Les visiteurs sont de plus en plus nombreux sur cette côte sauvage et délicieusement protégée. Ils se dirigent vers la pointe de la Pelusella et sa vieille tour génoise en empruntant le sentier des douaniers. Le point de départ de cette promenade est la crique en fond de golfe, Portu Pruvinzale, que les anciens installés depuis des décennies ont baptisée « u catucciu » (pot de chambre) là où la mer ressemble très souvent à un lac tellement elle est calme. Dans un coin de la plage, sur un promontoire, se trouve un petit oratoire dédié à saint Antoine de Padoue. Cette modeste chapelle a été édifiée par le pêcheur Pantaléon Chessa, dit « Pantali » à la suite de la terrible nuit du 18 août 1948. Il en avait fait la promesse.
Une effroyable tempête
C’était au départ une journée calme, agréable, un peu comme un été indien qui se profile. Mais en Corse, on sait qu’après le 15 août, on se méfie toujours du temps. « Rompini i tempi » disaient les anciens, notamment les pêcheurs qui faisaient la saison hors d’Ajaccio.
Ce qui devait arriver arriva ce soir du 18 août. Une terrible tempête, effroyable, un véritable cyclone, frappa la petite station de Lava si fort que les habitants des cabanons durent se réfugier sur les hauteurs tellement la mer se montrait dévastatrice. Antoine Canale, le petit-fils de Pantali, âgé de 10 ans, se rappelle : « La journée avait été très agréable, douce, trop douce peut-être, car le soir venu, la tempête est arrivée sans crier gare. Nous avons quitté le cabanon en pleine nuit pour avec nos voisins les Camugli pour aller nous réfugier sur les hauteurs de Lava, dans une bergerie.Mon grand-père, armé de son sang-froid, voulait voulait à tout prix sauver son embarcation, un pointu nommé »le Saint-Antoine. » Aidé de son fils François, ils ont réussi alors l’exploit de grimper à bord de la barque qui était ancrée dans l’anse. Ils faillirent être emportés par la tempête, mais ils finirent par regagner le rivage à la nage. C’est à ce moment-là que Pantaléon Chessa demanda protection à Saint Antoine, faisant le vœu de construire une chapelle s’ils venaient à s’en sortir indemnes. Ils s’en sortirent miraculeusement, mais la petite station était totalement détruite par la mer. Il ne restait plus rien des cabanons et autres abris de fortune.
Un pêcheur porté disparu…
Quelques mois plus tard, après que les abris de pêcheurs aient été restaurés, Pantaléon Chessa et quelques uns de ses amis, tirent la promesse faite à Saint Antoine et construisirent le petit oratoire sur la pointe de Pelusella. Il fut béni par preti Martini, le curé de Mezzavia. Ce ne fut pas une sinécure que de construire l’oratoire à Lava car il n’y avait pas de route.
C’est à bord de son embarcation que Pantali transporta depuis Ajaccio tout le matériel indispensable, avec notamment l’aide de la famille Camugli, installée dans le petit port. Quelques années plus tard, l’oratoire prit l’allure d’une petite chapelle, toujours construite par Pantaléon Chessa et en 1989, une troisième version fut mise en place par la communauté de Lava qui ajouta même un clocher.
Mais que s'est-il vraiment passé le 18 août 1948 dans le golfe de Lava
Et pourquoi une telle tempête ? Sans doute « le passage à proximité de la Corse d'une dépression à cœur chaud qui s'apparente visuellement à un cyclone comme ce fut le cas le 30 septembre 1983 avec le cyclone Tino-Rossi . Cette dépression a probablement circulé en quelques heures d'Ouest en Est, traversant la Corse à la latitude d'Ajaccio, ce qui explique la zone touchée, excluant le nord de l'île ».
Ce qui, hélas, n'a pas été le cas le 18 août 2022