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Lingua corsa : Instaurer une véritable stratégie du bilingue dans le 2nd degré


Nicole Mari le Mercredi 2 Janvier 2019 à 21:25

Le taux d’élèves en filière bilingue est de 37% en primaire, mais seulement de 20% au collège et de moins 1% au lycée. Pour la majorité territoriale, la faute en incombe au manque de ressources et d’enseignants. Aussi demande-t-elle à l’Education nationale de mettre en place pour le secondaire les moyens accordés au primaire et décrochés de haute lutte. Une motion déposée en ce sens par Anne Tomasi, conseillère territoriale du groupe PNC à l’Assemblée de Corse, lors de la dernière session, a été, après amendement, votée à l’unanimité. Elle demande la création d’un poste d’encadrement chargé exclusivement de la coordination des filières bilingues du secondaire. Explications, pour Corse Net Infos, d’Anne Tomasi.



Anne Tomasi, conseillère territoriale du groupe PNC à l’Assemblée de Corse.
Anne Tomasi, conseillère territoriale du groupe PNC à l’Assemblée de Corse.
- Vous lancez un nouveau cri d’alerte. Rien ne change-t-il malgré l’intensification de l’enseignement ?
- Le nombre de locuteurs baisse parce que, malheureusement, la langue n’est plus utilisée dans la société. Même si, effectivement, il y a une vraie augmentation de l’enseignement, le corse reste la langue de l’école et a du mal à reprendre prise dans le quotidien. Pour pallier ce problème, il faut impérativement que la langue corse prenne plus de part dans la société, en même temps que la langue, qu’on enseigne aux enfants, ne soit pas qu’un simple objet d’enseignement, mais aussi le vecteur de communication. Le but est que cela devienne de plus en plus naturel pour les enfants d’utiliser la langue corse. C’est pour cela que l’enseignement bilingue est tout aussi important que l’enseignement disciplinaire.
 
- Pourquoi demandez-vous un poste d’encadrement du 2nd degré ? Quel est son intérêt ?
- Nous ne demandons pas un poste unique, mais une équipe autour d’un coordinateur chargé de la mettre en place. Il existe, déjà, dans le 1er degré, une équipe constituée d’un inspecteur de l’Education nationale en charge de la mission Langue corse, de deux conseillers départementaux et de sept conseillers de circonscription. Alors que dans le 2nd degré, il n’y a qu’une seule personne, l’inspecteur de Langue et de culture corses qui est chargé, de manière générale, de la langue corse. Mais, la langue corse dans le 2nd degré dépasse le simple enseignement de la langue et de la culture corses. Nous pensons qu’étant donné l’enjeu, la charge est trop importante pour une personne seule. Nous demandons qu’un coordinateur soit mis en place pour travailler avec toutes les disciplines.
 
- Vous évoquez des « besoins considérables en ingénierie pédagogique dans le 2nd degré ». Cela veut-il dire qu’il y a peu de moyens ?
- Actuellement dans le 2nd degré, l’enseignement bilingue, qui est mis en place, repose sur deux piliers. D’une part, les ressources mises à disposition par Canopé. Le réseau fait avec les moyens qu’il a. Il produit des ressources à un rythme bien plus accéléré qu’il y a quelques années, mais cela reste insuffisant par rapport à la demande. D’autre part, la volonté des équipes pédagogiques et des établissements scolaires. Ce système aussi trouve ses limites parce qu’on ne peut pas demander aux enseignants d’en faire toujours plus par militantisme, par amour de la langue, par compréhension de l’importance des enjeux.
 
- L’équipe, que vous souhaitez, serait-elle chargée de créer des ressources ?
- Oui, mais pas seulement. Egalement, de faire de la formation des enseignants qui ont envie de s’impliquer dans le bilingue. L’idée est de mettre en lien tous les enseignants qui font du bilingue pour instaurer une véritable stratégie du bilingue dans le 2nd degré à l’échelle régionale.
 
- Pensez-vous que cette stratégie puisse inverser la donne de la perte considérable d’élèves au lycée ?
- Bien sûr ! Le lycée est confronté à une situation particulière. La chute considérable du taux d’élèves en filière bilingue est due à la pénurie d’offres d’établissements qui proposent du bilingue. On a peu de visibilité sur la réforme en cours du secondaire et du bac, donc on ne sait pas comment on va pouvoir organiser les filières bilingues dans ce cadre-là. L’écart important entre le primaire et le second degré est du aussi au manque de ressources humaines. Il n’y a pas suffisamment de professeurs assistés pour faire fonctionner correctement toutes les filières bilingues. Ces filières ne font pas du corse à parité horaire comme c’est prévu par la convention passée entre l’Etat et la Collectivité, et par les textes d’une manière générale. Malheureusement, on ne peut pas forcer les gens à faire du bilingue, pas plus qu’on ne peut forcer les gens qui ne sont pas corsophones à le devenir. S’il n’y a pas de formation, il sera très difficile d’augmenter les ressources humaines. S’il n’y a pas de ressources humaines, il sera très difficile d’augmenter le taux d’élèves en filière bilingue.
 
- A qui adressez-vous votre demande de poste ?
- Même si la langue corse est une compétence de la région, l’éducation reste une prérogative de l’Etat. C’est, donc, à l’Education nationale de mettre ce poste en place. Nous avons demandé au conseiller exécutif en charge de la langue de transmettre cette demande au ministre. La compétence linguistique étant conjointe – la partie langue à la Collectivité et la partie enseignement à l’Education nationale -, il faut que ce coordinateur travaille avec les deux. Ce serait une cogestion, le prolongement du lien du Conseil académique territorial dans une application plus quotidienne. Ce Conseil se réunira dans la première quinzaine de janvier.
 
- Etes-vous confiante dans l’obtention de ce poste ?
- L’Education nationale n’a pas les mêmes enjeux que nous dans l’enseignement de la langue. Malheureusement, il s’agit toujours d’un rapport de forces. Cependant, la demande est fondée, donc compréhensible. Nous avons gagné la même bataille pour le primaire dans les années 80. Il me semble que tout argument pour refuser son extension au secondaire serait inacceptable.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.