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Paul-Félix Benedetti : « Il faut des changements forts sur nos valeurs sociales et écologiques »


Nicole Mari le Mercredi 16 Juin 2021 à 20:47

Rester lui-même et porter un discours social très fort, axé sur les fondamentaux du mouvement national, c’est le cœur du projet de Core in Fronte pour l’élection territoriale des 20 et 27 juin. Son chef de file, Paul-Felix Benedetti, estime qu’il faut refonder la société corse en profondeur et construire des garanties sociales. Il égrenne quelques mesures à Corse Net Infos, et renvoie à son programme complet « Terra è Ghjente, Sviluppu, Eculugia », visible sur son site.



Paul-Felix Benedetti, chef de file de la liste Core In Fronte aux élections territoriales des 20 et 27 juin.
Paul-Felix Benedetti, chef de file de la liste Core In Fronte aux élections territoriales des 20 et 27 juin.
- Vous dites, en préambule de votre programme, qu’il faut « refonder la société corse en profondeur ». Qu’entendez-vous par là ?
- C'est l'aspect noble de l'action politique. Il convient de faire le diagnostic de ce qui, à notre sens, ne va pas et de tenter d'avoir une société meilleure. En Corse, nous avons identifié depuis des années : le manque de pouvoir politique pour le peuple corse, la déculturation, le clanisme. Il y a des enjeux nouveaux, liés à la mondialisation du capitalisme, tels que les nouvelles inégalités, le climat, une société corse de plus en plus tiraillée entre des oligarchies et des pauvres. La politique c'est, en principe, faire des choix, plus sociaux, plus libéraux, rester tendanciel ou chercher une société meilleure. Pour cela, nous pensons à Core in Fronte qu'il faut des alternatives, des changements forts, sur nos valeurs sociales et écologiques. 
 
- Votre cheval de bataille est le social. Vous proposez de « construire des garanties sociales » ? Sur quels points ? 
- Je vous invite à lire notre projet. Un exemple : redéployer l'action des fonctionnaires de la Collectivité de Corse dans le rural, en particulier pour l'aide aux personnes.  
 
- Vous êtes partisan d’une monnaie locale. Dans quel but ?
- Oui, c'est dans notre projet ! Nous regrettons que la majorité sortante ait enterré ce projet. Cela fonctionne, par exemple, au Pays Basque. Cela redonne du pouvoir d'achat et favorise l'économie circulaire. Il faut une Charte où les acteurs économiques souscrivent au Projet. Si c'est pour payer dans sa Grande surface avec une monnaie corse, c'est folklorique !
 
- Un de vos mantras est la lutte contre la spéculation immobilière et foncière. Que pouvez-vous de faire, à droit constant, pour permettre aux jeunes Corses de se loger ?
- Nous proposons, à droit constant, un permis de louer à l'échelle de la Corse. Cela permet une régulation et empêche l'inflation de ces propriétaires de résidences secondaires, extérieurs à la Corse, qui les louent dans les circuits parallèles. Nous sommes aussi pour un contingentement des résidences secondaires dans les PLU. Enfin, il faut agir sur le bâti ancien existant, le rénover pour les jeunes Corses. 
 
- Vous proposez d’exonérer les petites successions, mais c’est une compétence régalienne, donc une mesure impossible à appliquer ? 
- Nous sommes pour un transfert des compétences fiscales, comme dans toutes les situations autonomiques en Europe. Mais exonérer tous les patrimoines, en particulier les plus importants, serait anti-social.



En meeting à Aiacciu.
En meeting à Aiacciu.
- Vous visez la souveraineté alimentaire. Comment y parvenir avec une agriculture qui atteint à peine 5% du PIB ?
- Si on est fataliste, on ne fait pas de politique, ou on en fait mal ! L'autonomie alimentaire est un enjeu à l'échelle de l'humanité. C'est une inversion de tendance qui sera longue, ou alors, il faut considérer que les Corses seront nourris ad vitam eternam par des camions frigos venus de Marseille. La base, c'est la mobilisation des terres agricoles, la formation des jeunes, la création d’une centrale d'achat publique corse d'alimentation. Encore une fois, je vous renvoie à nos réponses détaillées faites publiquement et qui circulent sur les réseaux sociaux, également aux syndicats agricoles, en particulier à Mossa Paisana.
 
- Faut-il le réviser le PADDUC et sabrer les ESA, comme nombre de candidats s’y engagent ?
- Le PADDUC est un cadre. Nous voulons sanctuariser et mobiliser les Espaces stratégiques agricoles (ESA), et non les sabrer comme vous dites. D'ailleurs, certains ont été retirés lors du second vote du PADDUC, il faut les réintégrer. Maintenant, la question des permis de construire dans des villages ruraux pour loger les Corses doit être débattu calmement sans en faire un prétexte pour ouvrir des brèches dans le PADDUC. 
 
- Vous prônez l’indépendance énergétique. Comment comptez-vous y arriver ? Et à quelle échéance ?
- Là aussi, c'est un enjeu à l'échelle de l'humanité, nous sortirons des énergies fossiles sur une ou deux générations. Mais la Corse a des atouts par rapport à d'autre pays : la biomasse, le solaire et l'eau.



- Concernant les déchets, que feriez-vous pour résoudre la crise ?
- Nous ne perdrons pas de temps avec de multiples plans ! La Collectivité de Corse doit reprendre la main par une taxation incitative pour le tri, des unités locales de valorisation ou de compostage décidées démocratiquement, pas sur un mode binaire OUI/NON, mais plutôt sur le choix du site. Il faut des projets publics et être proactifs sur ce sujet.  
 
- Vous vous érigez contre les monopoles et les dérives affairistes, mais les élus corses en ont-ils vraiment les moyens ?
- C'est un enjeu sociétal. Toute la société corse doit faire corps et les politiques ont un rôle moteur, surtout dans une petite société comme la nôtre. Les élus corses ont des moyens, par un meilleur contrôle des marchés publics, ou encore par l'entrée de la Collectivité de Corse dans les dépôts pétroliers pour faire reculer la situation monopolistique dans les carburants.
 
- Coté économie, vous tablez sur la numérisation de l’île. De quelle façon ?
- Je vous renvoie à nos propositions détaillées « Terra è Ghjente, Sviluppu, Eculugia » qui circulent dans toute la Corse à l'occasion de cette campagne. C'est un secteur qui doit recevoir des aides fléchées dans le cadre du Plan de relance. S'il s'agit en guise de Rilanciu de relancer l'économie résidentielle, on aura loupé un tournant !   
 
- Concernant la langue corse, quelle politique offensive adopterez-vous ?
- Un exemple : la toponymie. Des prescriptions simples doivent interdire : « les flots bleus », « la résidence du maquis », « la place d'armes, du diamant » ou autres. A nostra terra hà i so nomi ! 
 
- Enfin, vous voulez négocier une émancipation en deux étapes. Quelle attitude faut-il adopter face à Paris ?
- Il faut avoir une stratégie concertée entre tous les patriotes. Nous proposons un titre dans la Constitution qui, sur le modèle calédonien, permette l'accès à une autonomie avec des compétences exclusives. Comme partout ailleurs ! Il faut négocier fermement comme à un niveau étatique et mettre dans la balance le poids de l'opinion corse et de la démocratie. Pourquoi pas auto-organiser une consultation des Corses qui ouvre les yeux à l'Etat ? Enfin il faut une stratégie internationale, en appeler à l'ONU ou à l'Europe, face à la négation punitive des droits du peuple corse. Ne jamais renoncer ! 
 
- Quelle serait votre priorité, si vous étiez élu ?
- Faire avancer nos propositions, toutes, car elles forment un Projet. 
 
- Si vous deviez résumer votre programme en un mot ?
- Volonté ! 
 
Propos recueillis par N.M.