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INTERVIEW - Stéphane Sbraggia : "je suis dans un passage de relais"


Julia Sereni le Mardi 12 Juillet 2022 à 18:05

Depuis le 9 juillet dernier, Stéphane Sbraggia est le nouveau maire d’Ajaccio. L’ancien premier adjoint s’inscrit résolument dans la continuité de Laurent Marcangeli, auquel il succède. Homme de dossiers, Stéphane Sbraggia est néanmoins conscient qu’il est attendu au tournant politique, et qu’il devra imprimer sa marque dans la cité impériale.



Stephane Sbraggia. Photo Michel Luccioni
Stephane Sbraggia. Photo Michel Luccioni
- Passée l’émotion de l’élection, devenir maire n’est-ce pas une lourde charge qui pèse désormais sur vos épaules ?
- Je conserve le même enthousiasme que lorsque j’étais premier adjoint. Je n’ai jamais eu un sentiment de regret, j’ai toujours eu plaisir à travailler à la mairie. Malgré l'activité importante, cela a été une source continuelle d’énergie positive. Ce sentiment d’avoir une certaine utilité dans la ville dans laquelle on est né, on travaille, on a fondé sa famille, c’est le luxe absolu. Pour moi, cela a toujours été un privilège, et c’est encore plus fort en tant que maire. Donc, au contraire d’être une charge, cela me donne de l’énergie.
 
- C’est un privilège mais ce n’était pas un rêve ou un but politique comme cela pouvait l’être pour Laurent Marcangeli. Comment appréhende t-on la fonction dans ce contexte ?
- Il y a une antériorité. Mes débuts politiques datent de l’élection municipale de 2008. Après une fusion de liste, seuls quatre élus ont intégré le conseil municipal dans l’opposition, j’étais le cinquième, je n’en faisais donc pas partie. Puis, suite à une démission, j’ai intégré l’opposition et j’ai rencontré Laurent, qui lui, était vraiment dans la politique. Je me suis investi par goût pour la chose publique, puis je me suis intéressé aux finances publiques parce que personne n’en voulait, ce qui m’a permis d’être exposé quand je donnais la contradiction à la majorité de l’époque. Après, Laurent m’a proposé d’être sur sa liste, et premier adjoint, ce qui, d’ailleurs, était une surprise. Cette charge, pendant un mandat fondateur, a été lourde, d’autant que Laurent Marcangeli a été député pendant la première partie. J’étais maire deux fois par semaine, donc j’avais déjà « testé » la fonction, même si, bien sûr, c’est totalement différent. Ceci dit, à cette époque cela aurait été prématuré de m’envisager en tant que maire. Mais quand il a été question que Laurent Marcangeli soit appelé à d’autres fonctions et frappé par le non-cumul des mandats, il est vrai que consciemment ou inconsciemment, l’idée que je puisse devenir maire a été évoquée. Et elle a fait son chemin.
 
- Ne pas s’être présenté directement devant les Ajacciens, n’est-ce-pas un handicap dans la gouvernance, voire la légitimité ?
- Je ne me suis pas posé la question, je suis dans un passage de relais. Nous avions tellement un fonctionnement fusionnel avec Laurent Marcangeli, que, pour moi, c’est une suite logique. Quand on me demande ce qui va changer, je réponds : « Rien, à part les personnages ! ». Je suis dépositaire d’un mandat qui a commencé en 2020, je ne vais pas tout changer. Après, il peut y avoir des nuances dans la façon d’animer, la gouvernance administrative, politique. J’apporterai mon impulsion avec ma culture du privé, du manager. C’est une question de pilotage, de style, mais je suis vraiment dans une optique de transition.
 
- Homme de dossiers, vous allez désormais être davantage attendu sur la dimension politique…
- Attention, Laurent Marcangeli travaillait aussi ses dossiers ! Il est vrai que nous avions une répartition, mais je n’étais pas non plus enfermé dans la bibliothèque municipale matin, midi, soir (rires) ! Cela dit, j’ai réparti au sein de l’équipe certaines compétences, car j’entends animer un groupe politique. Je veux développer un esprit de domaines partagés. Après, je dois aussi faire évoluer ma personnalité au regard de ce que j’étais, c’est un autre rôle, et j’en ai pleinement conscience. Je suis enthousiaste parce que cela va me permettre de voir les choses différemment. 
 
- Une partie de l’opposition n’était pas présente lors de votre élection. Est-ce de mauvais augure pour la suite des évènements ?
- Cela me laisse complètement indifférent. Je trouve que c’est regrettable de manquer autant de respect à une institution qu’on prétend défendre. Surtout que c’est moment de démocratie traditionnel, transparent. Cela n’a aucun sens pour moi, ni aucun intérêt. Ni de le relever, ni de le commenter. 
 
- Alexandre Farina est désormais le premier adjoint. Pourquoi ce choix et comment le nouveau duo va-t-il fonctionner ?
- C’est un choix personnel, fait sur la base de deux critères. D’abord, un critère objectif : c’est un travailleur, un garçon intelligent, qui a un vrai goût de la chose publique et surtout un amour sans bornes pour sa ville. Il a pour lui la jeunesse, et ce qui est bien quand on jeune, c’est qu’il y a toujours une marge de progression. Quand j’entends les remarques sur le manque d’expérience, pour moi, ce sont de faux débats. Quand je lui ai proposé ce poste, j’ai vu dans ses yeux quelque chose qui m’a plu. Et je me suis dit que j’avais eu raison. Et puis, par ailleurs, je l’aime bien. Comme nous sommes amenés à nous fréquenter régulièrement, c’est important. Ça ne va pas me déplaire de le voir tous les jours, et je trouve qu’il y a une belle complémentarité dans nos personnalités. Ça « matche », comme on dit. Ce n’est pas le tandem « Marcangeli-Sbraggia », il a fallu repenser un modèle, mais dans la continuité.
 
- La feuille de route reste la même ? Quels sont les grands chantiers ?
- Pour prendre les trois grands ensembles, il y a d’abord la citadelle. Nous avons lancé une procédure d’activation, qui est une manière de tester grandeur nature nos projets, tout en l’ouvrant aux Ajacciens. Ce quartier se fait aussi au regard de l’existant, c’est-à-dire la ville génoise, qui va faire l’objet d’une opération de piétonnisation. À côté, il y a la requalification de la place du Diamant avec l’extension du parking. Ensuite, il y a le déplacement de l’hôpital avec la création d’un éco-quartier, l’idée étant de reconnecter cet espace urbain au centre-ville, avec un équipement type funiculaire et un stationnement relais sur la Miséricorde. Enfin, il y a le Finosello avec la création d’un équipement culturel de haute tenue : le futur conservatoire Henri Tomasi. Ce sont donc trois friches urbaines inédites qui nous permettent de remodéliser la ville et d’apporter des corrections en termes de mobilité, d’aménagement d’espaces publics, de logement. La cible, c’est favoriser les conditions de retour des Ajacciens vers le centre-ville, parce que pendant des années la ville s’est appauvrie de sa population. C’est cela l’objectif « Ajaccio 2030 ».
 
- Comment faire adhérer les Ajacciens à ce projet ?
- Déjà, il faut être opérationnel et crédible dans les réponses du quotidien, la propreté urbaine, les questions d’incivilité, les travaux de voirie… C’est pourquoi la question de la proximité est fondamentale, parce qu’elle permet d‘être pertinent dans les réponses aux attentes de la population. Il faut être très opérationnel sur ce sujet, parce que sinon les Ajacciens n’adhèrent pas au projet. La crise sanitaire nous a fait interrompre un certain nombre de choses, nous n’avons pas pu suffisamment aller dans les quartiers pour confronter l’action municipale à la réalité des attentes des citoyens. Or, c’est très important, sinon, on travaille pour soi et on est déconnecté. Nous allons donc mettre en place un système de référents par quartier pour accentuer cette proximité et faire admettre notre politique des grands chantiers pour la ville. 
 
- Enfin, le maire d’Ajaccio sera t-il aussi président de la CAPA ?
- Ce que je peux vous dire, c’est que le maire d’Ajaccio sera candidat (ndlr : l’élection a lieu samedi 16 juillet). Là encore, il n’est pas question de changer un pacte communautaire qui a toujours existé et qui a fait que la ville qui représente 84% de la population et des ressources assure la présidence de la CAPA. Je ne vois pas en quoi ma désignation en tant que maire aurait été de nature à remettre en question ce pacte communautaire. Mais, bien entendu, je respecte l’institution et je ne présage pas du résultat des votes. 

Photo Michel Luccioni
Photo Michel Luccioni