Les hélicoptères de la Base de Solenzara sur la pelouse pour évacuer les blessés (Photo Gérard Baldocchi)
Jean-Louis Simeoni, pompier professionnel a toujours aimé travailler les soirs de match à Furiani. « On était toujours une bande de copains dans le dispositif de surveillance du stade, on avait nos habitudes, il y avait une bonne ambiance », se remémore l’homme qui avait 28 ans lors de la catastrophe. Ce soir du 5 mai 1992, le Sporting Club de Bastia accueille l’Olympique de Marseille dans son enceinte, à Armand-Cesari pour la demi-finale de la Coupe de France. Cela fait plusieurs semaines que toute l’île se prépare à accueillir l’équipe de Bernard Tapie. Une tribune a même été érigée pour l’occasion. « C’était comme si Bastia recevait Barcelone, toute la Corse était en bleu et blanc, tout le monde voulait y être, moi j’avais la chance de travailler ce soir-là, d’être près du terrain ».
Lors de cette rencontre environ 12 000 personnes sont attendues soit 4 000 de plus que lors des soirs des matchs de championnat. Jacky Casanova en charge de superviser le dispositif de sécurité en a bien conscience et a tout adapté en conséquence. « Habituellement il y avait 4 à 8 pompiers dans le stade, là il y en avait une quarantaine sur place. On attendait des supporters de l’OM donc il pouvait y avoir des incidents », raconte Jacky Casanova, 40 ans à l’époque. L’homme a disposé une équipe en haut de la nouvelle tribune, à 15 mètres de hauteur. « Je pensais qu’en les mettant en haut ça serait plus simple pour intervenir vers le bas », regrette l’homme maintenant retraité.
Lors de cette rencontre environ 12 000 personnes sont attendues soit 4 000 de plus que lors des soirs des matchs de championnat. Jacky Casanova en charge de superviser le dispositif de sécurité en a bien conscience et a tout adapté en conséquence. « Habituellement il y avait 4 à 8 pompiers dans le stade, là il y en avait une quarantaine sur place. On attendait des supporters de l’OM donc il pouvait y avoir des incidents », raconte Jacky Casanova, 40 ans à l’époque. L’homme a disposé une équipe en haut de la nouvelle tribune, à 15 mètres de hauteur. « Je pensais qu’en les mettant en haut ça serait plus simple pour intervenir vers le bas », regrette l’homme maintenant retraité.
« Un blanc puis il faut agir, on n’a pas le choix »
Il est 20h24, la partie arrière haute de la structure métallique s’effondre avec plusieurs milliers de supporters dessus. A ce moment, Jean-Louis Simeoni est en position au coin Sud-Est du stade. « La tribune est en face de moi et là j’entends un bruit sourd d’un coup, un léger souffle. Pendant l’espace de quelques secondes j’ai un blanc, je me demande ce qu’il se passe. Mais il faut vite réagir. »
A quelques dizaines de mètres de lui, à l’entrée de la tribune Est, Jacky Casanova sent ce même souffle. « Je la revoie encore tomber et j’entends encore le vacarme qui s’ensuit ». Il faut un instant aux deux hommes pour réaliser ce qu’il est en train d’arriver, mais leur instinct de secouriste reprend le dessus.
Jean-Louis Simeoni traverse alors le terrain dans toute sa largeur et se précipite derrière la tribune Nord. « Là c’est le chaos, c’est un gros choc parce qu’on ne s’imagine pas trouver ça. Il y a des gens qui hurlent, qui sont enchevêtrées, des barres de fer... Je me suis dit Mon dieu. Il y a tellement de blessés qu’on ne peut pas tous les secourir. On se sent vite dépassé d’autant plus que des amis, des collègues et notre famille sont dans les décombres », regrette le pompier.
En tant que superviseur du dispositif de secours, Jacky Casanova doit immédiatement réagir. Avec le médecin des pompiers, Daniel Di Giambattista qui se trouve alors en intervention en montagne, ils montent rapidement un poste médical avancé, sur la moitié de la pelouse côté Est, l’autre moitié sert aux hélicoptères qui arrivent de la base de Solenzara pour transporter les blessés vers l’hôpital de Bastia. Rapidement, un centre d’évacuation vers les établissements hospitaliers du continent est constitué à l’aéroport de Poretta où sont transportées les victimes.
Il est 20h24, la partie arrière haute de la structure métallique s’effondre avec plusieurs milliers de supporters dessus. A ce moment, Jean-Louis Simeoni est en position au coin Sud-Est du stade. « La tribune est en face de moi et là j’entends un bruit sourd d’un coup, un léger souffle. Pendant l’espace de quelques secondes j’ai un blanc, je me demande ce qu’il se passe. Mais il faut vite réagir. »
A quelques dizaines de mètres de lui, à l’entrée de la tribune Est, Jacky Casanova sent ce même souffle. « Je la revoie encore tomber et j’entends encore le vacarme qui s’ensuit ». Il faut un instant aux deux hommes pour réaliser ce qu’il est en train d’arriver, mais leur instinct de secouriste reprend le dessus.
Jean-Louis Simeoni traverse alors le terrain dans toute sa largeur et se précipite derrière la tribune Nord. « Là c’est le chaos, c’est un gros choc parce qu’on ne s’imagine pas trouver ça. Il y a des gens qui hurlent, qui sont enchevêtrées, des barres de fer... Je me suis dit Mon dieu. Il y a tellement de blessés qu’on ne peut pas tous les secourir. On se sent vite dépassé d’autant plus que des amis, des collègues et notre famille sont dans les décombres », regrette le pompier.
En tant que superviseur du dispositif de secours, Jacky Casanova doit immédiatement réagir. Avec le médecin des pompiers, Daniel Di Giambattista qui se trouve alors en intervention en montagne, ils montent rapidement un poste médical avancé, sur la moitié de la pelouse côté Est, l’autre moitié sert aux hélicoptères qui arrivent de la base de Solenzara pour transporter les blessés vers l’hôpital de Bastia. Rapidement, un centre d’évacuation vers les établissements hospitaliers du continent est constitué à l’aéroport de Poretta où sont transportées les victimes.
« Comme un coup de pied dans une fourmilière »
Au moment où il a appris la chute de la tribune, Daniel Di Giambattista était dans l’hélicoptère de la sécurité civile pour porter secours à un groupe de 20 randonneurs égarés en tenu légère par une température de 4 degrés. « Quand on m’a appelé en me disant que la tribune s’était effondrée, j’ai immédiatement demandé combien il y avait de blessés, on m’a répondu peut-être une centaine voir 150. Alors j’ai fini rapidement l’évacuation et on s’est dirigé vers le stade. Au fur et à mesure les messages se faisaient de plus en plus alarmants, la tribune s’étant effondrée sur toute sa longueur je savais qu’il y avait beaucoup plus de victimes. »
Formé à la médecine de catastrophe, le médecin âgé de 43 ans au moment des faits, s’est récité à lui-même dans l’hélicoptère ce qu’on lui avait enseigné en cours. « Il y a toujours les mêmes phases, celle de la sidération, de l’improvisation puis de l’organisation et ceux qui ont été sidéré reprennent la main dans la phase de reconstruction », détaille l’homme a présent retraité.
Quand il arrive sur place, une demi-heure après l’effondrement, l’hélicoptère ne peut pas se poser. « La pelouse était noire de monde, c’est comme si on avait donné un coup de pied dans une fourmilière. Nous sommes restés en vol stationnaire. Il était impossible de joindre le directeur du Samu, c’était un désordre indescriptible », poursuit-il.
Il prend alors le parti de ne pas soigner les gens mais plutôt d’avertir les autorités locales et d’organiser les transferts faute de moyens adéquats. « J’ai eu la chance d’être arrivé après la catastrophe donc je n’ai pas subi le phénomène de commotion, d’inhibition et cela a joué dans la manière de gérer les secours ».
Sur le terrain, les spectateurs sont massivement mobilisés pour tenir les perfusions, effectuer les gestes de premier secours. « Chacun y a mis du sien, il y a eu une véritable solidarité cela a beaucoup aidé », se souvient le médecin.
A 5 heures du matin, les victimes ne se trouvaient plus sous les décombres. Pendant plusieurs semaines, les pompiers ont continué à prendre en charge des personnes qui étaient rentrées chez elles avec des fractures, qui ne s’en rendaient compte que deux jours plus tard à cause du traumatisme.
Trente ans plus tard
A la veille des commémorations des 30 ans de la catastrophe de Furiani, Jean-Louis Simeoni, Jacky Casanova et Daniel Di Giambattista ont une pensée émue pour leur collègue décédé alors qu’il se trouvait en poste en haut de la tribune. « Furiani, ce n’est pas comme un accident de la route, la mort nous la côtoyons tous les jours, mais là c’était quelque chose de supérieur. La reconstruction a été difficile, on a perdu un des nôtres, il n’y avait pas de cellule psychologique comme maintenant », lance ému Jean-Louis Simeoni, toujours en poste au centre opérationnel du SIS 2B. La reconstruction, Jacky Casanova peut en parler. Au mois de septembre 1995, celui-ci est tombé dans une lourde dépression pour laquelle il a été soigné pendant un an. « Je la voyais tomber toutes les nuits, je voyais des morts toutes les nuits, je me réveillais en sueur. Cela fait seulement une dizaine d’années que j’ai arrêté de faire des cauchemars et j’arrive à en parler depuis peu, c’est ce qui m’a aidé à me reconstruire. »
Au moment où il a appris la chute de la tribune, Daniel Di Giambattista était dans l’hélicoptère de la sécurité civile pour porter secours à un groupe de 20 randonneurs égarés en tenu légère par une température de 4 degrés. « Quand on m’a appelé en me disant que la tribune s’était effondrée, j’ai immédiatement demandé combien il y avait de blessés, on m’a répondu peut-être une centaine voir 150. Alors j’ai fini rapidement l’évacuation et on s’est dirigé vers le stade. Au fur et à mesure les messages se faisaient de plus en plus alarmants, la tribune s’étant effondrée sur toute sa longueur je savais qu’il y avait beaucoup plus de victimes. »
Formé à la médecine de catastrophe, le médecin âgé de 43 ans au moment des faits, s’est récité à lui-même dans l’hélicoptère ce qu’on lui avait enseigné en cours. « Il y a toujours les mêmes phases, celle de la sidération, de l’improvisation puis de l’organisation et ceux qui ont été sidéré reprennent la main dans la phase de reconstruction », détaille l’homme a présent retraité.
Quand il arrive sur place, une demi-heure après l’effondrement, l’hélicoptère ne peut pas se poser. « La pelouse était noire de monde, c’est comme si on avait donné un coup de pied dans une fourmilière. Nous sommes restés en vol stationnaire. Il était impossible de joindre le directeur du Samu, c’était un désordre indescriptible », poursuit-il.
Il prend alors le parti de ne pas soigner les gens mais plutôt d’avertir les autorités locales et d’organiser les transferts faute de moyens adéquats. « J’ai eu la chance d’être arrivé après la catastrophe donc je n’ai pas subi le phénomène de commotion, d’inhibition et cela a joué dans la manière de gérer les secours ».
Sur le terrain, les spectateurs sont massivement mobilisés pour tenir les perfusions, effectuer les gestes de premier secours. « Chacun y a mis du sien, il y a eu une véritable solidarité cela a beaucoup aidé », se souvient le médecin.
A 5 heures du matin, les victimes ne se trouvaient plus sous les décombres. Pendant plusieurs semaines, les pompiers ont continué à prendre en charge des personnes qui étaient rentrées chez elles avec des fractures, qui ne s’en rendaient compte que deux jours plus tard à cause du traumatisme.
Trente ans plus tard
A la veille des commémorations des 30 ans de la catastrophe de Furiani, Jean-Louis Simeoni, Jacky Casanova et Daniel Di Giambattista ont une pensée émue pour leur collègue décédé alors qu’il se trouvait en poste en haut de la tribune. « Furiani, ce n’est pas comme un accident de la route, la mort nous la côtoyons tous les jours, mais là c’était quelque chose de supérieur. La reconstruction a été difficile, on a perdu un des nôtres, il n’y avait pas de cellule psychologique comme maintenant », lance ému Jean-Louis Simeoni, toujours en poste au centre opérationnel du SIS 2B. La reconstruction, Jacky Casanova peut en parler. Au mois de septembre 1995, celui-ci est tombé dans une lourde dépression pour laquelle il a été soigné pendant un an. « Je la voyais tomber toutes les nuits, je voyais des morts toutes les nuits, je me réveillais en sueur. Cela fait seulement une dizaine d’années que j’ai arrêté de faire des cauchemars et j’arrive à en parler depuis peu, c’est ce qui m’a aidé à me reconstruire. »
Bruno Valencony, le gardien du Sporting, avec un morceau de bâche bleu au centre de la photo, porte secours aux blessés allongés sur la pelouse (Photo Gérard Baldocchi)
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Après le drame de Furiani, le temps de la Justice et du symbole
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