre l'ensemble des familles politiques et des sensibilités du bien-fondé de nos propositions. Voilà, à l'heure actuelle, la façon dont nous abordons notre relation avec les autres composantes de l'Assemblée de Corse et singulièrement de la famille nationaliste.