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La Gauche autonomiste pose huit questions d’éthique aux candidats des Territoriales


Nicole Mari le Vendredi 16 Octobre 2015 à 23:01

La Gauche autonomiste a décidé de soumettre aux candidats, têtes de liste des élections territoriales des 6 et 13 décembre, huit questions d’éthique et de responsabilités portant, notamment, sur le non-cumul des mandats, la captation des mandats publics, les droits de l’opposition, le clientélisme, le manque de transparence financière, l’intégrité des élus, la question migratoire, le banditisme et l’affairisme. Les réponses ou leur absence seront communiquées à la population. Henri Malosse s’est joint à eux pour appuyer leur démarche. Explications, pour Corse Net Infos, de Vincent Carlotti, leader de la Gauche autonomiste et représentant d’Anticor en Corse.



Vincent Carlotti, leader de la Gauche autonomiste et représentant d’Anticor en Corse, et Henri Malosse.
Vincent Carlotti, leader de la Gauche autonomiste et représentant d’Anticor en Corse, et Henri Malosse.
- Pourquoi avez-vous décidé de poser, aux candidats, huit questions d’éthique ?
- C’est une initiative de la Gauche autonomiste. C’est toujours la même démarche. Nous interpellons les élus quand une question nous paraît importante. Nous l’avons fait pour le banditisme. Nous avions demandé au président de l’Assemblée de Corse, Dominique Bucchini, de faire une session extraordinaire sur le sujet. Il l’a fait. Nous sommes persuadés, peut-être à tort, que les questions d’éthique, de bonne gouvernance et de responsabilité, ne pèseront pas lourd dans la campagne électorale. En tous cas, à ce que nous voyons à ce jour. Ces questions nous paraissent assez importantes pour interpeler les têtes de liste à leur sujet et pour, ensuite, à travers eux, s’adresser à la population.
 
- De quelle façon ?
- Nous ferons connaître les réponses afin que la population sache, le moment venu, au moment de voter, quelle est l’attitude du chef de file qu’elle aura choisi. Parmi les questions, certaines sont difficiles pour les élus. On verra ce qu’ils répondront. Mais, qu’un élu réponde, ne réponde pas ou ne réponde qu’à une question, nous le ferons connaître aux électeurs. Cela nous parait important.
 
- Pensez-vous que les élus ne se préoccupent pas assez d’éthique et de bonne gouvernance ?
- Nous le pensons effectivement. Par exemple, la question n°8 porte sur l’importance et la gravité du poids du banditisme en Corse. Quand on voit ce qui s’est passé la semaine dernière, on peut être inquiet. La Commission Violences, présidée par Dominique Bucchini, se réunit, convoque un spécialiste de la mafia, venu d’Italie, un autre, venu de France, et trois personnes qui ont été rackettées. Seuls deux élus, Dominique Bucchini et le président du Groupe communiste, assistent à cette réunion. Il y a de quoi se poser des questions ! Ce sujet, qui nous paraît important, n’intéresse pas beaucoup les élus, sinon ils auraient été présents.
 
- Quelles sont, parmi vos huit questions, celles qui vous paraissent incontournables ?
- Trois questions nous paraissent emblématiques de la façon dont on pose les problèmes. La première porte sur le banditisme. La deuxième concerne l’émigration, du moins le phénomène migratoire dont on ne parle qu’à l’occasion d’incidents comme ceux de Prunelli-di-Fiumorbu. La Corse subit une pression migratoire qui ne vient pas seulement du Sud, mais aussi du Nord. On règle toujours cette question par le petit bout de la lorgnette à l’occasion d’un incident ou à travers le statut de résident. Pour nous, les élus doivent en parler ! Ce n’est pas en se taisant qu’ils régleront le problème. La troisième question est le cumul des mandats.
 
- Cette question n’est-elle pas, en grande partie, réglée par la loi sur le non-cumul ?
- Non ! Elle est réglée au niveau de l’Exécutif. La loi impose aux présidents des Exécutifs départementaux et régionaux de ne plus être parlementaires. Nous pensons qu’à l’Assemblée de Corse qui aura des pouvoirs plus importants après la fusion avec les deux départements, un seul mandat territorial devrait suffire à occuper un élu pendant toute sa mandature. Il n’a pas besoin d’être maire ou adjoint. Cela peut, à la limite, être gênant.
 
- Pourquoi ?
- Très souvent, les élus territoriaux, quand ils sont maires ou adjoints d’une commune importante, voient leur présence à l’Assemblée de Corse comme une façon d’obtenir plus d’argent pour leur commune. L’intérêt général est trop souvent subordonné à l’intérêt de la commune. Ça ne peut pas coller ! On l’a vu quand la ville de Bastia (sous Emile Zuccarelli, ndlr) soutenait l’Exécutif de droite et recevait, en contrepartie, beaucoup d’argent. Pour nous, c’est intolérable !
 
- Vous dites que « la politique ne doit plus être un métier ». Qu’entendez-vous par là ?
- Nous constatons que des gens détiennent des mandats pendant 20, 30 ou 40 ans. Et pas qu’en Corse. La politique devient comme un métier. Nous considérons qu’à partir du moment où les revenus, qu’un homme tire de la politique, sont très importants, c’est dangereux pour la démocratie. Ça paralyse la société et ça empêche les jeunes, en particulier, et les femmes d’entrer en politique comme il le faudrait parce que les places sont occupées par les mêmes personnes. A l’Assemblée de Corse, des gens sont là depuis 30 ans, comme mon ami Dominique Bucchini.
 
- Demandez-vous une limitation des mandats ?
- Oui ! Nous demandons aux têtes de listes de se s’engager à ce que leurs colistiers ne fasse pas plus de deux mandats consécutifs.
 
- Vous proposez de donner à l’opposition « les moyens de s’opposer ». N’est-ce pas déjà le cas ?
- Non ! Ce n’est pas le cas ! Un président de l’Exécutif, celui-là ou un autre, peu importe, dispose de l’expertise des services pour élaborer des rapports importants qu’il soumet au vote de l’assemblée territoriale. L’opposition, qui doit voter, n’a pas les moyens, ni le temps pour bien comprendre ces dossiers. Nous demandons aux têtes de listes de s’engager à voter des crédits à l’opposition pour que celle-ci puisse rémunérer des experts indépendants qui l’aideront à se faire une religion sur les dossiers. Sinon ce n’est pas juste ! L’Exécutif écrase l’opposition. Il suffit que, comme cela arrive souvent par tactique, il remette le dossier trop tard et l’opposition n’a pas les outils pour l’étudier. Une démocratie marche sur deux jambes : une majorité et une opposition qui doit avoir les mêmes moyens.
 
- Vous fustigez le clientélisme et l’utilisation électorale des emplois publics. Comment suggérez-vous d’y remédier ?
- Ces pratiques ont été soulignées par la Cour des comptes aussi bien dans les départements que dans la région. Nous demandons que les têtes de listes s’engagent à faire un audit sur les méthodes actuelles de recrutement dans la Collectivité territoriale (CTC) et à confier les recrutements à une instance indépendante. Nous pensons qu’il faut le faire.
 
- Selon vous, la Cour des comptes doit sanctionner le manque de transparence dans la gestion de l’argent public. Mais ce n’est pas son rôle ?
- Justement ! C’est pour cela que nous demandons que soient renforcés ses pouvoirs d’investigation pour lui donner la possibilité de sévir en cas de manquements graves. Aujourd’hui, elle constate les manquements et les déplore. Nous aimerions qu’elle aille plus loin La réforme Chaubon, qui a fait coulé beaucoup d’encre, mais n’a abouti à rien du tout, ne demande pas le renforcement des pouvoirs de la Chambre des comptes. Ça ne m’a pas surpris beaucoup !
 
- Votre dernière question concerne les affaires de corruption et les élus qui y sont impliqués. De quoi s’agit-il exactement ?
- Nous demandons aux têtes de liste de s’engager à ne pas mettre sur leur liste des gens condamnés pour faits de corruption et d’exiger, en cours du mandat, la démission d’un de leurs colistiers compromis dans une affaire grave. Cela nous paraît la moindre des choses.
 
- Appliquez-vous ce principe aux personnes mises en examen ?
- A partir du moment où quelqu’un est mis en examen, il est réputé innocent tant qu’il n’est pas condamné. Mais, il pèse, sur lui, un soupçon qui me paraît assez grave pour qu’il reste à la maison en attendant que son procès soit instruit et qu’il soit, éventuellement, blanchi.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.
 

Les huit questions transmises aux élus

1 - Etes-vous prêt à prendre l’engagement qu’aucun des membres de votre liste ne pourra détenir un autre mandat que celui  de conseiller territorial ?
2 - Etes-vous prêt à prendre l’engagement, ainsi que chacun des membres de votre liste, qu’aucun d’entre vous ne briguera et n’effectuera plus de deux mandats  territoriaux consécutifs ?
3 - Etes-vous prêt, si vous êtes en situation de constituer l’exécutif de la CTC, à faire voter un crédit pour que votre opposition puisse choisir librement, et rémunérer, les experts indépendants qui lui permettront d’éclairer son vote ?
4 - Etes-vous prêt, dès la prochaine mandature, à demander que soit effectué un audit des procédures de recrutement, et d’une manière générale les pratiques de gestion des ressources humaines de la CTC et des offices et agences qui en dépendent ? Etes-vous disposé, si votre groupe  est appelé à participer à l’exécutif, à confier à une instance indépendante incontestable le soin d’opérer les recrutements à la CTC ainsi que dans les offices et les agences?
5 - Etes-vous prêt à demander que soient renforcés les pouvoirs d’investigation de la cour territoriale des comptes et les sanctions qui pourraient être appliquées en cas de constat de manquements graves, ainsi que la mise en place d’une plateforme Open Data qui mettrait à la disposition de tous,  l’ensemble des données concernant la gestion de la CTC et le train de vie de son administration et de ses élus?
6 - Etes-vous prêt à demander à chacun de vos colistiers d’attester  qu’ils n’ont jamais été condamnés pour faits de corruption, de prise illégale d’intérêts ou de détournement de fonds publics ? Etes-vous prêt à exiger la démission de ceux ou celles d’entre vos colistiers qui se verraient  impliqués dans une affaire relevant de l’un de ces délits ?
7 - Etes-vous prêt, si vous êtes lors de la prochaine mandature en situation de pouvoir, à organiser une session extraordinaire sur la situation de notre Île à cet égard, et à esquisser les contours d’une politique qui permette de sensibiliser les instances françaises et européennes à cette  question, afin d’obtenir pour les autorités insulaires les moyens de peser en la matière dans le sens des intérêts du peuple corse et de ceux qu’il accueille en son sein.
8 - Etes-vous prêt à lutter sans faiblesse pour en réduire l’influence, veiller à  que ne puissent accéder aux marchés publics les entreprises ou il serait impliqué, et refuser les accords avec ceux qui, dans la classe politique ne prendraient pas clairement  de distance ?