Corse Net Infos - Pure player corse

INTERVIEW. Clara-Maria Laredo, la révélation d'A son image de Thierry de Peretti


Cécile Orsoni le Vendredi 31 Mai 2024 à 08:22

Clara-Maria Laredo, 20 ans, est l’une des révélations du film À son image, réalisé par Thierry de Peretti. Elle y incarne Antonia, une jeune photographe corse qui évolue en plein cœur des événements politiques qui vont secouer l’île, des années 1980 aux années 2000. Alors que le long-métrage vient d’être projeté à Cannes, rencontre avec une comédienne talentueuse et engagée.



Crédit photo Mona Favoreu
Crédit photo Mona Favoreu
- Pouvez-vous vous présenter en quelques mots…
- Je m’appelle Clara-Maria Laredo, j’ai 20 ans, je suis née à Bastia et j’ai grandi à Ajaccio. Je suis étudiante en Sciences politiques à l’Université de Bruxelles. Quand je suis arrivée à Bruxelles, après le bac, j'ai effectué un stage avec le député François Alfonsi au Parlement européen en tant qu’assistante parlementaire. J’ai également commencé à écrire pour le journal Arritti. Un jour, j’ai écrit un article sur le film de Thierry de Peretti, « Enquête sur un Scandale d’état ». Trois mois plus tard, un ami me dit que le réalisateur fait un casting pour son prochain film. Il me lance un pari : « chiche, tu le fais. » Je m’inscris.

- Comment en êtes-vous arrivée à jouer le premier rôle dans le film "À son Image" ?
- Tout commence par des tours de casting à l’été 2022, guidés par Julie Allione. Elle commence par nous poser des questions politiques, c’est ça qui m’attrape. Je trouve cela intéressant, sociologiquement parlant, de côtoyer des jeunes Corses qui parlent de politique. Au fur et à mesure, je me retrouve à improviser et à jouer avec des comédiens comme Paul Garatte. On passe ensuite une semaine, avec toute la bande de futurs comédiens, à Olmi Cappella. Je me rends compte que j’aime ça. J’explore des sujets intéressants et je rencontre des gens avec qui j’ai envie de passer du temps, donc je continue le processus… Mais je ne pense jamais au fait de décrocher le premier rôle. On passe une dernière semaine à Olmi Cappella en novembre 2022. Je venais de participer au congrès de Régions et Peuples Solidaires, donc ça me changeait d’ambiance... On apprend que notre bande est sélectionnée pour le film, mais on ne sait pas qui va jouer quoi. À l’issue de la dernière session à Olmi Cappella, Thierry de Peretti m’appelle alors que je suis à Bruxelles, et il me propose le rôle.

- Parlez-nous de votre personnage et de son histoire…
- Antonia est une photographe qui évolue au travers des années romantiques et des années de plomb, et qui va être liée avec de nombreux acteurs de cette époque. Avant d’être amoureuse de quiconque, elle est avant tout guidée par quelque chose qui la dépasse, par une quête de la vérité en tant que concept. C’est cette quête qui la fait aimer et comprendre le personnage de Pascal. Quant au personnage de Simon, je ne sais pas exactement ce qu’elle ressent pour lui... au début, elle veut dresser entre elle et Pascal ce qu’elle nomme un mur infranchissable. Je pense que Simon, c’est avant tout son ami… mais elle ne se prend pas la tête sur ces questions-là. Elle est davantage préoccupée par les questions éthiques et politiques. Je me suis rapidement attachée à ce personnage, je la trouvais particulière. Certaines de ses réflexions pouvaient résonner avec les miennes, notamment sur ce qui la guide, sur ce qu’elle envisage. Je me sentais liée à elle dans son rapport au monde. J’aimais aussi la photo, et quand j’ai lu le livre de Jérome Ferrari, je me suis dit il y avait bien des histoires dans lesquelles je me retrouvais… De base, je ne savais pas ce que ça voulait dire « interpréter. » Pour moi, c’était une chose relative, subjective. Je ne pensais pas que l’interprétation pouvait s’inscrire dans le réel, je n’envisageais pas l’envergure de la chose. C’était une aventure, je ne savais pas ce qui m’attendait lorsque je me suis lancée. Je ne regrette rien !

- Comment avez-vous travaillé ce rôle d'Antonia ?
- À la suite des castings, j’ai suivi plusieurs formations. D’abord, j’ai commencé par prendre des photos en autodidacte, j’ai couvert des manifestations à Bruxelles. J’ai regardé des documentaires sur des photographes comme Nan Goldin et Letizia Battaglia. J’ai suivi une formation de photo à l’institut Agnes Varda à Bruxelles. J’ai fait un stage chez Corse-Matin en décembre 2022. J’ai été suivie par la photographe Elise Pinelli à l’été 2023. J’ai aussi eu à me documenter sur l’histoire de la Corse en profondeur, tout comme celle de la Yougoslavie.

Du point de vue de l’acting, Thierry nous a fait travailler en improvisation, puis il a écrit des scènes à partir de cela. Je pense qu’il voulait nous laisser une certaine liberté, une fois que l’on s’était documentés. La façon de travailler de Julie Allione et de Thierry de Peretti a facilité la naissance d’une relation d’amitié entre tous les comédiens. Quand on vit une expérience tellement intense, c’est au-delà d’une bande d’amis.

- Vous êtes donc engagée en politique. Quel regard portez-vous sur la jeunesse insulaire et sur l’avenir de la Corse ?
- Je suis nationaliste corse. Je ne me rattache pas nécessairement à un parti. J’ai été élevée par mon père, un militant de la première heure, qui est le premier élu nationaliste et écologiste de l’Assemblée de Corse. Je m’inscris dans sa lignée. Sur la jeunesse insulaire, je porte un regard plein d’espoir. Je pense que l’on a une jeunesse qui est riche culturellement et qui nous le prouve fréquemment. En Corse, la culture se développe de plus en plus et je trouve cela merveilleux. D’un point de vue militant, je trouve que c’est une jeunesse très engagée si on la compare à celle du continent. Pour ce qui est de l’avenir de la Corse, j’espère que les engagements qui ont été pris en mars dernier seront tenus, c’est un point de passage important dans l’histoire de l’île.

- Racontez-nous votre expérience à Cannes… Comment avez-vous vécu cette effusion ?
- C’est assez impressionnant. Le film a été très bien reçu, c’était très fort. Il y avait une délégation de l’Assemblée de Corse, avec Antonia Luciani, François Martinetti, des amis avec qui j’ai milité… c’était important que le film leur plaise, au même titre que la presse nationale. Il y avait aussi ma mère et mon frère, ils ont pu découvrir le film dans une salle avec une qualité de son et d’image exceptionnelle. On voit le film autrement quand on le voit avec ses proches. Nous sommes restés six jours à Cannes, pour assister à la projection du film de Julien Colonna, « Le Royaume », que l’on ne pouvait pas manquer. C’est très encourageant pour le rayonnement de la Corse. Ce que j’apprécie dans le film de Thierry de Peretti et celui de Julien Colonna, c’est la justesse avec laquelle ils abordent la société corse, mais aussi le fait de regarder cette réalité-là par le prisme d’une jeune femme corse, ce qui n’avait pas été fait jusqu'alors. Ces deux films ont deux toiles de fond différentes : « Le Royaume » de Julien Colonna, c’est la mafia, et « À son image », de Thierry de Peretti, le nationalisme, mais, finalement, les films questionnent tous deux la façon dont la violence et le comportement des uns impacte la vie des autres. Surtout, on regarde l’histoire par les yeux d’une femme, qui elle-même n’est pas objectivée par la caméra, mais qui est en le sujet.

- Pour finir, quels sont vos projets à venir ?
- Je vais passer mes examens en deuxième année de sciences politiques a l’université de Bruxelles. Mon projet numéro 1, c’est de réussir mes examens ! Je vais aussi continuer mon engagement politique, sinon à quoi bon… mais je me suis également rendue compte que j’aimais jouer. Le passage à Cannes a été une expérience fructueuse. Je ne peux pas vous en dire plus, si ce n'est que le film sera projeté à l'échelle nationale le 4 septembre prochain.