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Camille de Rocca Serra : « Faire gagner la Corse, c’est mon ambition, et c’est pour cela que je suis candidat »


Nicole Mari le Dimanche 15 Mai 2022 à 21:54

L’ex-député LR, Camille de Rocca Serra, qui a enchainé trois mandats successifs de 2002 à 2017, est de nouveau candidat dans la 2ème circonscription de Corse du Sud pour les élections législatives des 12 et 19 juin prochain. Il sera confronté au député nationaliste sortant, Paul-André Colombani, qui l’avait battu en surprise en 2017, mais aussi à son ancienne suppléante, Valérie Bozzi, qui part sous la bannière Ensemble-Horizons. Fort de son expérience politique, celui qui fut aussi maire de Porto-Vecchio et président de l’Assemblée de Corse entend poursuivre son engagement pour la Corse. Il explique, à Corse Net Infos, qu'il veut être un facilitateur du dialogue avec Paris afin que l’île puisse prendre un nouvel essor et trouver sereinement sa place dans la République.



Camille de Rocca Serra, candidat LR dans la 2ème circonscription de Corse du Sud pour les élections législatives des 12 et 19 juin prochain.
Camille de Rocca Serra, candidat LR dans la 2ème circonscription de Corse du Sud pour les élections législatives des 12 et 19 juin prochain.
- Pourquoi avez-vous décidé de repartir dans la bataille des Législatives ?
- Pourquoi pas ! Mon engagement, depuis toujours, a été la Corse. Ce qui pouvait m’empêcher de repartir, c’était de ne plus avoir envie de servir la Corse et de m’occuper des dossiers essentiels dans le domaine du développement agricole, économique et social. J’ai encore la volonté, l’envie et l’énergie pour le faire. Surtout lorsque j’ai vu que, dans la mandature qui vient de s’achever, rien n’a été acquis pour la Corse, rien n’a changé, rien de positif, d’intéressant, d’intelligent dans aucun domaine ! J’ai comparé aux trois mandatures pendant lesquelles j’ai représenté la Corse où j’ai fait évoluer beaucoup de dossiers. J’ai permis de restructurer et de redonner une nouvelle vie à la CADEC. J’ai fait le FIP (Fonds d’investissement de proximité), le crédit d’impôt. Je me suis investi dans le foncier et la constitution des titres de propriété, la sortie de l’indivision, les droits de partage et de succession. J’ai obtenu la prolongation des Arrêtés Miot jusqu’à 2027, ce que personne n’espérait plus. Aujourd’hui, il faut ouvrir un chantier nouveau et surtout restaurer le dialogue entre la Corse et Paris, un dialogue indispensable, intelligent et constructif. Le fossé, qui s’est creusé, et l’incompréhension qu’il y a, entre le gouvernement de la République, donc l’État à travers la fonction publique, et la représentation territoriale, ne me plaît pas ! La Corse a besoin d’autre chose. C’est ça mon engagement !
 
- Qu’est-ce qui vous fait penser que vous arriverez à nouer un tel dialogue ?
- J’ai l’expérience ! Je connais la réalité du terrain, j’ai des idées à apporter et à échanger, je suis très ouvert à toute solution. Je ne suis pas un idéologue, je suis un pragmatique. J’ai montré par le passé tout ce que j’étais capable de faire et de bâtir en tant que parlementaire de la République et en tant que représentant de la Corse. Tout le monde reconnaît qu’il y a eu des acquis. Les choses ont bougé et avancé, que ce soit lorsque j’étais dans le cadre de la majorité nationale auprès de Nicolas Sarkozy ou dans l’opposition sous François Hollande, où j’ai obtenu que ma proposition de loi sur le désordre cadastral et les droits de succession soit votée. Cela veut dire que j’ai cette capacité-là. Je travaille toujours en soutien des forces vives qui ont des idées et des projets. Je suis un facilitateur éclairé et, en même temps, un acteur déterminé à servir la Corse et à la faire avancer. Je pense que la Corse a toute sa place dans la République et je voudrais qu’elle trouve cette place dans la sérénité. Pour cela, il faut rassembler les Corses et donner, notamment à la jeunesse, un espoir, des perspectives nouvelles pour se projeter dans l’avenir. Faire gagner la Corse, c’est mon ambition, et c’est pour cela que je suis candidat.
 
- Après les déroutes successives de la droite en Corse, ne craigniez-vous pas la défaite ?
- Non ! Lorsqu’on est engagé dans la vie politique, qu’on a des idées, des convictions, des valeurs, on va jusqu’au bout ! Et je suis quelqu’un qui va jusqu’au bout, à partir du moment où je ne vois pas d’autres qui puissent représenter ce que je pense et ce que j’ai envie de faire. Nous sommes à un moment charnière, il y a une ouverture dans le dialogue qui n’a pas existé pendant 5 ans. J’ai été très critique sur cette absence de dialogue qui était la responsabilité des deux camps. J’ai envie de m’investir totalement pour que la Corse prenne ce tournant et trouve cette nécessaire unité pour redémarrer avec le soutien d’un gouvernement qui comprendra que la Corse est une chance, qu’elle a des atouts considérables et qu’il faut savoir lui tendre la main. En même temps, il faut que nous soyons capables d’arrêter de dire sans arrêt : « C’est la faute de l’État ! ». C’est souvent notre responsabilité, notre faute !

A l'Assemblée nationale. Photo Archives.
A l'Assemblée nationale. Photo Archives.
- Justement, que pensez-vous du processus de négociation qui s’ouvre sur l’autonomie ?
- L’autonomie ne me fait pas peur ! L’autonomie, c’est d’avoir plus de responsabilités, plus de moyens et les mettre en œuvre. Aujourd’hui, on a des moyens, mais on ne les met pas suffisamment en œuvre, c’est ça qui ne va pas. Je voudrais créer les conditions d’une plate-forme commune et dire à tous ceux qui auront en charge de discuter, que, si tout le monde part avec son idée à lui, cela ne marchera pas. J’ai participé aux discussions de 1999, 2000 et 2001 sous l’égide de Lionel Jospin, je sais comment cela se passe, je connais ça par cœur. Il faut mettre autour de la table les idées qui peuvent nous rassembler, en commençant par le plus grand dénominateur commun qui peut porter un espoir pour la Corse. Cela ne veut pas dire que tout le monde sera d’accord sur tout, mais au moins nous pourrons défendre ensemble des choses essentielles. Il faut montrer au gouvernement que c’est aussi son intérêt, créer les conditions de la confiance. Il faut savoir amener vers un projet même ceux qui, au départ, ne sont pas d'accord. C’est la force de conviction et le sujet qui font la différence. Si vous avez un bon sujet, si vous êtes dans la bonne explication avec de bons arguments, et si vous démontrez qu'il y aura un facteur plus, c’est-à-dire que la récompense sera partagée, cela fait bouger les lignes. Mais si vous mettez des mesures en place qui ne servent à rien et qui vont être un handicap, ce n’est pas nécessaire.
 
- Quelles sont, pour vous, les choses essentielles ?
- C’est de se rassembler. On ne peut pas construire un avenir dans la division et le désordre. Entre l’immobilisme d’aujourd’hui et le risque de désordre que l’on a vu il y a quelques semaines, je choisis la voix de l’intelligence, du dialogue, de la concertation pour un résultat. Il faut d’abord que l’État se réinvestisse, non seulement dans l’écoute, mais aussi dans la compréhension. Aujourd’hui, la parole portée de Corse n’est pas comprise à Paris, et la parole portée de Paris n’est pas comprise en Corse ! Il faut mettre tout à plat avec des gens qui sont en capacité de se parler intelligemment. Si on va à Paris avec que de l’idéologie et qu’une réponse à donner à une partie de la population, cela ne marchera pas ! Il faut que chacun fasse un pas. L’État doit, ensuite, se réinvestir dans le domaine des infrastructures et apporter plus de moyens à la Corse. Il faut construire ensemble de grands projets qui permettront de créer les conditions d’un développement durable. Il faudrait réussir la gestion de nos déchets, rendre plus performants les outils de financement de l’économie ou en créer de nouveaux, optimiser nos atouts, améliorer le tourisme, l’agriculture, créer de la valeur ajoutée, faire plus et mieux. La formation doit être en adéquation avec le besoin d’emploi. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, contrairement à l’île voisine, la Sardaigne, à laquelle on se compare souvent, et où 90 % des emplois dans le domaine du tourisme sont locaux. Il faut donner des perspectives.
 
- C’est-à-dire ?
- Dans tous les domaines d’activités, il y a souvent une absence de réponse concrète à des besoins concrets. Sur le crédit d’impôt, pour contrecarrer certaines petites dérives qui pouvaient bénéficier à la construction de villas, on a réduit le crédit d’impôt au détriment des Corses eux-mêmes. Il faut savoir réduire les effets pervers, voir les annuler, mais pas jeter le bébé avec l’eau du bain ! C’est par la volonté commune qu’on trouve des solutions. Comme je l’ai fait avec le monde agricole, et tous peuvent le dire : si l’agriculture corse a pu s’en sortir, c’est parce que j’ai travaillé pour effacer les dettes, pour un plan de relance et pour structurer les filières. Pour aller vers un gouvernement qui n’est pas le vôtre, il faut travailler avec pédagogie dans la durée. Vous arrivez à faire comprendre, pas parce que vous êtes Corse et que vous y avez droit, mais parce que le sujet est juste, légitime. Il faut jouer gagnant-gagnant. Ce n’est pas un rapport de force, c’est un rapport d’intelligence qu’il faut créer.
 

La dernière session à l'Assemblée de Corse.
La dernière session à l'Assemblée de Corse.
- Vous dites que vous êtes ouvert, jusqu’où êtes-vous prêt à aller en matière d’autonomie ?
- Il ne faut pas se gargariser du mot autonomie ! L’essentiel c’est ce qu’on mettra dedans et c'est la discussion à avoir. Il y aura des garde-fous. Il est évident que si l’autonomie, c’est la marche en avant vers l'indépendance, il ne faudra pas compter sur moi ! Je pense que la Corse a tout son avenir dans la République et que la République doit être au service de la Corse. Je veux créer des conditions positives d’un accord qui permettra des avancées dans la République parce que nous avons besoin de la République. Qui aujourd’hui nous fait vivre ? Qui nous donne les moyens de faire fonctionner nos collectivités et la continuité territoriale ? C’est la solidarité nationale dont nous avons besoin. La question est comment optimiser ces moyens et comment en obtenir de nouveaux ? N’oublions pas que la pandémie n’a pu être traversée que parce qu’il y a eu le « quoiqu’il en coûte » du gouvernement et le chômage partiel. C’est l’État qui a tout financé. Certains grands chantiers souhaités et souhaitables, comme le port de plaisance à Porto-Vecchio que je soutiens, ne peuvent se réaliser que grâce au PTIC. Si le dialogue est restauré avec l’Etat, on peut aller plus loin. On parle de spéculation, de renchérissement de la terre, il y a des outils intelligents à trouver pour aider les jeunes à se loger, à construire sur leur terre, mais pas des outils qui opposent, pas des outils impensables et impossibles sur le plan constitutionnel et européen ! Cela fait dix ans qu’on annonce une révision constitutionnelle, il n’y en a toujours pas ! Va-t-on attendre encore longtemps ou va-t-on trouver des solutions adaptées, immédiates pour rendre les choses possibles ?
 
- Quelles solutions ?
- Par exemple, il faut plus d’autonomie financière pour la collectivité de Corse qui a des ressources propres trop faibles. Il faut transformer la CADEC pour qu’elle puisse lever l’épargne. Il y a 5 ou 6 milliards € d’épargne en Corse, si on peut en lever 10 % pour construire l’avenir de la Corse, on aura réussi quelque chose. Mais tout cela ne peut pas se faire sans l’État qui doit apporter à l’épargnant, sa garantie. La fonction transport-temps est aussi essentielle. Ne pourrait-on pas réduire par deux le temps de parcours, comme sur le continent ? On met 4 heures en été pour faire Bastia Porto-Vecchio et 2h30 en hiver. Il y a 145 km, ce n’est pas normal ! Pourquoi n’y a-t-il pas un projet ambitieux de train ? Il faut le créer avec les moyens de l’État en matière d’ingénierie, de financement. Seul l’État peut nous apporter de vraies réponses. Nous devons lui montrer que nous avons les capacités de construire une économie moderne, plus intelligente, plus adaptée, plus respectueuse de l’environnement, à condition d’avoir les infrastructures de base. J’avais proposé que la Corse soit la proue avancée de l’ingénierie française en Méditerranée dans le domaine de l’environnement, du réchauffement climatique, de la biodiversité, de l’eau, de l’énergie… On peut travailler sur ces sujets d’avenir qui peuvent servir la Corse et apporter une ouverture vers d’autres régions, une dimension méditerranéenne. À ce moment-là, notre jeunesse aura envie de s’investir en Corse.

Avec Valérie Bozzi en 2017.
Avec Valérie Bozzi en 2017.
- Pour revenir sur le scrutin proprement dit, vous avez demandé l’investiture des Républicains (LR) ?
- Oui ! Je suis loyal et fidèle. Donc, je ne vais pas me cacher. On m’a conseillé de me présenter sous l’étiquette divers droite, mais tout le monde sait qui je suis. Je ne vais pas mentir. J’ai été pendant 15 ans parlementaire, mon père l’a été avant moi. Nous n’avons jamais failli, même dans les moments difficiles. Je suis gaulliste, je vais avoir bientôt 68 ans, ce n’est pas à mon âge qu’on va devenir opportuniste ! Par contre, je suis un homme libre. Je reste dans ma famille avec mes valeurs mais, pour la Corse, je serai très autonome et très libre. J’ai fait le choix de ne pas trahir en politique, je n’ai pas toujours été récompensé. Peut-être ne le serais-je pas encore aujourd’hui, mais je n’ai jamais trahi les électeurs.
 
- Vous vous retrouvez face à votre ancienne suppléante, Valérie Bozzi. Avez-vous essayé de vous entendre ?
- C’est son choix. Nous avons discuté. Je me suis même entretenu avec le maire d’Ajaccio parce qu’il y a une responsabilité partagée dans tout cela. Bien sûr, j’aurais préféré que Valérie Bozzi, qui est maire de Grosseto-Prugna, présidente d’une Interco, membre de l’Assemblée de Corse et qui a suffisamment de travail par ailleurs, ne se présente pas. Ce qui me dérange c’est que tous ceux qui prétendent être députés devront démissionner. On ne démissionne pas d’une commune parce qu’on reste conseiller municipal, mais on démissionne de l’assemblée de Corse alors que c’est la collectivité la plus importante. Le chef de file de l’opposition, Laurent Marcangeli, ne sera plus membre de l’assemblée de Corse. La droite s’est battue il y a à peine un an pour gagner cette élection et va être décapitée. Heureusement, il restera ceux qui ont la conscience de ce qu’est la collectivité de Corse, comme Jean Martin Mondoloni. Mais cela pose un problème. J’ai toujours mis mon ambition personnelle derrière le projet collectif. Je ne suis pas là pour gagner des parts de marché sur qui que ce soit ou pour occuper un siège à l’Assemblée nationale, mais pour travailler. J’ai travaillé dans l’intérêt de la Corse, c’est ce que je veux continuer à faire. Si je n’avais pas eu ces succès parlementaires, je pourrais comprendre que d’autres veuillent prendre la place.
 
- Dans une circonscription nationaliste, avec un député sortant favori et une droite divisée, le scrutin s’annonce difficile. Est-ce vraiment jouable ?
- C’est une élection difficile, mais la difficulté ne me fait pas peur. J’ai connu des scrutins très difficiles, en 2002 ou en 2012. En 2002, la droite était représentée par cinq candidats, et je l’ai emporté. Lorsque vous vous engagez dans une bataille politique, soit vous vous engagez contre les autres, soit vous vous engagez pour faire quelque chose. Moi, je m’engage pour faire quelque chose pour la Corse, pour défendre des valeurs et des convictions. C’est cela qui importe. Si vous n’avez rien à défendre, si vous n’avez pas de projet, il faut rester chez vous. Bien sûr que cette élection est difficile, mais c’est à moi de convaincre. Cette circonscription n’est devenue nationaliste qu’en pointillé parce qu’une grande partie de l’électorat a voté pour des candidats, qui se disent nationalistes ou qui le sont vraiment, par dépit, par déception, par défaut, pour plein de raisons, mais ce n’est pas un électorat nationaliste. Cet électorat, il faut le reconquérir.
 
- Comment va se dérouler votre campagne ?
- Elle sera très courte. Cette campagne électorale est atypique, très bizarre. Déjà la campagne présidentielle l’était. J’irai partout dans tous les villages pour essayer de convaincre. Les gens me connaissent, ils connaissent ma réputation, ils savent qui je suis. J’ai toujours honoré le contrat dans les fonctions qui ont été les miennes, et je veux continuer à le faire. Je n’ai pas l’ambition d’être secrétaire d’État ou quoi que ce soit, j’aurais pu l’être avec Nicolas Sarkozy, je ne l’ai pas été, et ça a été très heureux pour moi parce que j’ai pu, en étant libre, dire ce que je voulais à chaque ministre sans être lié par une solidarité gouvernementale. J’ai pu travailler pour faire avancer les dossiers de la Corse. J’étais un acteur prépondérant et déterminant, c’est ce qui m’intéresse. Maintenant, c’est aux électeurs de faire leur choix. Nous verrons bien.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.