J'évoquais dans ma dernière chronique la contradiction qu'il y a à se dire tolérant tout en militant pour la "langue unique" ou en soutenant ceux qui en font un argument de propagande électorale (http://www.corsenetinfos.fr/Jean-Chiorboli- Elections-tolerance-coherence_a8035.html).
Marie-Jeanne Verny, professeur d'occitan à l'université Montpellier III, se réjouit du vote par l'Assemblée de la charte européenne des langues régionales (http://www.lamarseillaise.fr/herault-du-jour/societe/26649-les-langues-regionales-sont-un-plus-pour-la-republique). Se réclamant du Front de Gauche, elle regrette l'hostilité de certains élus du même parti (4 sur 15).
Dans l'article cité Marie-Jeanne Verny précise justement que la Charte n'est "pas une fin en soi", qu'elle ne va pas régler tous les problèmes des "langues régionales", qu'elle n'est qu'un épisode de la "bataille progressiste pour la richesse culturelle et humaine du pays". Si les adversaires de la charte pensent que la "République une et indivisible est menacée", c'est en raison de leur préjugés.
Dans une lettre personnelle à Jean-Luc Mélenchon, elle écrit que l'opposition à la Charte européenne des langues régionales et minoritaires fait "revenir la gauche en arrière". Elle rappelle que la colonisation s’est construite sur le principe archaïque "qui consiste à imposer « LA » civilisation (et la langue française supposée en être le vecteur unique!) aux peuples prétendument non civilisés (https://www.facebook.com/languesculturesdeFrance/posts/528739690574240).
Pour Marie-Jeanne Verny il faut pas parler à ce sujet de "centralisme uniformisateur" et pas de "jacobinisme". Rappeler la genèse du "jacobinisme" est méritoire. Les historiens de la langue partagent le même attachement scrupuleux à la "pureté du langage", qui cependant tend à être "péjoratif lorsqu'il est excessif" (d'après le dictionnaire du CNRTL : "purisme").
Malheureusement bien des termes nés dans des circonstances historiques particulières passent ensuite dans le langage courant avec des connotations diverses, parfois contradictoires.
Ainsi par exemple on a pu dire "le simeonisme s'incarne dans les idées de la collaboration avec l'Italie mussolinienne..." (http://www.corsematin.com/article/bastia/municipales-a-bastia-francis-riolacci-evoque-les-idees-dangereuses-du-simeonisme.1297623.html ), ou bien "Mélenchon est un fasciste" (http://www.numerama.com/f/118021-t-34melenchon-est-un-fasciste34.html ).
Il n'aura échappé à personne que le leader du Parti de Gauche est opposé à la Charte européennes des langues régionales, alors que celui de la liste "Inseme per Bastia" y est favorable, et qu'en l'occurrence l'action en faveur d'une langue ("minoritaire" sur son propre territoire) ne peut être considérée comme du racisme ou une "violence" condamnable.
Pour revenir au "jacobinisme", au-delà de sa genèse, il est un fait que les opposants aux "langues régionales" sont souvent traités de "jacobins". L'étiquette est parfois même revendiquée: un blogueur ("Nationaliste Jacobin") considère notamment que "l’application de la Charte européennes des langues régionales, c’est la mort de la France à moyen ou long terme" (http://www.arsin.fr/blog/mobilisation-contre-la-ratification-de-la-charte-europeenne-des-langues-regionales-par- nationaliste-jacobin.html ).
L'opposition aux "langues régionales n'est pas (forcément) une opposition de gauche
Mais "peu importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse" comme disait A. de Musset.
Quelle que soit l'étiquette en question, il était important de préciser que l'opposition à la Charte européenne n'est pas (forcément!) une opinion -ni une "position"- "de gauche". Et Marie Jeanne Verny a bien montré que l'on peut être dans le même parti sans être forcément dans le même "camp" (pour reprendre un terme du vocabulaire militaire dont le champ d'application s'est par la suite élargi...)
Comme on l'a vu, en Corse comme ailleurs, la question dépasse les clivages partisans. Un concept comme celui de "République une et indivisible" (prétendument menacée par la reconnaissance de la diversité linguistique) est souvent instrumentalisé à des fins purement électoralistes. Comme antidote contre les amalgames abusifs, nous conseillons vivement de visiter le réseau "Langues et cultures de France" (https://www.facebook.com/languesculturesdeFrance) dont la "profession de foi" tranche avec certains propos obscurantistes:
Le réseau est un "lieu d'échanges d'idées pour que vivent nos langues dans une société plus juste" qui depuis la création du Front de Gauche... s'est naturellement inscrit dans cette perspective résumée par l'expression "L'Humain d'abord"."Pour nous, l'Humain, c'est aussi la diversité des langues et des cultures, le désir de les partager, de les échanger. C'est le refus de l'uniformité appauvrissante.
Le monde, l'Europe, la France, sont riches de ces milliers de langues, porteuses de cultures, d'histoire, de luttes et d'espoir. Ces langues, dans notre pays, nous les voulons vivantes, nous voulons pour elles une place dans la vie publique.
Cette page facebook, comme le site du réseau (http://languesculturefrance.free.fr/ ), se veut un lieu d'information, d'échanges et de débats auxquels vous êtes invités".
Jean Chiorboli, 11 mars 2014