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2 mars 2022, le choc de l'agression d'Yvan Colonna


CNI avec AFP le Mercredi 1 Mars 2023 à 22:50

Le 2 mars 2022, l'agression mortelle d'Yvan Colonna en prison, où il purgeait une peine de perpétuité pour l'assassinat du préfet Erignac, stupéfiait la Corse, déclenchant manifestations et violences jusqu'à la main tendue politique de l'Etat, prêt à discuter autonomie.



(Photo Michel Luccioni)
(Photo Michel Luccioni)
"Ça a été un choc moral, une émotion très partagée dans l'île", résume pour l'AFP le politologue André Fazi, de l'université de Corse: "On n'avait jamais vu en 50 ans autant de manifestations dans toute la Corse", et ce "pendant un mois".
Victime de Franck Elong Abé, un Français d'origine camerounaise de 36 ans, radicalisé et passé par l'Afghanistan, le militant indépendantiste corse de 61 ans a été étranglé alors qu'il se trouvait dans la salle de sport de la prison d'Arles (Bouches-du-Rhône).
Son agresseur purgeait une peine de neuf ans d'emprisonnement pour association de malfaiteurs en vue de préparer un acte de terrorisme.
"Je n'ai agi pour le compte d'aucun groupe. J'ai agi seul... Ce n'était pas réfléchi", a assuré aux enquêteurs Franck Elong Abé, reprochant à Yvan Colonna d'avoir "mal parlé du Prophète".
Cette agression provoque aussitôt une explosion de colère en Corse, où Yvan Colonna demandait de longue date à purger sa peine, avec des manifestations souvent violentes et un mot d'ordre omniprésent, l'"Etat français assassin". Ces heurts culminent en émeutes le 13 mars à Bastia avec 102 blessés, dont 77 parmi les forces de l'ordre.
C'est une visite de trois jours de Gérald Darmanin dans l'île, mi-mars, qui commence à ramener le calme. Envoyé par le président-candidat Macron, le ministre de l'Intérieur ouvre la possibilité de discussions pouvant aller jusqu'à l'"autonomie", moyennant deux "principes intangibles": "la Corse dans la République et le refus de créer deux catégories de citoyens".
Quelques jours plus tôt, le 11 mars, c'est le Premier ministre qui levait le statut de "détenus particulièrement surveillés" (DPS) de Pierre Alessandri et Alain Ferrandi, les deux autres membres du "commando Erignac" condamnés à la perpétuité. Une revendication de longue date dans l'île.
 

Aucune promesse précise  


"On était à un mois de l'élection présidentielle, il fallait minimiser autant que possible les risques de dégâts matériels et humains dans ces mobilisations, donc on a donné l'impression qu'on donnait à quelques centaines de manifestants violents ce qu'on refusait à des dizaines de milliers d'électeurs", analyse M. Fazi, rappelant que les nationalistes avaient été élus à la tête de la Collectivité de Corse en décembre 2015 puis largement réélus en 2017 et 2021.
Mais "sans rien promettre de précis", souligne le politologue.
Trois jours après le départ du ministre, le 21 mars, Yvan Colonna décédait à Marseille, des suites de son agression. Son corps est accueilli par une impressionnante haie d'honneur de 1.500 personnes le 24 mars à Ajaccio, puis enterré le lendemain dans le caveau familial du village de Cargèse, devant plusieurs milliers de personnes.
Après une nouvelle manifestation violente, le 4 avril à Ajaccio, la tension redescend grâce au transfert d'Alain Ferrandi et Pierre Alessandri à la prison corse de Borgo le 11 avril, comme promis par Matignon.
Mais le cycle de discussions promis par l'Etat entamé en juillet 2022 se grippe très vite, après une première réunion mi-septembre, face au énième refus de la justice d'octroyer une semi-liberté à ces deux détenus, pourtant libérables depuis 2017.
Cet aménagement de peine est finalement accordé le 31 janvier à Pierre Alessandri, puis le 23 février à Alain Ferrandi. "Ça a été une grande satisfaction, pour les nationalistes et au-delà", insiste André Fazi.
"Il est temps d'écrire une nouvelle page de l'histoire de la Corse", propose entretemps Gérald Darmanin, le 6 février à Ajaccio, pour le 25e anniversaire de l'assassinat de Claude Erignac, en proposant de redémarrer les discussions. "Des paroles qui ont touché", note le politologue.
Le 24 février, Emmanuel Macron s'invite à ces échanges, à Paris, réitérant sa volonté d'inscrire d'éventuelles évolutions dans son projet de réforme constitutionnelle. Et une nouvelle rencontre est déjà prévue "avant l'été".
Mais l'avenir institutionnel de la Corse reste bien flou. Et M. Fazi de pointer une "très grande limite, dans le fait qu'Emmanuel Macron n'a ni majorité à l'Assemblée nationale, ni majorité au Sénat" pour faire adopter une réforme constitutionnelle.

Dans les rues de Bastia
Dans les rues de Bastia