Les mots corses doivent-ils porter le chapeau ? Naturalisation du lexique corse "savant" (2)
L'accent tonique
Les fluctuations sont courantes, d'ordinaire les dictionnaires corses s'alignent sur l'italien même quand ce dernier s'éloigne de l'étymologie, et les hypercorrections, ici aussi, sont nombreuses. Comme pour diocesi, l'accent graphique n'est pas non plus indiqué dans diucesu (on trouve également diucesi); cependant la fermeture du <o> en <u> signale d'ordinaire un accent tonique déplacé vers l'avant.
La tendance à introduire dans l'orthographe corse un accent graphique sur les proparoxytons ne simplifierait pas forcément les choses. Faudrait-il écrire diòcesi (Muntese, DCF) ou diocèsi (Ceccaldi, DPE)?. Pas de problème (a priori) quand latin, grec et italien concordent. Mais que fait-on quand ils divergent? Faudra-t-il avoir en permanence plusieurs dictionnaires sous la main? Prenons "antiphrase" et "antithèse". Le dictionnaire italien donne anTÌfrasi, anTÌtesi.
Le dictionnaire corse du Muntese donne antiFRÀsa et antiTÈsa. Et 9 Corses sur 10 donneraient spontanément la même réponse. Ces formes correspondent à la fois au modèle français, et en même temps à la tendance populaire: voyelle finale <–a> puisqu'il s'agit d'un féminin, accent tonique sur la deuxième partie d'un mot composé (idem en corse ou en italien) ou quand le mot est perçu comme composé (suciale/antisuciàle; tèsa/antitèsa).
L'accentuation sur la première partie ("préfixoïde") n'es pas "naturelle" et les hésitations sont nombreuses, parfois dans le même ouvrage ou chez le même auteur.
Le Muntese donne caTÀlugu pour "catalogue", mais à "martirologe" indique comme variante cataLÒgu (di i martiri). De même pour les mots composés avec un "suffixoïde" (–graphe), l'accent est "baladeur":
+Type paRÀgrafu accentué sur l'antépénultième
+Type paragraffu où l'accent n'est pas marqué mais où la double consonne dans l'avant-dernière syllabe implique que celle-ci accentuée (seuls quelques toponymes non-latins dérogent à cette règle prosodique)
+Type paragrafu sans indication d'accent:
M.Ceccaldi, DPE; S.Casta, 079 (mais aussi futograffu); P.Ottavi, 0780 (mais paragraffu: 780); G.Fusina, 0043 (fotografu).
Accentuer graphiquement certains mots?
Dans le système graphique corse majoritaire l'accent tonique n'est pas marqué que sur la dernière syllabe. Dans le type (savant) diocesi on n'a aucune indication sur la place de l'accent, ni d'ailleurs sur la prononciation des séquences de voyelles en général. Les dictionnaires italiens signalent la diérese par un tréma (dÏÒcesi pour le Treccani). L'orthographe corse semble condamnée à rester floue sur ce point. "Intricciate è cambiarine" avait bien proposé d'écrire tïanu, mais le tréma (trop "francoïde"?) a été vite abandonné au profit de tianu. Ainsi la pression du français est responsable de certaines aberrations mais bloque aussi certaines innovations utiles.
Quant à la proposition (et la pratique de quelques auteurs) de marquer un accent graphique en corse, elle peut se révéler délicate à mettre en œuvre. Elle ne poserait aucun problème pour les mots traditionnels dont l'accentuation est bien connue (mais alors le "bénéfice" serait limité). En revanche, si on estime que le corse doit servir non seulement à réciter l'Urticellu de Ziu Santu, mais à traduire en corse la littérature classique et l'Odyssée, à dire la civilisation moderne, scientifique et technique, à lister en corse le nom des éléments chimiques… alors la tâche est plus ardue.
Comme dans les dictionnaires existants (ceux qui indiquent la place de l'accent tonique) ne sont pas fiables; la pratique du corse écrit dans la vie de tous les jours ne s'en trouverait certes pas simplifiée. Avant de modifier les habitudes, il convient de réfléchir aux conséquences, pour éviter certaines innovations discutables qui risquent d'introduire la confusion (comme cela a été trop souvent le cas: nous y reviendrons).
Comme la plume au vent…
Même une langue de culture ancienne et admirable comme l'italien a renoncé à imposer des règles rigides en matière d'accentuation des mots d'origine grecque. Déjà au 17e siècle un dictionnaire prosodique de mots latins observait:
Comprenez: "en Italie chacun accentue les mots grecs comme bon lui semble" (je traduis à partir de R.Rossi, greco antico.it ). Et certains mots changent d'accent selon les auteurs. En quelque sorte: "comme la plume au vent l'accent est volage…" Comme dans le Rigoletto de Verdi: "La donna è mobile/ Qual piuma al vento/ Muta d'accento – e di pensiero").
L'étymon latin et l'étymon grec sont parfois en contradiction. Dans ce cas l'italien suit d'ordinaire le latin, mais pas de manière systématique. On constate de nombreuses entorses à la "règle" qui privilégie l'accentuation "à la latine". On a par exemple OrFÈo et EuriDÌce alors que le modèle latin imposerait ÒRfeo ed EuRÌdice. Ainsi prononcé le nom des époux myhiques (Orphée et Eurydice en français) produirait en italien un effet "ridicule" (toujours selon R.Rossi).
En outre comment accentuer certains mots savants dont la graphie fluctue non seulement dans les dictionnaires corses mais également dans les dictionnaires italiens où certains accents ne correspondent ni au grec ni au latin? C'est le cas par exemple pour les nombreux "Darius" de l'histoire: ainsi on a en italien Dàrio (gr.Daréios, lat.Darìus).
L'Usage
L'animateur du site consacré au grec ancien (grecoantico.it ) conclut qu'en la matière il est sage de suivre en italien "l'usage courant", car:
Au contraire, de manière surprenante, dictionnaires et grammaires proposent souvent un norme qui néglige ou ignore la réalité de l'usage. Par paresse, d'abord, car l'usage n'est pas toujours facile à appréhender. Par choix idéologico-démagogique aussi: il est plus facile et plus "populaire" de construire une norme du corse par rapport à des modèles extérieurs (mal connus), français et italien surtout.
La plupart du temps, le résultat est la stigmatisation abusive d'éléments qui sont non seulement dans l'usage courant mais parfaitement conformes au système du corse. Le but avoué est parfois de s'opposer à la norme de l'italien ou du français, ou de de s'écarter au maximum de tout modèle extérieur. On affiche donc une méfiance à l'égard de "l'usage", y compris dans des instances officielles comme notre Conseil de la langue corse nouvellement créé.
On exprime aussi ouvertement sa méfiance à l'égard du travail des "linguistes", des "grosses têtes" (i capizzoni) qui énoncent des prescriptions parfois contradictoires. Dans le meilleurs des cas on appelle de ses vœux la production d'ouvrages "de référence", certes trop peu nombreux et partiels (le "reproche amical" m'avait été adressé lors de l'émission "Trà di noi" sur la radio bilingue locale), mais en même temps largement ignorés quand ils existent.
Sans trop attendre l'État Providence, les institutions locales ou l'homme providentiel (la chair est faible, hélas…), peut-être faudrait-il exploiter les données littéraires et linguistiques d'ores et déjà disponibles, en rompant avec une habitude qui est devenue le sport national normalisateurs corses: la condamnation injuste de structures majoritaires dans l'usage courant comme dans la meilleure littérature, notamment chez des auteurs volontiers encensés mais peu lus.
Le filtre du français: horreur ou moindre mal ?
On pourrait citer beaucoup d'exemples qui montrent que, sur le marché (mondialisé?) de la Corse tout passe désormais à travers le "filtre" du français. Il n'y a (peut-être) pas lieu de s'en offusquer s'il est vrai que toutes les "CIVILISATIONS" se valent (même si elles ne sont pas toutes logées à la même enseigne...). Le phénomène atteint son paroxysme avec la prononciation "à la française" d'expressions latines, graphiquement "corsisées" de manière saugrenue (Associu À CAPPELLÀ: on sait que les mots latins n'étaient jamais accentués sur la dernière syllabe). Autrefois les fidèles prononçaient "le latin d'église" "à la corse" (DOMINUS VOBISCU… MAMME!)
La recommandation de suivre l'usage courant est raisonnable. Mais parfois l'usage courant … n'existe pas.
Que faire alors: suivre le latin, le grec, l'italien, le français, ou d'autres modèles? Comment "corsiser" les noms propres (on pourrait citer de nombreux ouvrages récents consacrés à la mythologie grecque)? La question se pose aussi dans d'autres domaines: où mettre l'accent sur le correspondant corse de "Bosnie Herzégovine"?
En Italie on a observé qu'en face d'un "vide objectif" (lorsqu'il n'existe pas d'équivalent satisfaisant dans la langue "standard") les locuteurs étaient tentés de recourir à leur parler local, mais y renonçaient en raison du "terrorisme anti dialectal" pratiqué par l'école (M.Cortelazzo, Lineamenti di Italiano popololare). Je n'irai pas jusqu'à qualifier de "terrorisme anti-français" la répression abusive d'une expression corse traditionnelle. L'auteur cité rappelle la critique de Machiavel à l'Arioste. Ce dernier, dit-on, n'aimait pas les expressions de son parler "ferrarese" mais, ne connaissant pas le florentin, il les conservait… faute de mieux.
C'est aussi ce que font la plupart des Corses que la peur panique du gallicisme ne dissuade pas de parler leur langue. C'est ce que font même les auteurs de dictionnaires corses qui, faute de pouvoir indiquer une solution alternative, valident de nombreux termes tout en les qualifiant (à tort ou à raison) de "gallicismes".
Neuf fois sur dix la solution existe, dans l'usage courant ou littéraire corse. Mais à défaut les Corses se tournent –consciemment ou pas- vers la seule langue qui leur soit AUJOURD'HUI suffisamment connue et immédiatement accessible: le français. Parfois le gallicisme est détestable ou "ridicule" (ce qui ne tue pas, comme chacun sait). Parfois aussi le modèle français coïncide (étrangement?) avec la tendance populaire, "le génie" de la langue corse.
J'ai conscience qu'on pourra m'accuser ici de laxisme à l'égard de la pression du français, ou, dans le meilleur des cas, de "porter atteinte au moral des troupes" en relevant la carence des études corses, qui m'est d'ailleurs également (pour partie) imputable.
J'espère avoir l'occasion de revenir sur le sujet, toujours avec des exemples concrets et documentés.
Jean CHIORBOLI, 13 aout 2013
L'accent tonique
Les fluctuations sont courantes, d'ordinaire les dictionnaires corses s'alignent sur l'italien même quand ce dernier s'éloigne de l'étymologie, et les hypercorrections, ici aussi, sont nombreuses. Comme pour diocesi, l'accent graphique n'est pas non plus indiqué dans diucesu (on trouve également diucesi); cependant la fermeture du <o> en <u> signale d'ordinaire un accent tonique déplacé vers l'avant.
La tendance à introduire dans l'orthographe corse un accent graphique sur les proparoxytons ne simplifierait pas forcément les choses. Faudrait-il écrire diòcesi (Muntese, DCF) ou diocèsi (Ceccaldi, DPE)?. Pas de problème (a priori) quand latin, grec et italien concordent. Mais que fait-on quand ils divergent? Faudra-t-il avoir en permanence plusieurs dictionnaires sous la main? Prenons "antiphrase" et "antithèse". Le dictionnaire italien donne anTÌfrasi, anTÌtesi.
Le dictionnaire corse du Muntese donne antiFRÀsa et antiTÈsa. Et 9 Corses sur 10 donneraient spontanément la même réponse. Ces formes correspondent à la fois au modèle français, et en même temps à la tendance populaire: voyelle finale <–a> puisqu'il s'agit d'un féminin, accent tonique sur la deuxième partie d'un mot composé (idem en corse ou en italien) ou quand le mot est perçu comme composé (suciale/antisuciàle; tèsa/antitèsa).
L'accentuation sur la première partie ("préfixoïde") n'es pas "naturelle" et les hésitations sont nombreuses, parfois dans le même ouvrage ou chez le même auteur.
Le Muntese donne caTÀlugu pour "catalogue", mais à "martirologe" indique comme variante cataLÒgu (di i martiri). De même pour les mots composés avec un "suffixoïde" (–graphe), l'accent est "baladeur":
+Type paRÀgrafu accentué sur l'antépénultième
- P.Marchetti, USU; Muntese (mais dans le LFC on a curieusement le type lessicoGRÀfu)
- S.Medori, 031, P.Ottavi, 0780, S.Casta, 079 (futograffu),…
M.Ceccaldi, DPE; S.Casta, 079 (mais aussi futograffu); P.Ottavi, 0780 (mais paragraffu: 780); G.Fusina, 0043 (fotografu).
Accentuer graphiquement certains mots?
Dans le système graphique corse majoritaire l'accent tonique n'est pas marqué que sur la dernière syllabe. Dans le type (savant) diocesi on n'a aucune indication sur la place de l'accent, ni d'ailleurs sur la prononciation des séquences de voyelles en général. Les dictionnaires italiens signalent la diérese par un tréma (dÏÒcesi pour le Treccani). L'orthographe corse semble condamnée à rester floue sur ce point. "Intricciate è cambiarine" avait bien proposé d'écrire tïanu, mais le tréma (trop "francoïde"?) a été vite abandonné au profit de tianu. Ainsi la pression du français est responsable de certaines aberrations mais bloque aussi certaines innovations utiles.
Quant à la proposition (et la pratique de quelques auteurs) de marquer un accent graphique en corse, elle peut se révéler délicate à mettre en œuvre. Elle ne poserait aucun problème pour les mots traditionnels dont l'accentuation est bien connue (mais alors le "bénéfice" serait limité). En revanche, si on estime que le corse doit servir non seulement à réciter l'Urticellu de Ziu Santu, mais à traduire en corse la littérature classique et l'Odyssée, à dire la civilisation moderne, scientifique et technique, à lister en corse le nom des éléments chimiques… alors la tâche est plus ardue.
Comme dans les dictionnaires existants (ceux qui indiquent la place de l'accent tonique) ne sont pas fiables; la pratique du corse écrit dans la vie de tous les jours ne s'en trouverait certes pas simplifiée. Avant de modifier les habitudes, il convient de réfléchir aux conséquences, pour éviter certaines innovations discutables qui risquent d'introduire la confusion (comme cela a été trop souvent le cas: nous y reviendrons).
Comme la plume au vent…
Même une langue de culture ancienne et admirable comme l'italien a renoncé à imposer des règles rigides en matière d'accentuation des mots d'origine grecque. Déjà au 17e siècle un dictionnaire prosodique de mots latins observait:
- "Graeca per Ausoniae fines sine lege vagantur"
L'étymon latin et l'étymon grec sont parfois en contradiction. Dans ce cas l'italien suit d'ordinaire le latin, mais pas de manière systématique. On constate de nombreuses entorses à la "règle" qui privilégie l'accentuation "à la latine". On a par exemple OrFÈo et EuriDÌce alors que le modèle latin imposerait ÒRfeo ed EuRÌdice. Ainsi prononcé le nom des époux myhiques (Orphée et Eurydice en français) produirait en italien un effet "ridicule" (toujours selon R.Rossi).
En outre comment accentuer certains mots savants dont la graphie fluctue non seulement dans les dictionnaires corses mais également dans les dictionnaires italiens où certains accents ne correspondent ni au grec ni au latin? C'est le cas par exemple pour les nombreux "Darius" de l'histoire: ainsi on a en italien Dàrio (gr.Daréios, lat.Darìus).
L'Usage
L'animateur du site consacré au grec ancien (grecoantico.it ) conclut qu'en la matière il est sage de suivre en italien "l'usage courant", car:
- "En linguistique c'est l'USAGE qui dicte la NORME, et non l'inverse".
La plupart du temps, le résultat est la stigmatisation abusive d'éléments qui sont non seulement dans l'usage courant mais parfaitement conformes au système du corse. Le but avoué est parfois de s'opposer à la norme de l'italien ou du français, ou de de s'écarter au maximum de tout modèle extérieur. On affiche donc une méfiance à l'égard de "l'usage", y compris dans des instances officielles comme notre Conseil de la langue corse nouvellement créé.
On exprime aussi ouvertement sa méfiance à l'égard du travail des "linguistes", des "grosses têtes" (i capizzoni) qui énoncent des prescriptions parfois contradictoires. Dans le meilleurs des cas on appelle de ses vœux la production d'ouvrages "de référence", certes trop peu nombreux et partiels (le "reproche amical" m'avait été adressé lors de l'émission "Trà di noi" sur la radio bilingue locale), mais en même temps largement ignorés quand ils existent.
Sans trop attendre l'État Providence, les institutions locales ou l'homme providentiel (la chair est faible, hélas…), peut-être faudrait-il exploiter les données littéraires et linguistiques d'ores et déjà disponibles, en rompant avec une habitude qui est devenue le sport national normalisateurs corses: la condamnation injuste de structures majoritaires dans l'usage courant comme dans la meilleure littérature, notamment chez des auteurs volontiers encensés mais peu lus.
Le filtre du français: horreur ou moindre mal ?
On pourrait citer beaucoup d'exemples qui montrent que, sur le marché (mondialisé?) de la Corse tout passe désormais à travers le "filtre" du français. Il n'y a (peut-être) pas lieu de s'en offusquer s'il est vrai que toutes les "CIVILISATIONS" se valent (même si elles ne sont pas toutes logées à la même enseigne...). Le phénomène atteint son paroxysme avec la prononciation "à la française" d'expressions latines, graphiquement "corsisées" de manière saugrenue (Associu À CAPPELLÀ: on sait que les mots latins n'étaient jamais accentués sur la dernière syllabe). Autrefois les fidèles prononçaient "le latin d'église" "à la corse" (DOMINUS VOBISCU… MAMME!)
La recommandation de suivre l'usage courant est raisonnable. Mais parfois l'usage courant … n'existe pas.
Que faire alors: suivre le latin, le grec, l'italien, le français, ou d'autres modèles? Comment "corsiser" les noms propres (on pourrait citer de nombreux ouvrages récents consacrés à la mythologie grecque)? La question se pose aussi dans d'autres domaines: où mettre l'accent sur le correspondant corse de "Bosnie Herzégovine"?
En Italie on a observé qu'en face d'un "vide objectif" (lorsqu'il n'existe pas d'équivalent satisfaisant dans la langue "standard") les locuteurs étaient tentés de recourir à leur parler local, mais y renonçaient en raison du "terrorisme anti dialectal" pratiqué par l'école (M.Cortelazzo, Lineamenti di Italiano popololare). Je n'irai pas jusqu'à qualifier de "terrorisme anti-français" la répression abusive d'une expression corse traditionnelle. L'auteur cité rappelle la critique de Machiavel à l'Arioste. Ce dernier, dit-on, n'aimait pas les expressions de son parler "ferrarese" mais, ne connaissant pas le florentin, il les conservait… faute de mieux.
C'est aussi ce que font la plupart des Corses que la peur panique du gallicisme ne dissuade pas de parler leur langue. C'est ce que font même les auteurs de dictionnaires corses qui, faute de pouvoir indiquer une solution alternative, valident de nombreux termes tout en les qualifiant (à tort ou à raison) de "gallicismes".
Neuf fois sur dix la solution existe, dans l'usage courant ou littéraire corse. Mais à défaut les Corses se tournent –consciemment ou pas- vers la seule langue qui leur soit AUJOURD'HUI suffisamment connue et immédiatement accessible: le français. Parfois le gallicisme est détestable ou "ridicule" (ce qui ne tue pas, comme chacun sait). Parfois aussi le modèle français coïncide (étrangement?) avec la tendance populaire, "le génie" de la langue corse.
J'ai conscience qu'on pourra m'accuser ici de laxisme à l'égard de la pression du français, ou, dans le meilleur des cas, de "porter atteinte au moral des troupes" en relevant la carence des études corses, qui m'est d'ailleurs également (pour partie) imputable.
J'espère avoir l'occasion de revenir sur le sujet, toujours avec des exemples concrets et documentés.
Jean CHIORBOLI, 13 aout 2013