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DOSSIER - Que signifie être à Haut Potentiel Intellectuel ?


le Dimanche 26 Février 2023 à 19:21

C’est un sigle que l’on a tendance à entendre de plus en plus ces dernières années. Pourtant, la réalité des personnes concernées par ce mode de fonctionnement cognitif particulier est encore mal connue. Tour d’horizon avec un spécialiste de la question.



Jean-François Laurent
Jean-François Laurent
Autrefois, on parlait de surdoués ou d’enfants précoces. Des qualificatifs dont découlent encore beaucoup de clichés. Pourtant, être à Haut Potentiel Intellectuel (HPI) ne se résume pas à être un génie qui excelle en sciences, ni même à une simple histoire de QI supérieur à 130. Ni un don, ni une pathologie, ce mode de fonctionnement cognitif particulier qui concernerait un peu plus de 2% de la population française, se caractérise en effet avant tout par une façon de penser différente. Au point que certains parlent aujourd’hui de « zèbres », selon la formule de la psychologue Jeanne Siaud-Facchin, tant ces personnes peuvent être atypiques dans leur façon de réfléchir, s’exprimer ou ressentir les choses.
 
« On est intelligent différemment, on est un peu hors cadre », souligne à ce titre Jean-François Laurent, spécialiste du haut potentiel installé en Balagne et lui-même à HPI. Souvent touchés par une amplitude émotionnelle exacerbée, les HPI arborent ainsi une hypersensibilité des cinq sens, mais aussi une faculté à absorber les émotions des autres personnes. « Et puis, on se pose beaucoup plus de questions. On a le cerveau qui ne s’arrête jamais. On va sans arrêt chercher le sens », ajoute Jean-François Laurent, en affirmant qu’il n’existe pas « d’enfant à HPI sans au moins un parent HPI ».

" Il n’y a pas un cas de haut potentiel, mais que des cas personnels et individuels "

Ancien enseignant et chef d’établissement scolaire, ce dernier a souhaité quitter l’Éducation Nationale il y a de nombreuses années pour devenir formateur et conférencier sur le haut potentiel. Il a d’ailleurs écrit plusieurs ouvrages sur ce sujet dont on parle de plus en plus aujourd’hui. « Mais on en parle mal. On a toujours le cliché de l’enfant qui est premier de classe et qui va bien », tient-il à noter en soulignant toutefois : « Il n’y a pas un cas de haut potentiel, mais que des cas personnels et individuels. Être à haut potentiel, c’est un avantage si tout est bien câblé. Il ne faut pas oublier qu’il y a un certain nombre de personnes qui vont très bien et qui parfois ne savent même pas qu’elles sont à haut potentiel ».
 
Il explique cependant que pour certains, le HPI peut être associé avec de la dyslexie, dyscalculie, ou dyspraxie, ou encore des Troubles du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH).  Et puis pour d’autres, l’afflux de leurs émotions trop fortes pourra être aussi moins bien géré et poser problème. « Et là, cela peut devenir compliqué. Ce sont des enfants qui sont confrontés trop tôt à des problèmes assez métaphysiques comme « pourquoi le lait est blanc ? D’où viens-je ? Est-ce que Dieu existe ? ». Or, ils sont tellement petits qu’ils n’ont pas les facultés physiologiques de gérer et cela peut amener des angoisses », détaille le spécialiste en confiant : « C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai été amené à beaucoup travailler sur la confiance en soi. Ce sont des enfants qui peuvent avoir très peu confiance en eux ».

Exploiter sa différence

Ces difficultés à s’insérer dans un cadre trop normé, les enfants à HPI pourront aussi les exprimer par de l’indiscipline. « Par exemple, certains enfants peuvent avoir sauté une classe à l’école. Intellectuellement, ils sont en effet en avance, mais émotionnellement, ils restent petits et cela peut être compliqué pour eux ne serait-ce que pour noter leurs devoirs. Ce sont aussi des enfants qui peuvent s’ennuyer facilement car ils maitrisent déjà les connaissances, donc ils peuvent être agaçants ou perturber la classe. Et puis, ils peuvent être en décalage, n’ont pas forcément les mêmes centres d’intérêt que leurs camarades et peuvent donc très vite se sentir en marge », livre encore Jean-François Laurent, en insistant sur le fait qu’il est capital de proposer à ces enfants des choses qui « vont dans leur zone de développement » afin de les intéresser. « Il faut vraiment personnaliser l’enseignement et la relation », martèle-t-il. 
 
Pour le spécialiste, la logique sera similaire lors du passage à l’âge adulte et dans le monde de l’entreprise : « Il faut bien se connaitre, connaitre ses forces et travailler sur les points sur lesquels on peut être un peu plus fragiles pour déployer ses ailes. Il ne faut pas chercher à se normer forcément. Il faut assumer que l’on est un peu différent et exploiter cette différence ».
 
Afin de mieux appréhender toutes ces questions, Jean-François Laurent organise chaque année de nombreuses conférences partout en France, ainsi que des formations pour les professeurs mais aussi certaines entreprises qui le sollicitent pour mieux intégrer les HPI. Un terme auquel il préfère d’ailleurs APIE - pour Atypique Personne dans l'Intelligence et l'Émotion- acronyme qu’il a créé et qui l’a notamment intéressé par sa sonorité proche de l’anglais « happy ». « Car le but, c’est avant tout d’être heureux dans la vie », glisse-t-il.