
« En Corse, on fume plus qu’ailleurs, et ça finit par se voir. » Le constat du Dr Marie-Pierre Perquis est sans détour. Pneumologue au centre hospitalier de Bastia, elle coordonne ce jeudi 15 mai une conférence publique organisée à la salle polyvalente de Lupinu dans le cadre d’une campagne nationale de prévention du cancer du poumon. Un temps d’échange ouvert à tous, mais avec une cible en tête : « les fumeurs, les anciens fumeurs, et tous ceux qui ne mesurent pas toujours les risques liés à leur environnement. »
Le tabagisme reste en effet de loin le principal facteur de risque du cancer du poumon. « C’est celui qu’on connaît le mieux, et pourtant, on continue à constater des chiffres très élevés en Corse, notamment chez les jeunes. » Parmi les tendances les plus marquées sur l'ile, celle de l’augmentation des cas chez les femmes inquiète particulièrement les professionnels. « On observe une surexpression des cancers du poumon féminins, liée directement à la hausse du tabagisme. En Corse, il y a plus de 30 % de femmes fumeuses supplémentaires par rapport à la moyenne nationale. » Un chiffre alarmant, reflet d’un comportement à risque qui peine à reculer malgré les campagnes de prévention.
Radon, particules, cannabis : les autres dangers
Au-delà de la cigarette, d’autres expositions aggravent le risque de développer un cancer du poumon. Le radon, par exemple, est particulièrement présent en Corse-du-Sud. « C’est un gaz radioactif naturel qui s’échappe des sols granitiques et peut s’accumuler à l’intérieur des habitations. À l’air libre, il n’est pas toxique. Mais à l’intérieur, mal ventilé, il devient un facteur cancérigène avéré », explique le Dr Perquis.
S’y ajoutent les particules fines de la pollution de l’air, les cheminées mal ventilées, ou encore le cannabis, dont la consommation reste un sujet plus discret. « La Corse est un peu en dessous de la moyenne nationale sur ce point. Mais quelle que soit la substance, ce n’est pas l’exposition ponctuelle qui fait le cancer, c’est l’exposition chronique. »
La meilleure arme reste la prévention. « Éviter les facteurs de risque, c’est essentiel. Il faut arrêter de fumer, éviter les lieux clos enfumés, bien ventiler son intérieur, notamment si on utilise un chauffage au bois ou si on habite en zone granitique. Pour le radon, une aération quotidienne d’au moins dix minutes suffit à évacuer le gaz », détaille la pneumologue.
Côté dépistage, il ne s’adresse pour l’instant qu’à un public ciblé : les fumeurs réguliers ou sevrés depuis moins de quinze ans, à partir de 50 ans. « C’est encore trop peu connu. On a beaucoup informé sur le tabac il y a vingt ans, mais les gens sont encore mal sensibilisés aux autres risques. »
Des soins accessibles… quand le signal est clair
Autre difficulté insulaire : l’accès aux spécialistes. Mais le Dr Perquis tient à nuancer : « Il est vrai que les délais peuvent être longs pour un rendez-vous de suivi classique. Mais pour tout ce qui relève d’un soupçon de cancer, on a mis en place un système de signalement par mail que les généralistes connaissent. Un scanner suspect nous est envoyé, on le regarde en 24 à 48 heures. Et si c’est inquiétant, on reçoit les patients très vite. C’est essentiel que cela soit su. »
En matière de traitements, les avancées sont notables. L’immunothérapie, notamment, a considérablement changé la donne. « Elle a quasiment doublé la survie à cinq ans dans le cancer du poumon. Et aujourd’hui, on entre dans l’ère des traitements ciblés, basés sur des mutations génétiques spécifiques. Pour certains patients, on peut proposer des essais de traitements très innovants, parfois sous forme de vaccins. Ces patients sont alors dirigés vers des centres spécialisés à Marseille ou Paris. »
Une conférence ouverte à tous
La conférence publique de ce jeudi 15 mai à Bastia, prévue à 18h à la salle polyvalente de Lupinu, est ouverte à tous les publics, et particulièrement aux fumeurs, qu’ils soient encore consommateurs ou anciens. « Ce sera un moment interactif, on sera disponibles pour répondre à toutes les questions. L’idée, c’est d’informer, de rassurer, mais surtout d’encourager au dépistage le plus précoce possible. Parce que plus on détecte tôt, plus on guérit. »