Vanina Borromei, conseillère exécutive et présidente de l’Office des transports de la Corse (OTC).
- L’opposition affirme que vous reculez sur la compagnie régionale. Abandonnez-vous ce projet ?
- Absolument pas ! Au contraire, nous avançons très tranquillement et très sereinement sur la compagnie régionale. Il faut être très vigilant. Ce n’est pas parce que nous renonçons à l’acquisition des navires Paglia Orba et Monte d’Oru, suite à une expertise commandée par le biais d’un rapport voté à l’unanimité en 2016, que nous renonçons à notre projet de compagnie maritime régionale.
- Pourquoi renoncez-vous à cet achat ? Que dit l’expertise ?
- L’expertise dit clairement que l’âge des navires, respectivement 26 et 29 ans, est trop avancé vu leur durée de vie classique qui varie en moyenne entre 30 et 35 ans. S'ajoutent, depuis 2016, des directives européennes de mise aux normes environnementales auxquelles nous sommes soumis et qui sont, pour nous, désormais, une priorité. Le calendrier avancé à 2020 ne permet pas la mise aux normes de ces navires. Le coût serait trop important pour la Collectivité de Corse et pourrait mettre en danger notre projet de compagnie régionale.
- Cette décision a été saluée comme raisonnable par tous les groupes politiques… Ne pouviez-vous pas l’anticiper ?
- Non ! En 2016, nous étions dans une contrainte temporelle très urgente. Il fallait lever l’option dans le cadre de la reprise de l’ex-SNCM. Il était alors tout à fait normal que la Collectivité de Corse, par le biais de l’Assemblée, se positionne sur l’achat des navires dans le cadre de l’article 40 de la convention de service public. Si elle ne l’avait pas fait, elle aurait commis une grave erreur. Aujourd’hui, les choses ont évolué, nous ne pouvions pas anticiper les directives européennes et nous sommes contraints de nous y soumettre. Il fallait, de toute façon, trancher sur ce dossier. Nous attendions cette expertise avec impatience pour avancer dans le processus. C’est, donc, une avancée normale. Mais ce n’est qu’une étape.
- Quelle est l’étape suivante ?
- Plusieurs possibilités s’offrent à nous. Dès le mois de septembre, nous réunirons la Commission de faisabilité de la compagnie maritime pour envisager avec elle différents scénarii. Principalement, deux hypothèses. Soit, nous repensons le schéma de la SEM d’investissements et la place de la collectivité dans cette SEM s’il ne devait pas y avoir d’outil naval. Soit, nous envisageons, dans le cadre de la SEM et des SEMOP, l’acquisition de navires propres en prévoyant des amortissements sur dix ans - Dix ans étant la durée de vie d’une SEMOP.
- L’Exécutif avait annoncé en 2016 la mise en place d’une compagnie maritime pour le 1er octobre 2019. Vous êtes en retard ?
- Il y a effectivement du retard par rapport au calendrier annoncé en 2016, mais c’est un retard bénéfique. Il nous a permis de rebondir sur la DSP et les OSP que nous mettrons en place à partir du 1er octobre 2019, date à laquelle nous espérions que la compagnie maritime régionale puisse voir le jour. Ce délai nous permet de mettre en œuvre tout le travail qui a été fait par l’OTC pour évaluer le besoin réel de service public et le plus juste schéma de desserte maritime de la Corse. Cette DSP est une étape historique parce qu’elle marque une évolution importante dans le contrat de service public.
- Pourquoi ?
- Il ressort de 18 mois de travail que la Corse a un besoin avéré de service public et de continuité territoriale pour l’alimentation et le fret. Donc, la réelle carence en termes de fret justifie le service public et la DSP. Ce besoin n’est plus démontré de manière suffisante pour les passagers. On constate de manière significative que les résidents corses prennent, sur le bord-à-bord, beaucoup plus l’avion que le bateau. C’est une inversion des courbes. Les tests opérateurs et les tests marchés montrent que les compagnies privées assurent 80% du trafic passager. Nous devons assurer la continuité territoriale pour les 20% restants qui doivent pouvoir se déplacer par voie maritime quand ils le souhaitent. Nous avons, donc, intégré dans la DSP un minimum de passagers qui se déplacent pour raisons de santé, de formation, des étudiants… Et nous avons augmenté de manière significative les liaisons en matière de fret.
- N’est-ce pas une inflexion de votre modèle économique ?
- Oui ! Cette DSP est une nouveauté. Elle ne correspond pas forcément à la vision politique que notre majorité a de la société corse. Nous souhaitons, par exemple, favoriser les circuits courts. Mais, elle est le reflet de la société actuelle et nous devons nous conformer aux besoins de la société corse. Besoins aujourd’hui confirmés par les services de l’Etat et de l’Europe et qui seront compensés par les OSP sur les ports de Toulon, Nice et Marseille.
- Les tarifs résident vont-ils de nouveau baisser ?
- Oui ! C’est une priorité de l’Exécutif ! Nous avons décidé de modifier les OSP et d’aligner les tarifs des OSP sur ceux de la grille DSP. Nous avons acté une baisse d’au moins 25% du tarif résident passager qui passe de 35 € à 26 € HT, et du véhicule qui passe de 44 € à 33 € HT. Egalement une baisse significative du fret qui passera, à partir du 1er octobre 2019, de 40 € le mètre linéaire à 35 € le mètre linéaire. Ce dernier chiffre n’est pas anodin. Il est calqué sur le prix du mètre linéaire routier continental. C’est très important ! Notre objectif est de gommer le surcoût de l’insularité. Cela a des conséquences importantes et va de pair avec la couverture carburant que nous avons demandée dans le cahier des charges.
- C’est-à-dire ?
- C’est une assurance que doivent souscrire les compagnies maritimes pour ne pas être soumises aux fluctuations du coût du carburant qui impactaient beaucoup le niveau de la compensation financière donnée par la Collectivité et l’OTC. L’impact du surcoût carburant sur les tarifs ne sera plus justifié. Ces deux éléments nous permettent d’affirmer que ce nouveau tarif garantit que le coût de l’insularité ne pèsera plus sur le panier de la ménagère, sur le consommateur final, et aura des effets positifs sur l’économie locale. Nous n’avons pas d’observatoire pour le contrôler, mais le seul fait de le dire et de communiquer auprès des usagers permettra d’avoir des retours. J’espère que tous les acteurs feront le nécessaire.
- Que deviennent les tarifs Export destinés aux entreprises locales ?
- L’aide à l’économie locale est, aussi, pour nous, une priorité. Nous avons intégré définitivement dans le contrat de DSP l’avenant, qui avait été très largement soutenu par l’Assemblée de Corse, concernant les tarifs Export, Export-plus et Matières premières qui sont une aide pour les entreprises locales. En 18 mois, depuis 2017, l’OTC a aidé à hauteur de 1,6 million € les entreprises locales pour le transport à l’export. Cette aide, désormais, est institutionnalisée.
- Quelle est la feuille de route désormais ?
- Elle est très claire : œuvrer à un schéma maritime qui soit le plus sécurisé possible pour la Corse et le peuple corse, et tourner définitivement la page des épisodes chaotiques que l’île a connu dans le passé. Les gens ont tendance à oublier ce qu’il se passait encore il y a deux ans et demi. Nous travaillons, désormais, très sereinement avec ces contrats qui sont une première étape vers la création de notre compagnie maritime régionale. C’est notre objectif principal. Avec ou sans l’outil naval ? De quelle manière ? Nous avons un an pour proposer le système le plus sûr et le plus adapté aux besoins de notre île. La DSP, que nous venons de valider, sera un véritable test.
- Avec un calendrier retardé de 15 mois ?
- J’entends les critiques au niveau calendrier et je les comprends. La mise en œuvre est retardée de 15 mois, mais je vous rappelle que pendant 40 ans, nous avons navigué dans un marasme juridique. Aujourd’hui, le Secrétariat général aux Affaires européennes et les services européens ont souligné l’exemplarité du travail que nous avons fait. Cette exemplarité a un coût en matière de temps, de travail et d’investissements. Eu égard aux difficultés passées, 15 mois de retard ne représentent pas grand chose pour l’avenir du transport maritime.
Propos recueillis par Nicole MARI.
- Absolument pas ! Au contraire, nous avançons très tranquillement et très sereinement sur la compagnie régionale. Il faut être très vigilant. Ce n’est pas parce que nous renonçons à l’acquisition des navires Paglia Orba et Monte d’Oru, suite à une expertise commandée par le biais d’un rapport voté à l’unanimité en 2016, que nous renonçons à notre projet de compagnie maritime régionale.
- Pourquoi renoncez-vous à cet achat ? Que dit l’expertise ?
- L’expertise dit clairement que l’âge des navires, respectivement 26 et 29 ans, est trop avancé vu leur durée de vie classique qui varie en moyenne entre 30 et 35 ans. S'ajoutent, depuis 2016, des directives européennes de mise aux normes environnementales auxquelles nous sommes soumis et qui sont, pour nous, désormais, une priorité. Le calendrier avancé à 2020 ne permet pas la mise aux normes de ces navires. Le coût serait trop important pour la Collectivité de Corse et pourrait mettre en danger notre projet de compagnie régionale.
- Cette décision a été saluée comme raisonnable par tous les groupes politiques… Ne pouviez-vous pas l’anticiper ?
- Non ! En 2016, nous étions dans une contrainte temporelle très urgente. Il fallait lever l’option dans le cadre de la reprise de l’ex-SNCM. Il était alors tout à fait normal que la Collectivité de Corse, par le biais de l’Assemblée, se positionne sur l’achat des navires dans le cadre de l’article 40 de la convention de service public. Si elle ne l’avait pas fait, elle aurait commis une grave erreur. Aujourd’hui, les choses ont évolué, nous ne pouvions pas anticiper les directives européennes et nous sommes contraints de nous y soumettre. Il fallait, de toute façon, trancher sur ce dossier. Nous attendions cette expertise avec impatience pour avancer dans le processus. C’est, donc, une avancée normale. Mais ce n’est qu’une étape.
- Quelle est l’étape suivante ?
- Plusieurs possibilités s’offrent à nous. Dès le mois de septembre, nous réunirons la Commission de faisabilité de la compagnie maritime pour envisager avec elle différents scénarii. Principalement, deux hypothèses. Soit, nous repensons le schéma de la SEM d’investissements et la place de la collectivité dans cette SEM s’il ne devait pas y avoir d’outil naval. Soit, nous envisageons, dans le cadre de la SEM et des SEMOP, l’acquisition de navires propres en prévoyant des amortissements sur dix ans - Dix ans étant la durée de vie d’une SEMOP.
- L’Exécutif avait annoncé en 2016 la mise en place d’une compagnie maritime pour le 1er octobre 2019. Vous êtes en retard ?
- Il y a effectivement du retard par rapport au calendrier annoncé en 2016, mais c’est un retard bénéfique. Il nous a permis de rebondir sur la DSP et les OSP que nous mettrons en place à partir du 1er octobre 2019, date à laquelle nous espérions que la compagnie maritime régionale puisse voir le jour. Ce délai nous permet de mettre en œuvre tout le travail qui a été fait par l’OTC pour évaluer le besoin réel de service public et le plus juste schéma de desserte maritime de la Corse. Cette DSP est une étape historique parce qu’elle marque une évolution importante dans le contrat de service public.
- Pourquoi ?
- Il ressort de 18 mois de travail que la Corse a un besoin avéré de service public et de continuité territoriale pour l’alimentation et le fret. Donc, la réelle carence en termes de fret justifie le service public et la DSP. Ce besoin n’est plus démontré de manière suffisante pour les passagers. On constate de manière significative que les résidents corses prennent, sur le bord-à-bord, beaucoup plus l’avion que le bateau. C’est une inversion des courbes. Les tests opérateurs et les tests marchés montrent que les compagnies privées assurent 80% du trafic passager. Nous devons assurer la continuité territoriale pour les 20% restants qui doivent pouvoir se déplacer par voie maritime quand ils le souhaitent. Nous avons, donc, intégré dans la DSP un minimum de passagers qui se déplacent pour raisons de santé, de formation, des étudiants… Et nous avons augmenté de manière significative les liaisons en matière de fret.
- N’est-ce pas une inflexion de votre modèle économique ?
- Oui ! Cette DSP est une nouveauté. Elle ne correspond pas forcément à la vision politique que notre majorité a de la société corse. Nous souhaitons, par exemple, favoriser les circuits courts. Mais, elle est le reflet de la société actuelle et nous devons nous conformer aux besoins de la société corse. Besoins aujourd’hui confirmés par les services de l’Etat et de l’Europe et qui seront compensés par les OSP sur les ports de Toulon, Nice et Marseille.
- Les tarifs résident vont-ils de nouveau baisser ?
- Oui ! C’est une priorité de l’Exécutif ! Nous avons décidé de modifier les OSP et d’aligner les tarifs des OSP sur ceux de la grille DSP. Nous avons acté une baisse d’au moins 25% du tarif résident passager qui passe de 35 € à 26 € HT, et du véhicule qui passe de 44 € à 33 € HT. Egalement une baisse significative du fret qui passera, à partir du 1er octobre 2019, de 40 € le mètre linéaire à 35 € le mètre linéaire. Ce dernier chiffre n’est pas anodin. Il est calqué sur le prix du mètre linéaire routier continental. C’est très important ! Notre objectif est de gommer le surcoût de l’insularité. Cela a des conséquences importantes et va de pair avec la couverture carburant que nous avons demandée dans le cahier des charges.
- C’est-à-dire ?
- C’est une assurance que doivent souscrire les compagnies maritimes pour ne pas être soumises aux fluctuations du coût du carburant qui impactaient beaucoup le niveau de la compensation financière donnée par la Collectivité et l’OTC. L’impact du surcoût carburant sur les tarifs ne sera plus justifié. Ces deux éléments nous permettent d’affirmer que ce nouveau tarif garantit que le coût de l’insularité ne pèsera plus sur le panier de la ménagère, sur le consommateur final, et aura des effets positifs sur l’économie locale. Nous n’avons pas d’observatoire pour le contrôler, mais le seul fait de le dire et de communiquer auprès des usagers permettra d’avoir des retours. J’espère que tous les acteurs feront le nécessaire.
- Que deviennent les tarifs Export destinés aux entreprises locales ?
- L’aide à l’économie locale est, aussi, pour nous, une priorité. Nous avons intégré définitivement dans le contrat de DSP l’avenant, qui avait été très largement soutenu par l’Assemblée de Corse, concernant les tarifs Export, Export-plus et Matières premières qui sont une aide pour les entreprises locales. En 18 mois, depuis 2017, l’OTC a aidé à hauteur de 1,6 million € les entreprises locales pour le transport à l’export. Cette aide, désormais, est institutionnalisée.
- Quelle est la feuille de route désormais ?
- Elle est très claire : œuvrer à un schéma maritime qui soit le plus sécurisé possible pour la Corse et le peuple corse, et tourner définitivement la page des épisodes chaotiques que l’île a connu dans le passé. Les gens ont tendance à oublier ce qu’il se passait encore il y a deux ans et demi. Nous travaillons, désormais, très sereinement avec ces contrats qui sont une première étape vers la création de notre compagnie maritime régionale. C’est notre objectif principal. Avec ou sans l’outil naval ? De quelle manière ? Nous avons un an pour proposer le système le plus sûr et le plus adapté aux besoins de notre île. La DSP, que nous venons de valider, sera un véritable test.
- Avec un calendrier retardé de 15 mois ?
- J’entends les critiques au niveau calendrier et je les comprends. La mise en œuvre est retardée de 15 mois, mais je vous rappelle que pendant 40 ans, nous avons navigué dans un marasme juridique. Aujourd’hui, le Secrétariat général aux Affaires européennes et les services européens ont souligné l’exemplarité du travail que nous avons fait. Cette exemplarité a un coût en matière de temps, de travail et d’investissements. Eu égard aux difficultés passées, 15 mois de retard ne représentent pas grand chose pour l’avenir du transport maritime.
Propos recueillis par Nicole MARI.