Paul-André Colombani brigue un second mandat dans la deuxième circonscription de Corse-du-Sud. Photo : Michel Luccioni
- Vous arrivez en tête de ce premier tour avec dix points d’avance. Êtes-vous satisfait de votre score ?
- Oui en valeur absolue, non sur l’abstention. Ce n’est pas lié à la circonscription, c’est ainsi pour toute la France, mais on ne peut pas être satisfait de ce taux d’abstention et de ce désintérêt pour des élections aussi importantes. Quand on a un président de la République qui marginalise le rôle du Parlement, que c’est l’Exécutif qui décide de tout, on en paie directement la conséquence, avec des gens qui pensent que finalement, un député, cela ne sert à rien.
- Vous étiez le seul candidat nationaliste en lice dans votre circonscription, pensez-vous avoir bénéficié de l’ensemble des voix de votre famille politique ?
- C’est difficile de faire les comptes exacts, avec les taux d’abstention que l’on connait. Ce qui est sûr, c’est que nous avons fait le plein dans les places fortes de l’Extrême-Sud, mais il y a encore de quoi mobiliser dans mon village à Zonza, par exemple, où le taux de participation a été de 50%, comme à Porto-Vecchio, qui a voté à 40% environ.
- Corsica Libera a annoncé ne pas soutenir les candidats Femu pour le second tour. Quelle est votre réaction, vous qui aviez appelé les nationalistes à ne pas se tromper d’élection et à soutenir les candidats de leur famille ?
-C’est le choix de Corsica Libera, il ne m’appartient pas de le commenter. J’en prends acte, même si je suis un peu déçu. J’aurais préféré un choix plus clair, mais on est obligés de faire avec. Je n’ai pas d’états d’âmes là-dessus et je suis trop concentré sur mon second tour aujourd’hui pour lancer des polémiques. Pour ma part, j’ai été élu sous la bannière de Pè A Corsica, avec ses trois composantes. J’ai travaillé durant tout mon mandat avec Pierre-Jo Filipputti, mon suppléant. Au moment des territoriales, nous avions une alliance Corsica Libera-PNC. Ce choix, aujourd’hui, c’est un choix d’appareil, mais sur le territoire, il y a de nombreux militants de Corsica Libera qui me soutiennent. Les militants de terrain savent ce que j’ai fait, ils connaissent mon bilan. Dans ce second tour, les électeurs doivent choisir entre deux projets de société qui s’opposent, et ceux qui ne m’aident pas dimanche aident implicitement Madame Bozzi. Quand on est nationaliste, la question ne se pose même pas.
- Votre adversaire Valérie Bozzi assure qu’elle pourra bénéficier de reports de voix. Est-ce votre cas aussi ? Dans ce contexte, êtes-vous confiant pour ce second tour ?
- Vous savez, les gens ont le choix aujourd’hui entre un député qui va défendre les couleurs de Macron, qui va s’installer dans un groupe, qui va lever le bras, tout ce qu’on a vu pendant le mandat qui vient de passer, et un député qui va défendre la Corse, qui va travailler comme j’ai su le faire jusqu’à présent. L’alliance entre la droite et le Rassemblement National (RN) était objective en 2017. Aujourd’hui, en réfléchissant un peu, elle parait compliquée, puisque vous avez un RN qui est complètement hostile à l’idée de défendre Macron. Valérie Bozzi défend Macron, aux dernières nouvelles, parce que cela peut encore changer, et elle aura du mal à avoir l’électorat du RN. De plus, dans le contexte local, je ne suis pas certain que le candidat du RN s’entende bien avec la mairie d’Ajaccio, donc cela ne devrait pas trop l’aider.
- Le score de l’extrême-droite est important, comment l’expliquez-vous ?
- Il y a eu une restructuration de l’extrême-droite ces dernières années en Corse, avec des candidats qui ont fait une bonne campagne, même si, bien sûr, je ne partage pas leurs propositions et leurs idées. François Filoni est très implanté dans le sixième canton d’Ajaccio, même s’il a participé à beaucoup de mandatures sous des couleurs différentes. Les candidats du RN ont fait campagne sur des thèmes nationaux, sans aucune reconnaissance de spécificités particulières pour la Corse. Marine Le Pen remettrait même en cause l’enseignement des langues régionales ! Aujourd’hui, le RN se déploie là où il y a de la précarité, du chômage, et malheureusement ce quartier d’Ajaccio remplit ces critères-là.
- Comment convaincre ces populations qui ne croient plus en la politique ?
- Il faut continuer à lutter pour que ces Ajacciens vivent mieux. Dès qu’il y a un peu de mauvais temps, on craint que le quartier ne soit inondé, on voit des immeubles rester plusieurs mois sans ascenseur… Il faut investir plus dans ces quartiers, faire quelque chose pour la formation des jeunes, mettre en place des mesures efficaces pour le pouvoir d’achat. En particulier chez nous, il y a des choses simples que l’on aurait pu faire sur le prix de l’essence. Cela fait deux ans que nous disons à Bruno Le Maire qu’il faut en Corse un décret comme pour les autres îles. Ce ne serait pas un cadeau. Si la concurrence pouvait s’exercer normalement, si nous n’étions pas dans une situation de monopole, nous aurions des prix similaires à ceux pratiqués sur le continent. Toutes les mesures fiscales, sans contrôle des prix, sont parfaitement inefficaces. Et cela touche tout le monde, car au-delà du quartier des Salines, il n’y a pas un Corse aujourd’hui qui peut se passer de sa voiture pour aller travailler, pour vivre.
- Quels sont les autres dossiers prioritaires pour vous ?
- Au-delà des discussions sur l’autonomie, qui sera la priorité dans les semaines qui viennent, il y a à Ajaccio une centrale du Vazzio qui est obsolète, qui pollue, qui empoisonne les Ajacciens au sens propre. Il faut y remédier le plus rapidement possible. Édouard Philippe, lorsqu’il est venu à Ajaccio en 2019, a arrêté le chantier de la centrale du Ricanto qui aurait dû démarrer quelques semaines plus tard, et ce pour des raisons plus économiques qu’écologiques. Je ne suis pas satisfait de ces choix faits au détriment des Corses. En même temps que nous augmentons la portion d’énergies renouvelables en Corse, il faut absolument mettre en route cette centrale. Par ailleurs, depuis longtemps, bien avant cette crise sanitaire, je milite pour que nous ayons un centre hospitalier universitaire (CHU) en Corse. Nous sommes la seule région de France à ne pas en avoir. On nous dit que nous n’avons pas besoin de CHU car nous avons la solidarité nationale, ce qui est vrai en partie, mais la solidarité nationale s’est arrêtée aux limites de la crise sanitaire, parce qu’on pouvait plus évacuer les gens vers les autres réanimations. Cela justifie encore plus aujourd’hui la demande d’un CHU en Corse. Ensuite, il y a la question des droits de successions. Aujourd’hui, cela entraine une forme de dépossession des biens des Corses, car les ménages n’ont plus les moyens de les payer et cela les oblige à vendre leurs biens, et malheureusement, ce sont souvent des gens d’ailleurs qui en profitent. Là aussi, il faut agir.
- Vous avez critiqué le découpage de cette circonscription, allez-vous travailler aussi sur ce sujet ?
- Ce sixième canton d’Ajaccio qui vote avec la deuxième circonscription de Corse-du-Sud, c’est une anomalie. Quand on regarde les chiffres de l’abstention, on note d’ailleurs qu’il y a un vrai phénomène local d’éloignement des électeurs des urnes, parce qu’ils ne se sentent pas concernés. Ce n’est pas normal qu’à une barre d’immeuble près, on change de circonscription. 12 000 Ajacciens sont exclus d’Ajaccio ! Il va donc falloir travailler là-dessus. Nous avions commencé à le faire avec Jean-Jacques Ferrara. Il avait été évoqué, à travers la réforme de la Constitution, la possibilité de réduire le nombre de députés. Le problème aurait été réglé. Ce projet a été abandonné mais je vais m’atteler à remettre le sujet sur la table, si je suis réélu.
- En quoi ce mandat serait-il différent du premier pour vous ?
- Ce qu’il faut comprendre, c’est que pour ce premier mandat, nous sommes partis de très loin. Nous n’étions pas forcément préparés à être élus en 2017. Chez nous, on était sceptiques sur la présence de députés nationalistes à Paris. Et à l'Assemblée, nous nous sommes retrouvés dans un contexte un peu hostile avec des députés qui avaient ordre de ne pas venir nous parler, d’autres qui se demandaient si nous n’étions pas des mafieux… Ce sont de vraies anecdotes ! Donc avec ce décor planté, en 2017 il nous a fallu déconstruire toutes ces images d’Épinal et créer la confiance. Nous y sommes arrivés en fin de mandat grâce à notre travail. Grâce à nos efforts, nous avons créé un groupe, fait voter des lois. Nos collègues de tous les groupes parlementaires nous ont accompagnés en prison pour rencontrer les prisonniers politiques, et cela c’était important symboliquement. C’est vrai, nous avons eu des difficultés avec ce gouvernement, nous n’avons pas pu discuter, mais maintenant il faut continuer à convaincre, infuser nos idées. Aujourd’hui, certains nous disent déjà qu’ils sont moins jacobins grâce à nous.
- Oui en valeur absolue, non sur l’abstention. Ce n’est pas lié à la circonscription, c’est ainsi pour toute la France, mais on ne peut pas être satisfait de ce taux d’abstention et de ce désintérêt pour des élections aussi importantes. Quand on a un président de la République qui marginalise le rôle du Parlement, que c’est l’Exécutif qui décide de tout, on en paie directement la conséquence, avec des gens qui pensent que finalement, un député, cela ne sert à rien.
- Vous étiez le seul candidat nationaliste en lice dans votre circonscription, pensez-vous avoir bénéficié de l’ensemble des voix de votre famille politique ?
- C’est difficile de faire les comptes exacts, avec les taux d’abstention que l’on connait. Ce qui est sûr, c’est que nous avons fait le plein dans les places fortes de l’Extrême-Sud, mais il y a encore de quoi mobiliser dans mon village à Zonza, par exemple, où le taux de participation a été de 50%, comme à Porto-Vecchio, qui a voté à 40% environ.
- Corsica Libera a annoncé ne pas soutenir les candidats Femu pour le second tour. Quelle est votre réaction, vous qui aviez appelé les nationalistes à ne pas se tromper d’élection et à soutenir les candidats de leur famille ?
-C’est le choix de Corsica Libera, il ne m’appartient pas de le commenter. J’en prends acte, même si je suis un peu déçu. J’aurais préféré un choix plus clair, mais on est obligés de faire avec. Je n’ai pas d’états d’âmes là-dessus et je suis trop concentré sur mon second tour aujourd’hui pour lancer des polémiques. Pour ma part, j’ai été élu sous la bannière de Pè A Corsica, avec ses trois composantes. J’ai travaillé durant tout mon mandat avec Pierre-Jo Filipputti, mon suppléant. Au moment des territoriales, nous avions une alliance Corsica Libera-PNC. Ce choix, aujourd’hui, c’est un choix d’appareil, mais sur le territoire, il y a de nombreux militants de Corsica Libera qui me soutiennent. Les militants de terrain savent ce que j’ai fait, ils connaissent mon bilan. Dans ce second tour, les électeurs doivent choisir entre deux projets de société qui s’opposent, et ceux qui ne m’aident pas dimanche aident implicitement Madame Bozzi. Quand on est nationaliste, la question ne se pose même pas.
- Votre adversaire Valérie Bozzi assure qu’elle pourra bénéficier de reports de voix. Est-ce votre cas aussi ? Dans ce contexte, êtes-vous confiant pour ce second tour ?
- Vous savez, les gens ont le choix aujourd’hui entre un député qui va défendre les couleurs de Macron, qui va s’installer dans un groupe, qui va lever le bras, tout ce qu’on a vu pendant le mandat qui vient de passer, et un député qui va défendre la Corse, qui va travailler comme j’ai su le faire jusqu’à présent. L’alliance entre la droite et le Rassemblement National (RN) était objective en 2017. Aujourd’hui, en réfléchissant un peu, elle parait compliquée, puisque vous avez un RN qui est complètement hostile à l’idée de défendre Macron. Valérie Bozzi défend Macron, aux dernières nouvelles, parce que cela peut encore changer, et elle aura du mal à avoir l’électorat du RN. De plus, dans le contexte local, je ne suis pas certain que le candidat du RN s’entende bien avec la mairie d’Ajaccio, donc cela ne devrait pas trop l’aider.
- Le score de l’extrême-droite est important, comment l’expliquez-vous ?
- Il y a eu une restructuration de l’extrême-droite ces dernières années en Corse, avec des candidats qui ont fait une bonne campagne, même si, bien sûr, je ne partage pas leurs propositions et leurs idées. François Filoni est très implanté dans le sixième canton d’Ajaccio, même s’il a participé à beaucoup de mandatures sous des couleurs différentes. Les candidats du RN ont fait campagne sur des thèmes nationaux, sans aucune reconnaissance de spécificités particulières pour la Corse. Marine Le Pen remettrait même en cause l’enseignement des langues régionales ! Aujourd’hui, le RN se déploie là où il y a de la précarité, du chômage, et malheureusement ce quartier d’Ajaccio remplit ces critères-là.
- Comment convaincre ces populations qui ne croient plus en la politique ?
- Il faut continuer à lutter pour que ces Ajacciens vivent mieux. Dès qu’il y a un peu de mauvais temps, on craint que le quartier ne soit inondé, on voit des immeubles rester plusieurs mois sans ascenseur… Il faut investir plus dans ces quartiers, faire quelque chose pour la formation des jeunes, mettre en place des mesures efficaces pour le pouvoir d’achat. En particulier chez nous, il y a des choses simples que l’on aurait pu faire sur le prix de l’essence. Cela fait deux ans que nous disons à Bruno Le Maire qu’il faut en Corse un décret comme pour les autres îles. Ce ne serait pas un cadeau. Si la concurrence pouvait s’exercer normalement, si nous n’étions pas dans une situation de monopole, nous aurions des prix similaires à ceux pratiqués sur le continent. Toutes les mesures fiscales, sans contrôle des prix, sont parfaitement inefficaces. Et cela touche tout le monde, car au-delà du quartier des Salines, il n’y a pas un Corse aujourd’hui qui peut se passer de sa voiture pour aller travailler, pour vivre.
- Quels sont les autres dossiers prioritaires pour vous ?
- Au-delà des discussions sur l’autonomie, qui sera la priorité dans les semaines qui viennent, il y a à Ajaccio une centrale du Vazzio qui est obsolète, qui pollue, qui empoisonne les Ajacciens au sens propre. Il faut y remédier le plus rapidement possible. Édouard Philippe, lorsqu’il est venu à Ajaccio en 2019, a arrêté le chantier de la centrale du Ricanto qui aurait dû démarrer quelques semaines plus tard, et ce pour des raisons plus économiques qu’écologiques. Je ne suis pas satisfait de ces choix faits au détriment des Corses. En même temps que nous augmentons la portion d’énergies renouvelables en Corse, il faut absolument mettre en route cette centrale. Par ailleurs, depuis longtemps, bien avant cette crise sanitaire, je milite pour que nous ayons un centre hospitalier universitaire (CHU) en Corse. Nous sommes la seule région de France à ne pas en avoir. On nous dit que nous n’avons pas besoin de CHU car nous avons la solidarité nationale, ce qui est vrai en partie, mais la solidarité nationale s’est arrêtée aux limites de la crise sanitaire, parce qu’on pouvait plus évacuer les gens vers les autres réanimations. Cela justifie encore plus aujourd’hui la demande d’un CHU en Corse. Ensuite, il y a la question des droits de successions. Aujourd’hui, cela entraine une forme de dépossession des biens des Corses, car les ménages n’ont plus les moyens de les payer et cela les oblige à vendre leurs biens, et malheureusement, ce sont souvent des gens d’ailleurs qui en profitent. Là aussi, il faut agir.
- Vous avez critiqué le découpage de cette circonscription, allez-vous travailler aussi sur ce sujet ?
- Ce sixième canton d’Ajaccio qui vote avec la deuxième circonscription de Corse-du-Sud, c’est une anomalie. Quand on regarde les chiffres de l’abstention, on note d’ailleurs qu’il y a un vrai phénomène local d’éloignement des électeurs des urnes, parce qu’ils ne se sentent pas concernés. Ce n’est pas normal qu’à une barre d’immeuble près, on change de circonscription. 12 000 Ajacciens sont exclus d’Ajaccio ! Il va donc falloir travailler là-dessus. Nous avions commencé à le faire avec Jean-Jacques Ferrara. Il avait été évoqué, à travers la réforme de la Constitution, la possibilité de réduire le nombre de députés. Le problème aurait été réglé. Ce projet a été abandonné mais je vais m’atteler à remettre le sujet sur la table, si je suis réélu.
- En quoi ce mandat serait-il différent du premier pour vous ?
- Ce qu’il faut comprendre, c’est que pour ce premier mandat, nous sommes partis de très loin. Nous n’étions pas forcément préparés à être élus en 2017. Chez nous, on était sceptiques sur la présence de députés nationalistes à Paris. Et à l'Assemblée, nous nous sommes retrouvés dans un contexte un peu hostile avec des députés qui avaient ordre de ne pas venir nous parler, d’autres qui se demandaient si nous n’étions pas des mafieux… Ce sont de vraies anecdotes ! Donc avec ce décor planté, en 2017 il nous a fallu déconstruire toutes ces images d’Épinal et créer la confiance. Nous y sommes arrivés en fin de mandat grâce à notre travail. Grâce à nos efforts, nous avons créé un groupe, fait voter des lois. Nos collègues de tous les groupes parlementaires nous ont accompagnés en prison pour rencontrer les prisonniers politiques, et cela c’était important symboliquement. C’est vrai, nous avons eu des difficultés avec ce gouvernement, nous n’avons pas pu discuter, mais maintenant il faut continuer à convaincre, infuser nos idées. Aujourd’hui, certains nous disent déjà qu’ils sont moins jacobins grâce à nous.