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Canale-di-verde : l'eau c'est la vie !


Jeanne Leboulleux-Leonardi le Samedi 4 Juin 2022 à 19:50

En janvier de cette année, la commune de Canale-di-Verde a mis un point final à un gros chantier initié en 2019 : la réfection des réseaux d’eau de la commune. Un travail indispensable, à la fois complexe et coûteux, qui s’inscrit dans une perspective d’ensemble pour la commune : “bien vivre au village”.



une fontaine à Canale-di-Verde
une fontaine à Canale-di-Verde
Comme dans beaucoup de villages corses, l’eau est arrivée dans les maisons de Canale-di-Verde dans les années cinquante. Et depuis, aucun entretien n’a été réalisé : « Le réseau d’eau de la commune était devenu vétuste, explique le maire Jean-Charles Castellani. A un moment ou à un autre, il aurait fallu qu’on le refasse. » 
Réalisé par Corse Travaux sous la supervision de BEI – Bureau d’études insulaire – le chantier s’est déroulé en deux phases : une première phase – de 2019 à fin 2020, pour un montant d’environ 500 000 € –, a concerné le village lui-même. La seconde, qui vient de se terminer, pour un montant de 200 000 €, le hameau de Pastrucciale. « Les travaux ont commencé sous la mandature de Laetitia Casalta : c’est grâce à sa gestion de la commune pendant cinquante-quatre ans que nous avons pu les réaliser, précise le maire. Parce que ce sont des travaux importants pour une commune comme la nôtre : certes, nous recevons des subventions. Mais il faut pouvoir faire l’avance des frais ! » 


Des conditions de réalisation difficiles
Le budget est d’importance, à la fois parce que les conditions de réalisation, en montagne, sont difficiles et parce que, comme le rappelle le maire « il a fallu repartir de zéro ! ». 
Dans un premier temps, le travail a consisté à réhabiliter les trois sources qui alimentent le village – e Pianelle – ainsi que l’unique source qui alimente Pastrucciale – Strappatacciu. Elles ont été sécurisées contre les animaux – vaches ou sangliers – et nettoyées – on les a ainsi débarrassées des racines qui pouvaient les encombrer : « L’objectif était bien de récupérer un maximum d’eau ! ».  
Deux tuyaux réalisés en thermosoudure, d’un seul tenant, ont été confectionnés pour remplacer les anciennes canalisations : l’un pour alimenter le réservoir du village, l’autre pour celui du hameau. L’eau y circule par gravité. Ces tuyaux sans raccord assurent une étanchéité parfaite : oubliées les multiples fuites qui, dans l’ancienne installation, généraient des pertes d’eau importantes ! Le tuyau qui alimente le village mesure deux kilomètres de long. Pour l’enterrer, les ouvriers ont aménagé une piste qui suivait en partie le tracé de l’ancienne canalisation. 
Si les ouvriers pouvaient emprunter un chemin carrossable pour se rendre sur ce premier chantier, Strappatacciu, la source qui alimente Pastrucciale était encore moins accessible : « Ils devaient monter à pied tous les jours, parfois avec du matériel ou un sac de ciment ! » L’essentiel de l’approvisionnement a donc dû se faire par héliportage. 
Ajoutez à cela le COVID qui a contribué à ralentir les travaux : « On ne recevait pas les échelles – des échelles en résine, pour ne pas polluer l’eau – ni même les matériaux ! Il y avait des pénuries ».


Anticiper les manques d’eau à venir…
Pour finir, les deux réservoirs ont été refaits à neuf : « La sécurité, l’étanchéité… Il y a même des alarmes qui nous alertent en cas de baisse du niveau d’eau ». La capacité du réservoir du village a été portée de 40 à 60 m3. Mais celui du hameau a conservé ses dimensions : « 20 m3. L’Agence de l’eau n’a pas voulu l’agrandir, estimant sa taille suffisante. C’est le cas, bien sûr, s’il pleut normalement. Mais cette année, s’inquiète le maire, il n’y a pas beaucoup d’eau. Encore moins que l’an passé ». Avec, en perspective, le risque d’une aggravation de ce phénomène dans les années futures…
Parce que, rappelle Jean-Charles Castellani « s’il n’y a pas d’eau au village, c’est tout juste impossible ! Il nous faut récupérer le maximum d’eau que la nature nous donne, surtout avec les périodes de sécheresse que l’on connaît. Aussi, je pense que s’il y a bien sûr d’autres choses à faire pour la commune, ce chantier, c’est le plus beau chantier qu’on pouvait faire. L’eau, c’est la vie ». Nos anciens le savaient bien qui multipliaient fontaines et lavoirs dans les lieux habités. 


Réactiver des lieux de vie
Canale-di-Verde compte ainsi trois lavoirs municipaux : deux simples bassins au village – l’un d’eux a été restauré vers 2018-19, avec sa ricciata et son toit en teghje – et un lavoir plus moderne à Pastrucciale – « le maire de l’époque habitait le hameau ! », macagne Jean-Charles Castellani. Ils ont été utilisés jusque dans les années soixante, voire soixante-dix : les plus anciens y conservaient leurs habitudes. 
Le village dispose aussi de plusieurs fontaines, où, d’antan, les habitants s’approvisionnaient en eau : l’une d’elles – toujours très fréquentée par ceux, nombreux, qui viennent y remplir bouteilles et jerricanes – se trouve à l’entrée du village. Une autre, tout en haut, à Pisciulella. La troisième sur la route de Chjatra, à Sportellaghja : refaite en 2021 au niveau de la route actuelle – la fontaine d’origine coule en contre-bas, sur l’ancien chemin communal –, elle donne maintenant de l’eau de façon intermittente. Enfin, celle de Merchina, qui va être restaurée cette année, au plus tard sans doute à la fin de l’été : le dossier a été accepté, pour un montant d’environ 150 000 euros. « Avec l’aide de l’Office de l’Environnement, nous allons réhabiliter le chemin – avec une ricciata –, clôturer le lieu pour le protéger des animaux, mettre un banc, de l’éclairage… C’était un lieu de rencontre : les vieux venaient y faire la sieste à côté des châtaigniers… » 
L’objectif, c’est bien de réactiver ces lieux d’échange. Et ainsi, de redonner à tous le goût de monter au village, en remettant à l’honneur un certain art de vivre qu’on avait presque oublié.