« Restez confinés chez vous ! ». Il y a fort à parier que ce conseil de bon sens, prodigué à loisir par les autorités sanitaires et politiques jusqu’au Président de la République, jeudi soir, et fermement martelé par le Premier ministre, ce samedi soir, aura un impact sur le 1er tour des élections municipales. Comment, au vu de la psychose collective qui s’est emparée des populations un peu partout dans le monde et du stade 3 qui vient d’être annoncé par Edouard Philippe en France, pourrait-il en être autrement ?
Un maintien à risque
Emmanuel Macron a décidé de maintenir, ce dimanche, le premier tour des élections municipales, considérant qu’un collège d’expert n’y voyait pas de risque particulier de contamination. Le décret de report à fin mars, voir au mois de juin, était sur sa table prêt à être signé, mais la décision de maintenir le scrutin fut finalement prise en dernière minute, sous la pression, si on en croit les médias nationaux, des ténors politiques de tous bords, l’opposition comme la majorité pour une fois tous d’accord sur le sujet. Une liste de règles d’hygiène à respecter et des précautions, des consignes de distanciation et de priorisation, ont été envoyées dans chaque mairie pour sécuriser d’un point de vue sanitaire l’opération, mais on voit mal comment une manifestation censée faire sortir de chez eux plus de 45 millions de Français pour aller voter et cotoyer des contaminateurs et des contaminations potentiels, pourrait être, d’un point de vue épidémiologique, anodine ! D’où la crainte exprimée par des candidats que nombre de citoyens, notamment les plus fragiles, les plus à risques, les plus âgés, mais aussi beaucoup d’autres, qui ne voient pas l’intérêt de s’exposer, vont estimer, avec justesse, que le jeu n’en vaut vraiment pas la chandelle.
Des demandes de report
Il est, de toute façon, incompréhensible qu’un pays qui ferme ses écoles, ses musées, ses salles de spectacles, ses cinémas, ses restaurants, ses magasins… en bref tous ses lieux publics « non essentiels », maintienne un scrutin qui, lui, ne présente aucune situation d’urgence ! C’est totalement incohérent ! Beaucoup plus sagement, l’Italie et le Royaume-Uni ont reporté leurs élections locales, qui devaient avoir lieu en mai, à quelques mois pour le premier et à un an pour le second. Même aux Etats-unis, les scrutins des primaires sont suspendus. Ce qui tombe sous le sens ! Quelques minutes après l’allocution du Premier ministre, samedi soir, le président du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, demandait, dans un tweet, l’annulation du scrutin : « En tant que Président du Conseil exécutif de Corse, je demande l’annulation du scrutin municipal. Parce qu’il est de mon devoir de protéger les Corses. Et pour que le suffrage universel puisse, une fois l’épidémie vaincue, s’exprimer dans des conditions normales ». Comme le président de l'Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, il ne cache pas son inquiétude dans une région classée parmi les six les plus touchées - 106 cas dépistés samedi soir - et où le virus circule vite. Depuis le début de la menace, Gilles Simeoni s’est battu pour faire appliquer des mesures de protection et contenir autant que possible les risques. Il avoue avoir cru jusqu’au bout que le scrutin serait reporté. D'autres présidents de régions lui ont immédiatement emboité le pas. « Au vu des dernières déclarations du Premier ministre et de l’inquiétude grandissante de la population, j’estime qu’il est plus sage de reporter les élections municipales », tweete dans la foulée Carole Delga, présidente de la région Occitanie. « Si la situation sanitaire s'est à ce point aggravée au point de fermer la quasi-totalité des commerces, ces élections municipales n'ont pas de sens. elles doivent être reportées car elles vont s'avérer fausses », appuie Hervé Morin, président de la région Normandie. « Il devient raisonnable, cohérent et même nécessaire de reporter l'élection municipale », enchaine Renaud Muselier, président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Un malaise général
Le passage au stade 3 fait l'effet d'un électrochoc et déchaine les demandes de report du scrutin. Le malaise gagne toute la classe politique : « Je ne comprends définitivement pas que les élections municipales ne soient pas reportées... Augmenter le risque de propagation est une faute », réagit par tweet Eric Coquerel, député de la France Insoumise. Alors que le président du Sénat, Gérard Larcher, s'est violemment opposé au report, le vice-président Philippe Dallier commente sur Twitter : « Avoir maintenu les élections municipales dans ces conditions est une aberration ». François Bayrou, président du Modem invoque une urgence sanitaire. Dans une lettre ouverte à Emmanuel Macron, un Collectif de médecins, urgentistes, anesthésistes et réanimateurs, estimant que « Le contrôle des distances entre les personnes est complexe à mettre en oeuvre », lance le même appel au report. « Le maintien de ces élections est la dernière scorie d'une mauvaise gestion de la crise », juge le Dr Jérome Marty, président de l'Union française pour une médecine libre. Des maires se demandent déjà s'ils pourront ouvrir leurs bureaux de vote, comme en témoigne ce tweet de Baptiste Fournier, directeur de campagne du candidat Villani à Paris : « Après les consignes de distanciation sociale exprimées ce soir par le Premier Ministre, je prends acte des démissions qui, en cohérence, se multiplient parmi nos assesseurs et présidents de bureaux de vote. En responsabilité, je ne peux m'y opposer ». En Corse, la question se pose également. « Portivechju da fà annonce qu'il appliquera le principe de précaution et qu'il n'enverra ni assesseurs, ni délégués dans les différents bureaux électoraux de la commune. nous proposons aux autres candidats une réunion d'urgence pour prendre une décision commune », annonce sur Facebook Don Mathieu Santini, candidat à Porto-Vecchio.
Une légitimité en question
Même si, cette semaine, la course aux procurations s’est aussi excitée que le virus, certains prévoient déjà que le quorum de votants, 25 % des inscrits pour valider le scrutin du 1er tour, ne sera pas atteint dans toutes les communes. D’autant que le taux d’abstention est historiquement haut pour ce type d’élection puisqu’il a atteint en moyenne nationale 36,5 % en 2014. Les électeurs, déjà enclins à bouder les urnes, devraient donc encore moins s’y précipiter. En Corse, les maires des communes rurales ne cachent pas leur inquiétude. « C’est du n’importe quoi ! Ici, c'est la psychose ! Les gens ont peur, ils ne veulent pas venir voter. On va devoir recommencer dimanche prochain alors que l’élection devait se faire en 1 seul tour », s’indigne un maire d’une petite commune de la Plaine Orientale. « Et encore moi, je n’ai pas d’opposant. Mais pour les autres, où va être la légitimité si les gens ne vont pas voter ? ». C’est la question effectivement. Jacques Attali va plus loin et tweete : « Il ne reste plus qu’un moyen de faire reporter ces élections, imposées par des politiciens inconscients, offenses au bon sens et à la santé publique : N'allez pas voter ! Refusez d'être assesseurs ! Les élections seront nulles de droit ».
L’inconnue du 2nd tour
Si la victoire des candidats, qui seront élus au soir du 1er tour, ne peut pas être constitutionnellement remise en cause en cas de quorum atteint, qu’en sera-t-il de la légitimité démocratique ? « Le scrutin de dimanche sera fortement biaisé et en aucun cas ne permettra l’égalité d’accès au vote de nos ainés, ce sera un véritable déni de démocratie et un déni d’humanité car une prise de risque inutile pour la santé de millions de Français », peut-on lire dans une pétition mise en ligne le 12 mars sur change.org pour demander le report du scrutin et qui a déjà recueilli plus de 21 000 signatures. « Pour le 1er tour, on ne peut plus reculer. Nous verrons pour le 2nd tour », a lâché Edouard Philippe qui s'abrite derrière l'avis du Conseil scientifique. « L’épidémie va flamber, le gouvernement risque d’être contraint d’annuler le second tour ! Il y aura des maires élus et d’autres pas ! Je vous le dis : c’est n’importe quoi ! », conclut le maire corse. Le coronavirus semble, donc, bien parti pour perturber le scrutin et être l’arbitre de ce 1er tour. Et si l’épidémie s’enflamme comme annoncé, il pourrait faire peser bien plus qu’une inconnue sur le second tour.
N.M.
Un maintien à risque
Emmanuel Macron a décidé de maintenir, ce dimanche, le premier tour des élections municipales, considérant qu’un collège d’expert n’y voyait pas de risque particulier de contamination. Le décret de report à fin mars, voir au mois de juin, était sur sa table prêt à être signé, mais la décision de maintenir le scrutin fut finalement prise en dernière minute, sous la pression, si on en croit les médias nationaux, des ténors politiques de tous bords, l’opposition comme la majorité pour une fois tous d’accord sur le sujet. Une liste de règles d’hygiène à respecter et des précautions, des consignes de distanciation et de priorisation, ont été envoyées dans chaque mairie pour sécuriser d’un point de vue sanitaire l’opération, mais on voit mal comment une manifestation censée faire sortir de chez eux plus de 45 millions de Français pour aller voter et cotoyer des contaminateurs et des contaminations potentiels, pourrait être, d’un point de vue épidémiologique, anodine ! D’où la crainte exprimée par des candidats que nombre de citoyens, notamment les plus fragiles, les plus à risques, les plus âgés, mais aussi beaucoup d’autres, qui ne voient pas l’intérêt de s’exposer, vont estimer, avec justesse, que le jeu n’en vaut vraiment pas la chandelle.
Des demandes de report
Il est, de toute façon, incompréhensible qu’un pays qui ferme ses écoles, ses musées, ses salles de spectacles, ses cinémas, ses restaurants, ses magasins… en bref tous ses lieux publics « non essentiels », maintienne un scrutin qui, lui, ne présente aucune situation d’urgence ! C’est totalement incohérent ! Beaucoup plus sagement, l’Italie et le Royaume-Uni ont reporté leurs élections locales, qui devaient avoir lieu en mai, à quelques mois pour le premier et à un an pour le second. Même aux Etats-unis, les scrutins des primaires sont suspendus. Ce qui tombe sous le sens ! Quelques minutes après l’allocution du Premier ministre, samedi soir, le président du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, demandait, dans un tweet, l’annulation du scrutin : « En tant que Président du Conseil exécutif de Corse, je demande l’annulation du scrutin municipal. Parce qu’il est de mon devoir de protéger les Corses. Et pour que le suffrage universel puisse, une fois l’épidémie vaincue, s’exprimer dans des conditions normales ». Comme le président de l'Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, il ne cache pas son inquiétude dans une région classée parmi les six les plus touchées - 106 cas dépistés samedi soir - et où le virus circule vite. Depuis le début de la menace, Gilles Simeoni s’est battu pour faire appliquer des mesures de protection et contenir autant que possible les risques. Il avoue avoir cru jusqu’au bout que le scrutin serait reporté. D'autres présidents de régions lui ont immédiatement emboité le pas. « Au vu des dernières déclarations du Premier ministre et de l’inquiétude grandissante de la population, j’estime qu’il est plus sage de reporter les élections municipales », tweete dans la foulée Carole Delga, présidente de la région Occitanie. « Si la situation sanitaire s'est à ce point aggravée au point de fermer la quasi-totalité des commerces, ces élections municipales n'ont pas de sens. elles doivent être reportées car elles vont s'avérer fausses », appuie Hervé Morin, président de la région Normandie. « Il devient raisonnable, cohérent et même nécessaire de reporter l'élection municipale », enchaine Renaud Muselier, président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Un malaise général
Le passage au stade 3 fait l'effet d'un électrochoc et déchaine les demandes de report du scrutin. Le malaise gagne toute la classe politique : « Je ne comprends définitivement pas que les élections municipales ne soient pas reportées... Augmenter le risque de propagation est une faute », réagit par tweet Eric Coquerel, député de la France Insoumise. Alors que le président du Sénat, Gérard Larcher, s'est violemment opposé au report, le vice-président Philippe Dallier commente sur Twitter : « Avoir maintenu les élections municipales dans ces conditions est une aberration ». François Bayrou, président du Modem invoque une urgence sanitaire. Dans une lettre ouverte à Emmanuel Macron, un Collectif de médecins, urgentistes, anesthésistes et réanimateurs, estimant que « Le contrôle des distances entre les personnes est complexe à mettre en oeuvre », lance le même appel au report. « Le maintien de ces élections est la dernière scorie d'une mauvaise gestion de la crise », juge le Dr Jérome Marty, président de l'Union française pour une médecine libre. Des maires se demandent déjà s'ils pourront ouvrir leurs bureaux de vote, comme en témoigne ce tweet de Baptiste Fournier, directeur de campagne du candidat Villani à Paris : « Après les consignes de distanciation sociale exprimées ce soir par le Premier Ministre, je prends acte des démissions qui, en cohérence, se multiplient parmi nos assesseurs et présidents de bureaux de vote. En responsabilité, je ne peux m'y opposer ». En Corse, la question se pose également. « Portivechju da fà annonce qu'il appliquera le principe de précaution et qu'il n'enverra ni assesseurs, ni délégués dans les différents bureaux électoraux de la commune. nous proposons aux autres candidats une réunion d'urgence pour prendre une décision commune », annonce sur Facebook Don Mathieu Santini, candidat à Porto-Vecchio.
Une légitimité en question
Même si, cette semaine, la course aux procurations s’est aussi excitée que le virus, certains prévoient déjà que le quorum de votants, 25 % des inscrits pour valider le scrutin du 1er tour, ne sera pas atteint dans toutes les communes. D’autant que le taux d’abstention est historiquement haut pour ce type d’élection puisqu’il a atteint en moyenne nationale 36,5 % en 2014. Les électeurs, déjà enclins à bouder les urnes, devraient donc encore moins s’y précipiter. En Corse, les maires des communes rurales ne cachent pas leur inquiétude. « C’est du n’importe quoi ! Ici, c'est la psychose ! Les gens ont peur, ils ne veulent pas venir voter. On va devoir recommencer dimanche prochain alors que l’élection devait se faire en 1 seul tour », s’indigne un maire d’une petite commune de la Plaine Orientale. « Et encore moi, je n’ai pas d’opposant. Mais pour les autres, où va être la légitimité si les gens ne vont pas voter ? ». C’est la question effectivement. Jacques Attali va plus loin et tweete : « Il ne reste plus qu’un moyen de faire reporter ces élections, imposées par des politiciens inconscients, offenses au bon sens et à la santé publique : N'allez pas voter ! Refusez d'être assesseurs ! Les élections seront nulles de droit ».
L’inconnue du 2nd tour
Si la victoire des candidats, qui seront élus au soir du 1er tour, ne peut pas être constitutionnellement remise en cause en cas de quorum atteint, qu’en sera-t-il de la légitimité démocratique ? « Le scrutin de dimanche sera fortement biaisé et en aucun cas ne permettra l’égalité d’accès au vote de nos ainés, ce sera un véritable déni de démocratie et un déni d’humanité car une prise de risque inutile pour la santé de millions de Français », peut-on lire dans une pétition mise en ligne le 12 mars sur change.org pour demander le report du scrutin et qui a déjà recueilli plus de 21 000 signatures. « Pour le 1er tour, on ne peut plus reculer. Nous verrons pour le 2nd tour », a lâché Edouard Philippe qui s'abrite derrière l'avis du Conseil scientifique. « L’épidémie va flamber, le gouvernement risque d’être contraint d’annuler le second tour ! Il y aura des maires élus et d’autres pas ! Je vous le dis : c’est n’importe quoi ! », conclut le maire corse. Le coronavirus semble, donc, bien parti pour perturber le scrutin et être l’arbitre de ce 1er tour. Et si l’épidémie s’enflamme comme annoncé, il pourrait faire peser bien plus qu’une inconnue sur le second tour.
N.M.