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Solidarité : une association corse permet l’ouverture d’une école en Guinée


Philippe Jammes le Lundi 27 Février 2023 à 10:34

Le rêve, puis le projet est aujourd’hui devenu réalité. L’association corse Abou- Sorro a créé un groupe scolaire sur la petite île de Kassa en Guinée.



Didier Martin-Castagno et de petits élèves de l'île de Kassa
Didier Martin-Castagno et de petits élèves de l'île de Kassa

Tout a commencé en octobre 2008, au cours d’un voyage en Afrique de Didier Martin – Castagno. Passionné de chasse sous-marine ce professeur d’histoire au collège de Montesoro à Bastia s’est rendu aux îles de Los, situées au large de la Guinée-Conakry, pour y pratiquer son loisir.
L’archipel comprend trois îles principales : Tamara, Kassa et Room. Alors qu’il se trouve sur la très pauvre île de Kassa, il constate la présence au quotidien de nombreux enfants sur la plage, prêtant souvent la main aux pêcheurs professionnels. Celui qui lui sert de guide sur place, Abou Samaké, professeur de linguistique à Conakry, lui fait alors toucher du doigt les carences en matière d’éducation sur cette île de plusieurs milliers habitants. Une seule école existe pour les 4 villages de l’île. Une école construite en 1938 et qui accueille jusqu’à 150 élèves par classe, sur 600 enfants scolarisables en primaire, les cours étant assurés même par demies-journées faute de place. Or les enfants des villages de Sorro et Mangué situés de l’autre côté de l’ile, à plus de 8 km, ne peuvent y aller. Distance, mais aussi dangerosité du trajet, un chemin (pas de routes) semé d’embûches de toutes sortes y compris humaines. Aussi la plupart des enfants de ces 2 villages doivent-ils à contre-cœur renoncer à l’enseignement.


Touché par le fait, de retour à Bastia, Didier Martin-Castagno crée alors l’association Abou Sorro avec pour projet la construction d’une école sur place. Très vite Didier est rejoint par des collègues professeurs et le projet prend forme. Le budget de construction est évalué à environ 10 000 €.  Un budget qui va vite passer à 50 000 euros car l’association réalise qu’un seul bâtiment ne pourra accueillir tous les élèves. On part donc sur un groupe scolaire de 3 bâtiments et de quelque 50 000 €.


Une passerelle entre deux îles
Pour obtenir cette somme l’association s’est concentrée sur deux sources de revenus principales : projets de pédagogie de la solidarité et objets de brocante. Didier Martin Castagno et d’autres professeurs des collèges de Montesoro et Jeanne d’Arc à Bastia, réalisent ainsi différentes activités solidaires avec leurs élèves notamment sur la place Saint-Nicolas à Bastia où sont organisées plusieurs ventes de confiserie et de petits objets. 2e source de revenus, la brocante. Didier Martin-Castagno en est un passionné Sur les places de brocante et dans diverses émissions télévisées sur France 2 et M6, des objets sont vendus au profit de l’association. Parallèlement, en Guinée, Abou Samaké a installé un stand de vente d’objets souvenirs, le tourisme y est grand, au profit de l’association. Cette chaîne de solidarité et l’implication de tous les bénévoles d’Abou Sorro permettent de générer dans un premier plus de 14 000€ et de financer ainsi près de 50% du projet.


L’aide efficace de l’Université de Corse
Pour limiter au plus près les frais, les plans sont réalisés à partir du travail d’un groupe de 6 étudiants du Master SEER de l’Université de Corse encadrés par deux professeurs : Philippe Poggi et Marc Muselli. Sur place à Kassa, une famille de l’île offre également à l’association le terrain pour y bâtir le groupe scolaire. In situ un architecte guinéen et la population aident bénévolement : défrichage du terrain, fabrication d’agrégats… la population est enthousiaste au projet et tout le monde relève les manches.  
Le 5 mai 2018, la première pierre est posée en présence des autorités locales de l’île de Kassa dont le sous-préfet et du représentant du ministère de l’action sociale de l’action féminine et de l’enfance confirmant ainsi le soutien du gouvernement guinéen au projet d’Abou Sorro.



« Depuis le lancement du chantier en 2018, nous effectuons des visites régulières à Sorro » souligne Didier Martin-Castagno qui entre-temps, en 2016, a rejoint un poste d’enseignant à Cherbourg. Malgré cela le réseau corse continue de fonctionner avec les bénévoles locaux qui reçoivent le soutien de municipalités. L’association avec ses diverses actions parvient finalement à boucler le budget.
Après une période de terrassement du terrain, deux bâtiments latéraux sont sortis de terre et sont inaugurés en novembre 2020. Las, la pandémie COVID empêche Didier et ses bénévoles d’y assister. « On avait prévu notre voyage à la Toussaint mais avec le COVID cela n’a pu se faire » indique Didier Martin-Castagno. « Aujourd’hui l’école accueille déjà plusieurs centaines d’enfants » se réjouit Didier, « Les enseignants, nommés par le gouvernement qui fournit également le matériel nécessaire, disposent de 2 bâtiments abritant 2 classes chacune, CP à CM2. Le 3e bâtiment devrait être livré à la fin de l’année ou début 2024, il comprendra une salle de classe, une cantine et une bibliothèque ».
In fine grâce à l’association, le groupe scolaire Sorro-Mangué pourra ainsi accueillir 600 élèves.


« Nous allons maintenant pouvoir entrer dans une seconde phase qui consiste en l’accompagnement des enseignants et la fourniture de matériel » ajoute Joëlle Le Mouellic, responsable de l’UNSS Haute-Corse et bénévole active de « Abou Sorro ». « Il faut souligner que l’île n’a pas d’électricité et qu’on fonctionne à l’ancienne avec tableau noir, craies, ardoises ».
Il aura fallu quand même plus de 14 ans de travail acharné des bénévoles de tous poils de l’association pour parvenir à ce beau résultat. Un travail freiné il est vrai par Ebola et Coronavirus.  « Que tous soient remerciés pour leur travail » déclare Didier. « On a tous été très émus lorsqu’en 2022, l’école a organisé sa 1ère kermesse et on espère être nombreux lors de l’inauguration du 3ème bâtiment. On va maintenant s’atteler à mettre en place un parrainage. Une famille corse pourra ainsi parrainer un écolier de Sorro Mangué pour l’aider dans sa scolarité. Cela permettra aussi de tisser des liens entre les deux îles ».