Photo Michel Luccioni
« Depuis quelque temps, les habitants de certaines zones ou de certains sites touristiques internationalement connus, et donc fortement fréquentés, manifestent leur irritation de ce qu'ils considèrent comme une dégradation de leurs conditions de vie. Parallèlement, chez nous, se développent des polémiques sur l'occupation du domaine public et des inquiétudes sur les conséquences du tourisme.
Remarquons d'abord que les lieux, qui ont provoqué les réactions les plus virulentes, sont ceux où l'afflux touristique est véritablement impressionnant. Ainsi, chaque année le centre-ville de Venise reçoit 25 millions de visiteurs et voit défiler 900 navires de croisière sur un territoire d'une densité de 650 hab/km2, tandis que les Baléares accueillent 1,6 million de touristes sur moins 5000 km2 avec une densité de population de 223 hab /km2 (ce qui accentue les problèmes d'occupation). Et on pourrait allonger la liste des exemples en Méditerranée (Santorin ou Cinque terre par exemple) ou dans divers sites historiques mondiaux.
Quand on sait que la Corse reçoit un peu plus de 3 millions de visiteurs (dont une partie appartiennent à la "diaspora") sur 8800 km2 avec une densité de 38 hab/km2, on admettra, si on veut être honnête, que les problèmes liés à la fréquentation touristique ne s'y posent pas dans les mêmes termes et avec la même gravité. Mais si on veut rester honnête, on ne peut, non plus, occulter la réalité des problèmes que pose le tourisme dans l'île. D'abord parce qu'on peut, un jour, se trouver dans une situation comparable à celle dans laquelle se trouvent aujourd'hui les régions ou sites donnés en exemple plus haut, et qu'il est donc préférable d'anticiper les évolutions pour essayer de les contrôler. Il ne suffit pas de le dire, il faut, pour le faire, avoir une vue précise des problèmes de manière à chercher les solutions concrètes et praticables qui permettront de les résoudre et, surtout, d'éviter leur aggravation.
Les chiffres cités montrent que, globalement, la Corse est loin de la saturation. Du moins en théorie car, si on y regarde de plus près, on constate que les choses sont moins simples. On a bien une superficie de 8800 km2 mais avec un intérieur qui, actuellement, n'est guère fréquenté (les randonneurs du GR20 ne représentent pas grand chose relativement). Peut-on espérer changer cet état de fait ? A mon avis c'est très improbable à court terme compte tenu de l'image associée à la Corse (la mer), à la modestie de l'altitude des sites exploitables pour attirer des amateurs de séjour à la montagne (comparé aux Alpes ou aux Pyrénées), et à l'absence d'infrastructures minimales pour concurrencer les zones continentales de semi-montagne (je pense à l'Ardèche : 16 millions de nuitées et 2,5 millions de touristes sur 5000 km2 et la même population que la Corse).
Par conséquent l'essentiel du tourisme se concentre, en Corse, sur le littoral. D'où une fréquentation élevée sur des surfaces relativement réduites ; et d'autant plus réduites que cette fréquentation est concentrée dans le Sud-Est et le Nord-Ouest (où on n'est pas loin d'avoir atteint la saturation, en admettant qu'on ne l'ait pas dépassée), ainsi que, dans une moindre mesure, sur la rive Sud du golfe d'Ajaccio. Ailleurs, on ne se bouscule pas (Plaine orientale, côte Ouest au Nord d'Ajaccio) quand ce n'est pas le quasi désert (de Sartène à Bonifacio, mais la nature très rocheuse de la côte y est pour beaucoup même s'il existe un potentiel inexploité).
Remarquons d'abord que les lieux, qui ont provoqué les réactions les plus virulentes, sont ceux où l'afflux touristique est véritablement impressionnant. Ainsi, chaque année le centre-ville de Venise reçoit 25 millions de visiteurs et voit défiler 900 navires de croisière sur un territoire d'une densité de 650 hab/km2, tandis que les Baléares accueillent 1,6 million de touristes sur moins 5000 km2 avec une densité de population de 223 hab /km2 (ce qui accentue les problèmes d'occupation). Et on pourrait allonger la liste des exemples en Méditerranée (Santorin ou Cinque terre par exemple) ou dans divers sites historiques mondiaux.
Quand on sait que la Corse reçoit un peu plus de 3 millions de visiteurs (dont une partie appartiennent à la "diaspora") sur 8800 km2 avec une densité de 38 hab/km2, on admettra, si on veut être honnête, que les problèmes liés à la fréquentation touristique ne s'y posent pas dans les mêmes termes et avec la même gravité. Mais si on veut rester honnête, on ne peut, non plus, occulter la réalité des problèmes que pose le tourisme dans l'île. D'abord parce qu'on peut, un jour, se trouver dans une situation comparable à celle dans laquelle se trouvent aujourd'hui les régions ou sites donnés en exemple plus haut, et qu'il est donc préférable d'anticiper les évolutions pour essayer de les contrôler. Il ne suffit pas de le dire, il faut, pour le faire, avoir une vue précise des problèmes de manière à chercher les solutions concrètes et praticables qui permettront de les résoudre et, surtout, d'éviter leur aggravation.
Les chiffres cités montrent que, globalement, la Corse est loin de la saturation. Du moins en théorie car, si on y regarde de plus près, on constate que les choses sont moins simples. On a bien une superficie de 8800 km2 mais avec un intérieur qui, actuellement, n'est guère fréquenté (les randonneurs du GR20 ne représentent pas grand chose relativement). Peut-on espérer changer cet état de fait ? A mon avis c'est très improbable à court terme compte tenu de l'image associée à la Corse (la mer), à la modestie de l'altitude des sites exploitables pour attirer des amateurs de séjour à la montagne (comparé aux Alpes ou aux Pyrénées), et à l'absence d'infrastructures minimales pour concurrencer les zones continentales de semi-montagne (je pense à l'Ardèche : 16 millions de nuitées et 2,5 millions de touristes sur 5000 km2 et la même population que la Corse).
Par conséquent l'essentiel du tourisme se concentre, en Corse, sur le littoral. D'où une fréquentation élevée sur des surfaces relativement réduites ; et d'autant plus réduites que cette fréquentation est concentrée dans le Sud-Est et le Nord-Ouest (où on n'est pas loin d'avoir atteint la saturation, en admettant qu'on ne l'ait pas dépassée), ainsi que, dans une moindre mesure, sur la rive Sud du golfe d'Ajaccio. Ailleurs, on ne se bouscule pas (Plaine orientale, côte Ouest au Nord d'Ajaccio) quand ce n'est pas le quasi désert (de Sartène à Bonifacio, mais la nature très rocheuse de la côte y est pour beaucoup même s'il existe un potentiel inexploité).
Compte tenu de l'importance que revêt le tourisme au plan économique, il me paraît hors de propos de chercher comment réduire la fréquentation touristique. Contrairement à certaines affirmations, le tourisme ne profite pas seulement à une minorité sauf à oublier ses retombées. Sinon que dire de l'agriculture ou de l'artisanat ? La meilleure preuve de l'importance économique du tourisme est donnée par les conséquences qui ont été ressenties les années qui ont suivi une mauvaise saison : par un effet de domino, c'est tout ou une très grande partie de l'économie qui en a pâti. Ce qui est facile à comprendre puisque le tourisme génère des entrées d'argent qui, ensuite, circule.
Bien sûr, il serait préférable d'avoir une économie reposant sur une agriculture dynamique et fortement exportatrice, et une industrie évidemment propre et si possible numérique, elle aussi pourvoyeuse de devises. Et il faut s'efforcer de développer ces secteurs, à condition de prendre les dispositions pour les encourager et, s'agissant de l'industrie, en cherchant à attirer acteurs et capitaux au lieu de tout faire pour les décourager (statut de résident et "coofficialité" entre autres) : tout le contraire du PADDUC malthusien qui nous sert de boussole, et de l'état d'esprit xénophobe qui anime certains. Mais il faut viser un rééquilibrage de l'économie en diminuant la part relative du tourisme grâce au développement des autres activités et non par une baisse de l'activité touristique synonyme d'appauvrissement de l'île dans l'immédiat.
On s'est gaussé de l'évolution du discours et des comportements des responsables nationalistes sur le tourisme et, en particulier, du rôle éminent joué par des militants, voire des élus territoriaux indépendantistes, à la tête des "paillotiers". C'est évidemment de bonne guerre dans la mesure où, lorsqu'ils étaient dans l'opposition, les Nationalistes ont multiplié les attaques contre ce secteur d'activité. Et qu'ils n'ont pas hésité, pour les affaiblir, à expliquer les positions des présidents de droite (de l'exécutif et de l'assemblée) sur le développement économique par des intérêts financiers supposés. Que les mêmes soupçons visent certains d'entre eux est sans doute explicable : on s'amuse toujours de l'arroseur arrosé.
Mais je ne crois pas, dans ce domaine comme dans d'autres, aux vertus de la mauvaise foi - malgré les nombreux exemples qui ont montré qu'elle n'empêche pas, voire qu'elle favorise, les carrières politiques - car je ne pense pas que la démocratie en sorte renforcée. Il était, certes, réjouissant de voir Jean-Guy Talamoni, encadré de deux éminents acteurs du tourisme comme représentants du monde économique, lorsqu'il a fait connaître, en sa qualité de président de l'Assemblée de Corse, son projet de statut fiscal et social réduisant fortement les prélèvements et accentuant ainsi la dépendance financière de l'île par rapport au "pays ami" (Talamoni pense sans doute, comme Jaurès à propos du patriotisme, qu'un peu de dépendance éloigne de l'indépendance et beaucoup en rapproche ...).
Mais que les dirigeants nationalistes aient appris à composer avec la réalité économique ne saurait être une mauvaise nouvelle. Après tout, en politique, comme dans d'autres domaines, on ne retrouve jamais sa virginité perdue. Bien des "has been" l'ont expérimenté. Et il sera sans doute difficile aux dirigeants nationalistes de revenir à des postures dictées, soit par l'ignorance, soit par la démagogie (voir également le problème des déchets).
L'objectif, à court terme, me paraît donc être d'essayer de contenir l'expansion touristique du Sud-Est et du Nord-Ouest de l'île : ce n'est certainement pas facile mais il faut le vouloir (déjà en réduisant, dans les PLU, les zones constructibles à la seule occupation permanente dans les communes saturées ou au bord de la saturation, sans qu'il soit besoin d'attendre un inutile et néfaste statut de résident). Cela dirigera vers les zones moins fréquentées les nouvelles infrastructures, en veillant, malgré tout, à éviter de tomber dans des excès.
Quant au problème de l'occupation du domaine public, on doit le traiter, à mon avis, d'une manière raisonnable sans en faire une obsession, comme Bernard Bonnet - qu'on avait pourtant brutalement vilipendé même quand il avait essayé de faire ce que l'on demandait.
Là encore, le culte de la loi - tout de même étonnant de la part de ceux qui ne cessent de demander qu'elle soit changée dans les autres domaines - est, comme tous les cultes, irrationnel. Non seulement (je l'ai montré) la loi littoral doit être réservée au seul littoral - espace proche des rivages - et non pas s'étendre loin dans l'intérieur, mais elle ne doit pas servir à empêcher systématiquement toute activité.
Sauf à être malhonnête ou à n'avoir jamais mis les pieds sur une plage, on doit reconnaître qu'il y a des activités commerciales qui répondent à des besoins ou au moins à des désirs : boire et/ou manger à proximité de la mer. Et qu'il est possible de permettre de donner satisfaction à ces besoins ou désirs sans nécessairement tomber dans des excès délirants.
Là encore, il faut être raisonnables en accordant les autorisations d'occupation adaptées à la demande sans créer un droit ad vitam aeternam ni permettre une privatisation du sable dont on voit que, très souvent, elle excède largement les besoins quand elle ne revêt pas un caractère scandaleux.
Finalement, dans un sens comme dans l'autre, u troppu stroppia, comme l'avaient compris quelques philosophes qui vivaient à l'Est de la Méditerranée il y a, au moins, 2300 ans ».
Bien sûr, il serait préférable d'avoir une économie reposant sur une agriculture dynamique et fortement exportatrice, et une industrie évidemment propre et si possible numérique, elle aussi pourvoyeuse de devises. Et il faut s'efforcer de développer ces secteurs, à condition de prendre les dispositions pour les encourager et, s'agissant de l'industrie, en cherchant à attirer acteurs et capitaux au lieu de tout faire pour les décourager (statut de résident et "coofficialité" entre autres) : tout le contraire du PADDUC malthusien qui nous sert de boussole, et de l'état d'esprit xénophobe qui anime certains. Mais il faut viser un rééquilibrage de l'économie en diminuant la part relative du tourisme grâce au développement des autres activités et non par une baisse de l'activité touristique synonyme d'appauvrissement de l'île dans l'immédiat.
On s'est gaussé de l'évolution du discours et des comportements des responsables nationalistes sur le tourisme et, en particulier, du rôle éminent joué par des militants, voire des élus territoriaux indépendantistes, à la tête des "paillotiers". C'est évidemment de bonne guerre dans la mesure où, lorsqu'ils étaient dans l'opposition, les Nationalistes ont multiplié les attaques contre ce secteur d'activité. Et qu'ils n'ont pas hésité, pour les affaiblir, à expliquer les positions des présidents de droite (de l'exécutif et de l'assemblée) sur le développement économique par des intérêts financiers supposés. Que les mêmes soupçons visent certains d'entre eux est sans doute explicable : on s'amuse toujours de l'arroseur arrosé.
Mais je ne crois pas, dans ce domaine comme dans d'autres, aux vertus de la mauvaise foi - malgré les nombreux exemples qui ont montré qu'elle n'empêche pas, voire qu'elle favorise, les carrières politiques - car je ne pense pas que la démocratie en sorte renforcée. Il était, certes, réjouissant de voir Jean-Guy Talamoni, encadré de deux éminents acteurs du tourisme comme représentants du monde économique, lorsqu'il a fait connaître, en sa qualité de président de l'Assemblée de Corse, son projet de statut fiscal et social réduisant fortement les prélèvements et accentuant ainsi la dépendance financière de l'île par rapport au "pays ami" (Talamoni pense sans doute, comme Jaurès à propos du patriotisme, qu'un peu de dépendance éloigne de l'indépendance et beaucoup en rapproche ...).
Mais que les dirigeants nationalistes aient appris à composer avec la réalité économique ne saurait être une mauvaise nouvelle. Après tout, en politique, comme dans d'autres domaines, on ne retrouve jamais sa virginité perdue. Bien des "has been" l'ont expérimenté. Et il sera sans doute difficile aux dirigeants nationalistes de revenir à des postures dictées, soit par l'ignorance, soit par la démagogie (voir également le problème des déchets).
L'objectif, à court terme, me paraît donc être d'essayer de contenir l'expansion touristique du Sud-Est et du Nord-Ouest de l'île : ce n'est certainement pas facile mais il faut le vouloir (déjà en réduisant, dans les PLU, les zones constructibles à la seule occupation permanente dans les communes saturées ou au bord de la saturation, sans qu'il soit besoin d'attendre un inutile et néfaste statut de résident). Cela dirigera vers les zones moins fréquentées les nouvelles infrastructures, en veillant, malgré tout, à éviter de tomber dans des excès.
Quant au problème de l'occupation du domaine public, on doit le traiter, à mon avis, d'une manière raisonnable sans en faire une obsession, comme Bernard Bonnet - qu'on avait pourtant brutalement vilipendé même quand il avait essayé de faire ce que l'on demandait.
Là encore, le culte de la loi - tout de même étonnant de la part de ceux qui ne cessent de demander qu'elle soit changée dans les autres domaines - est, comme tous les cultes, irrationnel. Non seulement (je l'ai montré) la loi littoral doit être réservée au seul littoral - espace proche des rivages - et non pas s'étendre loin dans l'intérieur, mais elle ne doit pas servir à empêcher systématiquement toute activité.
Sauf à être malhonnête ou à n'avoir jamais mis les pieds sur une plage, on doit reconnaître qu'il y a des activités commerciales qui répondent à des besoins ou au moins à des désirs : boire et/ou manger à proximité de la mer. Et qu'il est possible de permettre de donner satisfaction à ces besoins ou désirs sans nécessairement tomber dans des excès délirants.
Là encore, il faut être raisonnables en accordant les autorisations d'occupation adaptées à la demande sans créer un droit ad vitam aeternam ni permettre une privatisation du sable dont on voit que, très souvent, elle excède largement les besoins quand elle ne revêt pas un caractère scandaleux.
Finalement, dans un sens comme dans l'autre, u troppu stroppia, comme l'avaient compris quelques philosophes qui vivaient à l'Est de la Méditerranée il y a, au moins, 2300 ans ».