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Violence clandestine : L’Assemblée de Corse s’interroge sur ce qu’elle peut faire


Nicole Mari le Jeudi 30 Mars 2023 à 18:32

Des mairies viennent d’être touchées par des incendies criminels, des entreprises sont visées par des attentats. En début de session de l’Assemblée de Corse, l’opposition a interpellé l’Exécutif corse en lui demandant une réponse forte et claire. Le président de l’Exécutif a martelé avec force qu’il n’existe pas d’autre chemin que la démocratie. Les maires ont été reçus en fin de matinée. Une résolution solennelle devrait être rédigée et votée vendredi après-midi.



L’hémicycle de l’Assemblée de Corse. Photo Michel Luccioni.
L’hémicycle de l’Assemblée de Corse. Photo Michel Luccioni.
« Qu’allons-nous faire ? ». Cette question prudente posée gravement par le président de l’Exécutif, Gilles Simeoni, en écho à celles de l’opposition, résume de façon saisissante le choc, la perplexité et l’incompréhension qui a saisi le monde politique corse devant les tentatives d’attentats visant les mairies d’Afa et d’Appiettu, des entreprises et des biens appartenant à des locaux. Elle pose aussi les limites de l’exercice démocratique dans un contexte très tendu qui échappe au politique. Néanmoins, les trois groupes d’opposition sont, dans un chœur unanime, montés au créneau, jeudi matin, en début de session de l’Assemblée de Corse pour interpeller, lors des questions orales, l’Exécutif, chacun y allant de sa suggestion. Face à ce qu’il considère comme « Des menaces et des tentatives d’intimidation inacceptables », Jean-Martin Mondoloni, président du groupe U Soffiu Novu, propose simplement une suspension de séance en début d’après-midi « au cours de laquelle une délégation d’élus de l’Assemblée de Corse se déplacerait dans les mairies concernées pour témoigner de leur solidarité et de leur consternation ». 
 
Une réaction massive
Jean-Christophe Angelini, président du groupe PNC Avanzemu demande, quand à lui, « un sursaut rapide et salutaire de notre société ». Rappelant que « Même aux heures les plus sombres de notre histoire récente, les mairies ont toujours été préservées, sauf en de très rares, et bien malheureuses, occasions », le maire autonomiste de Portivechju exprime l’inquiétude de ses collègues et se livre à un plaidoyer de l’action communale : « nous nous devons donc de réagir, parce que les maires ne peuvent plus être mis en cause au quotidien, alors même qu'ils s'engagent sans compter au profit de leurs populations et territoires. Nous nous devons aussi d’en parler ici parce que les maires ne sont pas coupables d'agir et de rechercher des solutions, en matière d'urbanisme, de social, d'aménagement et d'action publique en général. Non, les maires ne sont pas responsables de tous les maux mais bien au contraire, en première ligne, dès lors qu'il s'agit de défendre des projets structurants et en toutes circonstances, l'intérêt général. Les caricatures, les rumeurs, les attaques personnelles et infondées, qui trop souvent les affectent, font aussi le lit de ces violences ». Pour lui,  la réaction doit être « claire, massive et résolue ».
 
Un vrai changement
In lingua nustrale, Marie-Claude Branca, élue du groupe Core in Fronte, insiste sur le « le climat malsain et la tension politique qui s’installe en Corse ». Avant d’interroger : « A quand une nouvelle politique de l’Exécutif pour un vrai changement compris par tous ? ». Elle dénonce un système qui « avvilinighja a vita cutidiana incù logichi di spussessu fundiariu è di spiculazioni immubiliaria, crea pricarità è isulamentu par via d’una situazioni ecunomica pessima, porta l’aghjenti à l’esiliu è à l’abandonnu, imponi à quiddi chì travaddani a tarra à lacà la o à vendala pà pocu è nudda, Spacchj’à settori strategichi ecunomichi à a finanza e à a privatisazioni, stradichighja lingua, cultura è populu par via d’una culunisazioni di pupulamentu distrutrici ». L’élue indépendantiste prône « una strategia, chjara di tapa è di suvranità, si pò rivoluzionà dipindenza è suttummissioni è metta u nosciu populu com’è attori principali di a so tarra ini u Mediterraneu » et appelle au courage politique pour finir avec cette situation et le laisser aller général. 
 
Une résolution
« Que faut-il faire ? Que faut-il apporter comme réponse à ces questions ?», réagit le président de l’Exécutif. Il dit son incompréhension et son soutien aux maires qui ont enduré cela, aux équipes municipales et aux populations des villages concernés. « Nous avons tenu à manifester de manière publique notre solidarité ». Il adhère à la proposition de suspendre de manière symbolique la session pour recevoir les maires, le président de l’association des maires de Corse du Sud, et de les rencontrer en conférence des présidents, également de discuter sur une proposition de résolution, mais tout cela dans les locaux de la Collectivité de Corse. « Je ne doute pas que nous trouverons la voie pour dire en commun ce que nous voulons et ce que nous ne voulons pas pour ce pays ». De façon plus générale, il s’inquiète d’une situation qui empire et avoue « Qui est derrière les tags historiques du FLNC ou ceux de la GCC ? On ne sait pas ! Je ne sais pas qui est derrière et quelles sont les motivations. Ce n’est pas mon travail de chercher cela. En revanche, ce que je sais, c’est qu’il faut montrer notre responsabilité et, sans se cacher, sans fermer les yeux, il faut dire que la situation de blocage politique et de difficultés économiques et sociales, de mal-être sociétal, surtout pour notre jeunesse, conduit aujourd’hui à la tentation de retourner à la violence et à la violence clandestine ». 
 
Un seul chemin
Le président Simeoni réaffirme clairement : « Je le dis à ceux qui sont en colère et qui ont des raisons de l’être, il n’y a pas d’autre route que celle de la démocratie pour notre pays. Je peux comprendre et parfois partager la colère, les sentiments d’injustice et de révolte qui nous accompagnent depuis le berceau, injustice de la politique de l’Etat ». Il reconnaît : « Bien sûr que nous sommes en colère quand le tribunal nous empêche de parler corse dans notre maison, quand notre terre est vendue, après 50 ans de lutte. Bien sûr que c’est une honte la façon dont on a été traité depuis 7 ans ! Mais, la violence clandestine ne peut pas être une réponse au désir de liberté de notre peuple ». Il martèle : « Il ne peut pas y avoir d’autre route que celle de la paix et de la démocratie. Le meilleur moyen pour éradiquer la violence est de construire une solution politique, de mettre en place des règles claires pour empêcher la spéculation, défendre notre terre et permettre à chacun d’avoir sa terre et de maison. Qu’ils nous entendent à Paris et qu’ils s’engagent de manière claire et sincère à Paris dans le processus ! Et vous verrez qu’il n’y aura plus de place pour la clandestinité. Nous ne voulons plus de rassemblements devant les commissariats, de jeunes en prison, de tribunal, de larmes, de sang. Basta ! Nous voulons la paix et que notre peuple puisse vivre digne et libre »

N.M.