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Processus d’autonomie : Les élus actent la ferme volonté de réussir à trouver ensemble des solutions pour la Corse


Nicole Mari le Mercredi 13 Juillet 2022 à 21:06

La conférence des présidents de groupe de l'Assemblée de Corse s’est réunie pour la deuxième fois, pendant près de 3h30, mercredi, à la maison des Services publics de Corti, avec le président du Conseil exécutif pour préparer la première rencontre entre les élus insulaires et le ministre de l’Intérieur qui est prévue le 20 juillet prochain à Paris. Cette seconde réunion a permis d’acter le format de la délégation corse, un état d’esprit apaisé et constructif et une volonté unanime de convergence. Et pose une question : jusqu’où l’Etat veut-il aller ?



Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin et le Président du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, à Ajaccio le 16 mars 2022.
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin et le Président du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, à Ajaccio le 16 mars 2022.
« Un esprit constructif et serein, la ferme volonté de se donner collectivement une chance de réussir, de se faire confiance, la détermination de trouver ensemble des solutions d’ordre économique, social, institutionnel dans l’intérêt de la Corse et des Corses ». C’est en ces termes que la Présidente de l’Assemblée de Corse, Nanette Maupertuis, résume la deuxième conférence des présidents de groupe qu’elle a convoqué mercredi matin à Corti, en amont de l’ouverture des discussions sur le processus d’autonomie. « L’idée est de préparer la réunion qui aura lieu le 20 juillet après-midi à Paris avec le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin dans le cadre de l’ouverture du cycle de discussions que nous aurons au sujet de l’évolution institutionnelle de la Corse, comme cela a été annoncé par le ministre lui-même en mars dernier, lors des évènements qui ont suivi l’agression d’Yvan Colonna. L’objectif aujourd’hui était de poser des éléments de méthode et d’avoir un premier échange sur le fond », explique-t-elle. A ses côtés, le président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse, Gilles Simeoni, et les quatre présidents de groupe : Jean Christophe Angelini pour le groupe PNC-Avanzemu, Paul-Félix Benedetti pour Core in Fronte, Jean Biancucci pour Fa Populu Inseme, et Valérie Bozzi qui représentait le groupe U Soffiu Novu. « Nous avons eu une convergence de vues sur la méthode à mettre en place et sur le périmètre de la délégation que nous soumettrons au ministre. Nous avons eu des échanges sur des questions de fond, même si les choses, - et c’est normal -, ne sont pas abouties. Tout le monde a parlé sans tabou, de manière sereine, plutôt consensuelle. En tous cas, dans un esprit très constructif parce que, suite aux évènements de mars et d’avril, tout le monde a la volonté de trouver un chemin de paix et de développement économique, qui doit passer par une évolution institutionnelle », affirme Nanette Maupertuis.
 
La volonté de converger
Cette deuxième conférence des présidents, qui a duré près de 3h30, a, donc, permis d’acter un certain nombre de points. D’abord, le format de la délégation qui sera, à priori, composé de 21 membres : les deux présidents de l’Exécutif et de l’Assemblée de Corse, deux élus par groupe dont le président du groupe, les sept parlementaires dont le député européen, les maires des deux grandes villes et les présidents des deux associations de maires de Haute-Corse et de Corse du Sud. « Depuis le début, j’ai souhaité que toutes les sensibilités représentées à l’Assemblée de Corse, dont Corsica Libera, participent à la discussion. Il me semble une bonne politique que tous les Nationalistes soient impliqués dans le processus. J’ai donc proposé qu’il y ait deux représentants par groupe politique. Populu Inseme a accepté de ne pas avoir une représentation proportionnelle à son poids politique, cela permet à chacun d’être en duo », précise le président de l’Exécutif. Ensuite, un état d’esprit clairement orienté vers la convergence chaque fois que possible. « Nous avons construit un état d’esprit », se réjouit aussi Jean-Christophe Angelini. « Nous avions le choix entre deux méthodes : soit présenter, à priori, des points de vue, voir des copies séparées, soit essayer de converger. Nous avons choisi d’essayer de converger. Donc, un état d’esprit assez apaisé, assez constructif et tendu vers l’idée de la convergence dans l’intérêt, non pas de la majorité ou de l’opposition, mais de la Corse. Je ne dis pas que c’est acquis ou que c’est définitif, mais la volonté est posée et claire ». 
 
La question de l’autonomie
Un accord s’est aussi dégagé sur le contenu des discussions : « Nous avons parlé du choix de la méthode, des attentes au niveau de ce premier rendez-vous, de ce que nous souhaitions voir inscrit à l’ordre du jour. Il s’agit de s’adosser sur le contenu de la prise d’acte que j’ai signée avec Gérald Darmanin lors de sa visite en Corse et qui prévoit que le processus a vocation à borner tous les aspects et toutes les problématiques de la question Corse. J’ai réaffirmé notre souhait que les champs de la discussion portent sur une autonomie impliquant une révision constitutionnelle. J’ai rappelé la véritable définition de l’autonomie, c’est-à-dire un statut avec un véritable pouvoir législatif et les compétences régaliennes conservées par l’État », déclare Gilles Simeoni. Le président de l’Exécutif propose une méthode de travail, « d’abord entre Nationalistes sur un contenu partagé, ensuite à faire partager, si possible, avec les autres élus de l’Assemblée et par le plus grand nombre de forces vives ». Cette méthode doit être répétée dans les autres domaines, notamment au plan économique et social. « Nous souhaitons que les autres aspects, notamment la question économique et sociale, soient intégrés dans le processus. A ma demande, la Conférence des élus a validé un certain nombre de dossiers stratégiques qui peuvent être réglés en temps masqué et dans le temps du processus, c’est-à-dire dans les mois à venir ». Des dossiers concernant les infrastructures, l’énergie, le soutien à la demande de reconnaissance de la clause d’insularité… « Ce sont les dossiers sur lequel je vais, là aussi, essayer de construire des consensus les plus larges possible. Il nous appartient de créer des espaces de discussion pour recueillir les contributions, éventuellement les faire nôtre, et les intégrer dans le cadre de la négociation. Ce que nous avons commencé à faire avec la Conférence sociale, par exemple ». L’aspect institutionnel d’un côté, les réponses économiques et sociales de l’autre, cela fait néanmoins beaucoup de choses à discuter en même temps ? « Il faut trouver une méthode qui permet de ne pas confondre l’essentiel et l’accessoire, qu’on ne soit pas dans un fourre-tout qui fait que chaque catégorie, chaque secteur d’activité arrive avec sa revendication », reconnaît-il.
 
Un rendez-vous présidentiel ?
L’essentiel reste donc le processus politique. Un avis partagé par l’ensemble des participants, comme le confirme Jean-Christophe Angelini. « Nous sommes également tous d’accord pour dire que ce processus doit être à la hauteur des événements des mois de mars et d’avril. On a quand même connu durant cette période des manifestations importantes, une tension particulièrement vive, et surtout la mort d’un militant dans des circonstances tragiques, en l’occurrence Yvan Colonna. On ne peut pas quelques mois seulement après ces événements discuter techniquement dossier par dossier. C’est un processus qui doit être global et éminemment politique. Cela été dit de manière claire par chacun ». Le leader du groupe PNC-Avanzemu et du PNC ne veut pas « d’un processus à deux vitesses : soit majorité contre opposition, soit nationaliste contre l’autre groupe. Non ! Il faut que ce soit le processus de la Corse. Et qu’aucune de ses composantes, qu’elle soit dans le mouvement national, dans l’hémicycle, dans la société Corse, n’en soit exclue. Cela renvoie à une ingénierie du débat que l’on doit construire entre nous. Comment on associe des réseaux d'experts, comment on construit des doctrines dossier par dossier ». Tout cela dépend de la réunion de mercredi et de l’état d’esprit qui sera celui du gouvernement et de l’État. « On est aussi dans l’attente d’un éventuel rendez-vous avec le Président de la République. Il a été dit qu’il y aurait peut-être un petit moment d’échanges avec lui en marge de la réunion du 20, mais ce n’est pas certain. Nous attendons de savoir, mais vous comprenez bien que cela change quand même radicalement les choses. Assez radicalement même ! », estime-t-il. Une possibilité qui aurait été évoquée par Gérald Darmanin, mais qui n’est absolument pas confirmée. Devraient aussi être présents, place Beauvau, le Monsieur Corse, Grégory Canale, et la nouvelle ministre déléguée aux collectivités territoriales, Caroline Cayeux.
 
Un point d’entrée
La présence à la réunion du Chef de l’Etat, lui-même, serait effectivement un signe fort donné à la Corse, au moment même où les demandes d’adaptation aux réalités insulaires des mesures contenues dans la loi sur le pouvoir d’achat ont été écartées, mardi soir, en Commission des finances. Aucun des amendements, déposés par les députés nationalistes en application de la délibération prises par l’assemblée de Corse, n’a été, pour l’heure, pris en compte par le gouvernement. Les élus corses attendent, donc, de l’Etat qu’il précise son niveau d’engagement et ses limites, mais également le calendrier : « Un calendrier qui permet de tout traiter, mais qui soit borné dans le temps, notamment dans la perspective de la révision constitutionnelle. Nous attendons de Gérald Darmanin qu’ils répondent au nom de l’État sur ces différents points et qu’il s’engage clairement », poursuit Gilles Simeoni. « Parmi les points essentiels qui seront abordés avec le ministre, sera rappelée l’exigence de vérité et de justice pour Yvan Colonna. Nous demanderons notamment la production de l’ensemble des rapports intermédiaires qui sont déjà en sa possession et à la communication desquels Gérald Darmanin s’était engagé quand il était venu en Corse. Au-delà, nous demanderons où en est l’enquête et ce que le gouvernement compte faire de manière claire et précise. Nous ne laisserons pas cette affaire être enterrée ou écartée. Le dernier point, que nous avons acté ensemble en Conférence des présidents, est la volonté commune de réussir le processus et de lui donner une véritable vocation historique ». Le président de l’Exécutif, qui a déjà eu un entretien en tête-à-tête avec Gérald Darmanin jeudi dernier à Paris, avoue ne pas en savoir plus. « Ce que nous attendons, c’est un engagement ferme, en termes bien sûr de méthode et de calendrier, mais également de contenu et de portée politique. Ce que nous voulons savoir, c’est si nous sommes, par exemple, dans une nouvelle étape de décentralisation propre à la Corse, ou bien dans un processus visant à moyen terme à réviser la Constitution. La réunion de mercredi sera un point d’entrée, pas un point d’arrivée. Paris va nous préciser la méthode, va nous proposer un contenu, nous allons faire de même. C’est au terme de la réunion du 20 que nous verrons ce qu’il y a lieu de faire dans le détail », renchérit Jean-Christophe Angelini. Une réunion des 21 membres de la délégation est prévue en visioconférence lundi prochain pour approfondir la volonté de convergence, asseoir une méthode et ordonner une pensée et une attitude pour le 20 juillet. « Il faut qu’on se cale avec les autres membres de la délégation avant de nous rendre à Paris. Tous les éléments de méthode doivent ensuite faire l’objet d’une navette avec le ministre puisque c’est lui qui nous reçoit », indique Nanette Maupertuis. Les élus corses sont toujours dans l'incertitude quant à la conduite de la réunion Place Beauvau. Tout comme ils ignorent les raisons et la configuration de la visite de Gérald Darmanin dans l’île, les 21 et 22 juillet, le lendemain de la rencontre parisienne.
 
N.M.