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Avec « Au Bonheur des Drames », Mathieu Ange Bacci explore les failles humaines


Philippe Jammes le Jeudi 10 Avril 2025 à 13:51

Dix ans après un premier recueil de poésie, l’auteur ajaccien Mathieu Ange Bacci revient avec un recueil de nouvelles. Un livre sensible et habité, où bonheur et drame se frôlent dans une langue ciselée. Rencontre avec un écrivain qui, depuis la Corse, interroge les mystères de l’existence.



Vous êtes né à Ajaccio et avez mené une carrière dans la comptabilité. Comment l’écriture a-t-elle trouvé sa place dans ce parcours ?
Je suis né à Ajaccio en 1960, où j’ai fait toute ma scolarité. Après le bac, j’ai poursuivi des études supérieures à Nice – l’Université de Corse n’existait pas encore. J’ai ensuite exercé comme expert-comptable et auditeur légal, des métiers passionnants mais parfois austères. C’est sans doute ce qui m’a poussé à préserver ce goût pour l’écriture. J’ai toujours écrit, en fait.

Comment êtes-vous venu à l’écriture littéraire ?
Par la lecture, qui reste la voie la plus naturelle. Je lis depuis l’enfance, avec une passion irrésistible. Vers dix ans, j’ai découvert La Confession d’un enfant du siècle de Musset. Ce souffle romantique m’a fasciné, cette phrase notamment : « Un seul homme était en vie alors en Europe ; le reste des êtres tâchait de se remplir les poumons de l’air qu’il avait respiré. » Depuis, je n’ai jamais cessé de lire. Dans « romantique », il y a « roman »…

Votre premier livre, un recueil de poèmes, est paru en 2015. Quel sens lui donnez-vous aujourd’hui ?
Poèmes de l’inconnaissable Lumière est un carnet de voyage intérieur. J’aime la poésie pour sa brièveté, sa force de suggestion. Elle dit sans dire, elle ouvre juste assez pour laisser passer un rai de lumière. Elle est ambiguë, douce, musicale. C’est une autre façon d’entrer en contact avec le monde.

Dix ans se sont écoulés depuis ce premier livre. Pourquoi avoir attendu si longtemps pour publier un nouveau texte ?
Disons que j’ai pris mon temps (rires). Le temps de la pensée n’est pas linéaire. Il y a des pauses, des retours, des silences. Et puis, avec deux métiers, il faut s’extraire pour écrire. Cela demande de la solitude, de la rumination, une disponibilité intérieure. Ce recueil s’est nourri de tout cela : de mon vécu, de celui de mes proches, de l’actualité parfois. Toute fiction est, d’une certaine manière, autobiographique.

Quel fil rouge relie les nouvelles de ce recueil ?
Je suis parti de cette question : qu’est-ce que le bonheur ? Et peut-on le penser sans considérer son envers, le drame ? La vie nous montre à quel point les deux s’entrelacent. Le recueil est une méditation, parfois grave, parfois ironique, sur ce grand écart permanent. J’ai d’ailleurs joué avec le titre Le Bonheur des dames de Zola, en ajoutant un petit « r » : Le Bonheur des drames.

Quels thèmes y abordez-vous plus précisément ?
J’ai tenté de cerner ce qui traverse nos vies : l’amour, le mystère, la maladie, la mort, l’hypocrisie, la trahison, l’espoir, le miracle, le rêve, le voyage… Autant de facettes de l’humain, dans ce qu’il a de fragile et de lumineux.

Vous évoquez un projet de roman. Est-ce votre prochaine étape ?
Oui, j’y pense. Un roman, c’est une autre forme d’exploration, mais je reste attaché à la nouvelle. Elle exige une densité, une immédiateté, presque une économie de la pensée. Un roman a besoin de temps, il germe lentement dans l’inconscient. Il faut savoir attendre qu’il pousse.