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Les brèves

TRIBUNE. Michel Stefani : "Imaginer un véritable service public du logement"  05/10/2022

Pour qui a de l’argent un bien immobilier peut être un placement financier rentable, mais dès lors qu’il remet en cause le droit au logement, le législateur ou les collectivités territoriales, se doivent de fixer des règles.

L’objectif est de lutter contre les spéculateurs, non contre les propriétaires. Il y a une différence entre louer son logement quand on est soi-même en vacances, pour arrondir une fin de mois, et être un rentier multipropriétaire disposant d’une importante capacité d’investissement.

Qu’il s’agisse d’un continental ou d’un corse il n’y a pas de distinction à faire. En effet, si on compte en Corse, 40 000 meublés de tourisme soit 16% du parc de 250 000 logements et 80% du parc locatif privé. 26 000 de ces meublés de tourisme, soit 65%, appartiennent à des corses.

Les dispositifs de défiscalisation (Crédit d'impôt, Loi Pinel, TVA réduite et récupérable…) ont contribué à développer cette économie de la rente et les inégalités. Cette politique a nourri la spéculation immobilière avec ses corollaires : les dérives affairistes et criminelles et la crise du logement en accentuant la précarité pour des milliers de familles.

1 ménage sur 2 en Corse ne possède pas de logement, plus de 8 000 demandes pour un logement social restent insatisfaites. A cela s’ajoutent les loyers élevés et les bas salaires… il est donc indispensable de construire des logements sociaux, de résorber la précarité énergétique et l’habitat indigne.

Rappelons que Bastia, Biguglia, Brando, Furiani, San-Martino-di-Lota, Santa-Maria-di-Lota, Ville-di-Pietrabugno, en Haute Corse et Ajaccio en Corse du Sud sont classées en zone tendue. Ce classement permet aux collectivités locales de prendre des mesures comme l’encadrement les loyers pour les locations à usage de résidence principale.

Sans attendre une réforme institutionnelle, des outils existent dans ce cadre pour défendre le droit au logement. Encore faut-il en avoir la volonté politique.

A Bastia, la municipalité nationaliste refuse, comme l'ont proposé les communistes, l'encadrement des loyers et ne répond pas aux 1500 demandes de logement social alors que la pauvreté frappe plus de 10 000 habitants.

Pour ce qui est de la location de courte durée de meublés de tourisme, il est possible d’instaurer : l’autorisation préalable de changement d’usage, l’enregistrement obligatoire et la suppression des annonces frauduleuses sur les plateformes dédiées.

Le classement en zone tendue permet, en outre, de limiter la location à un bien par personne physique (interdiction des multipropriétaires et des SCI), de délivrer une autorisation de changement d’usage (de 3 ans) non renouvelable tacitement et d’établir des quotas par zones.

La décision d’instaurer la procédure de changement d’usage relève du préfet, sur proposition du maire de la commune ou, pour les communes appartenant à une zone d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants, de l’organe délibérant de la commune ou de l’EPCI compétent en matière d’urbanisme.

Comme on le voit, il ne s’agit pas d’être contre le tourisme, mais de mettre en œuvre à très court terme une politique de l’habitat juste et efficace pour réduire fortement la spéculation immobilière et imaginer, dans l’intérêt général, un véritable service public du logement en faveur des plus modestes.