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L’eau potable à Bonifacio : son usage à travers les siècles raconté aux collégiens


le Lundi 20 Mai 2024 à 17:02

L’eau potable à Bonifacio au fil des siècles : vaste programme. Et loin d’être indigeste s’il s’accompagne d’une visite guidée du patrimoine hydraulique bonifacien. C’est ce qui a été permis durant le printemps par le service patrimoine de la municipalité. Le public visé ? Des élèves de 5e du collège qui travaillent sur la thématique de l’eau au Moyen-Âge. Bonifacio a obtenu, en 2020, le label « Ville d’art et d’histoire » dont l’un des axes de développement est de sensibiliser la population (notamment les scolaires) au patrimoine de la ville.



Trois vendredis matins d'affilée, la municipalité de Bonifacio a proposé une visite guidée de son histoire hydraulique aux collégiens de 5e.
Trois vendredis matins d'affilée, la municipalité de Bonifacio a proposé une visite guidée de son histoire hydraulique aux collégiens de 5e.
Il est neuf heures ce vendredi, une vingtaine de collégiens et leurs professeurs patientent devant l’entrée du Bastion de l’étendard. C’est le dernier jour avant les vacances scolaires et les mines s’illuminent sous un soleil radieux. Mais pas le temps de s’émerveiller bien longtemps devant la vue époustouflante offerte par le panorama. Baptiste Disimone, assistant de direction du service patrimoine de la ville, embarque le groupe dans l’obscurité, direction le sous-sol du Bastion. 

La thématique du jour, c’est l’eau. Et l’idée est de faire comprendre aux collégiens comment leurs ancêtres partaient à sa conquête. « Avant, les Bonifaciens allaient jusqu’à Saint-Julien (un quartier de la ville) chercher de l’eau de source. Il y en avait pour plusieurs heures de marche. » Mais au Moyen-Âge, vers le XIIe ou XIIIe siècle, ils prennent conscience de la nécessité de construire des citernes pour récupérer les eaux de pluie, pas vraiment abondantes à Bonifacio. Et c’est dans l’une d’elles que Baptiste Disimone a conduit les collégiens : « Avant, il y avait énormément de citernes. Jusqu’à 3 millions de litres d’eau pouvaient être stockées », leur a-t-il expliqué dans la citerne située en sous-sol du Bastion, qui existait même avant le Bastion.

Dans une ancienne citerne bonifacienne.
Dans une ancienne citerne bonifacienne.
Dans une autre citerne, la plus grande, on aperçoit quatre conduites qui acheminaient les eaux de pluie, lesquelles circulaient par un réseau d’arches aériennes faisant office de gouttières. Cette citerne, située non loin de l’église Sainte-Marie Majeure, était réservée à la population, quand d’autres l’étaient aux militaires. « Elle permettait de donner 3,5 litres d’eau par jour et par personne, précise le guide bonifacien. Ce n’était pas énorme, mais à l’époque les gens s’en contentaient. » Les citernes étaient encore plus précieuses en cas de siège, et Bonifacio en a connu deux, sous domination génoise : le siège du roi d’Aragon en 1420 et le siège franco-turc en 1553.

Un peu de sport sur l'escalier du Roy d'Aragon

Retour au grand jour. C’est l’heure de la partie sportive de la visite : la descente des 189 marches de l’escalier du Roy d’Aragon. Et de leur remontée, surtout : « Il n’y a pas un ascenseur ? » sourit un collégien. Baptiste Disimone ne s’est pas improvisé professeur de sport : pour approcher le puits Saint-Barthélémy, il convient de descendre tout en bas de la falaise. On ne verra néanmoins pas le puits, situé encore un peu plus à l’ouest. « Il est fermé au public, car dangereux d’accès, s’en explique le guide. Il appartient à la Collectivité de Corse. » Le puits Saint-Barthélémy a permis de puiser la seule source d’eau potable de la ville fortifiée : « Quand il pleuvait sur le plateau de Bonifacio, l’eau s’écoulait à travers une faille. » Ainsi, soixante mètres en contrebas, une nappe d’eau douce saumâtre sommeillait à l’abri d’une grotte. Mais sa localisation périlleuse a longtemps dissuadé les Bonifaciens de l’exploiter. Ce sont les militaires français qui ont foré le puits pour la première fois en 1856. Pour installer la pompe à eau, ils ont construit un escalier en colimaçon de 330 marches. Et pour puiser l’eau, ils faisaient travailler… un âne : « Il tournait en arc de cercle, les yeux bandés, pour activer le mécanisme. Et il puisait l’eau par sa seule force. » Ces petites histoires dans la grande, Bonifacio n’en manque pas. Du fait de son sol calcaire, la Cité des falaises a connu quelques difficultés pour la capter. En effet, « le calcaire, ça s’effrite », note Baptiste Disimone.

Les collégiens, eux, ont les qualités et les défauts de leur âge : un temps curieux, un temps distraits. « La plupart retienne. Ca leur plaît », croit deviner leur prof d’histoire-géo, Vincent Lovichi. « Et ça leur fait une sortie, ils sont contents. » Jade, notamment. La collégienne habite Pianottoli, mais elle n’était jamais venue en haute-ville de Bonifacio jusqu’à ce vendredi. « On a vu comment ça fonctionnait Bonifacio avant », apprécie-t-elle avec sa copine Noémie. Elles ne quitteraient néanmoins pour rien au monde leur confort du XXIe siècle ! Et le progrès hydraulique bonifacien n’appartient pas qu’à l’histoire. Un projet est en marche, avec la construction d’une usine de potabilisation de l’eau. Le chantier touche à sa fin, la mise en service est espérée pour le mois de juin.