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Mobilisation syndicale contre l’accord sur la compétitivité des entreprises


Nicole Mari le Lundi 4 Mars 2013 à 20:31

Les syndicats CGT, FO et FSU appellent à la mobilisation contre l’accord national interprofessionnel signé le 11 janvier entre le Medef et trois autres partenaires sociaux, la CFDT, la CFTC et la CGC. Pour eux, cet accord sur la compétitivité des entreprises et la sécurisation de l’emploi, qui fait l’objet d’un projet de loi examiné, mercredi, en Conseil des ministres, entérine la régression sociale, le chantage à l’emploi et la baisse des salaires. Un mot d’ordre de grève a été lancé, pour ce mardi, au plan national. Il se traduira, dans l’île, par des arrêts de travail plus ou moins longs et un rassemblement à 10h30 devant la Préfecture d’Ajaccio et à 11 heures devant celle de Bastia.



« C’est toujours aux salariés qu’on fait les poches ! ». Avec détermination, Jean-Pierre Battestini, Secrétaire départemental de la CGT de Haute-Corse, entouré d’Antoine Mandrichi et des représentants départementaux de Force Ouvrière (FO), Jackie Tartuffo et Daniel Spazzola, avec le soutien de la FSU, dénonce l’accord du 11 janvier que les trois syndicats ont refusé de signer. Cet accord, qualifié « d’historique », qui propose « un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi et des parcours des salariés », a été conclu au forceps par le patronat et trois syndicats minoritaires. La quasi-totalité des mesures, qu’il contient, doit, pour devenir applicable, être validée par un projet de loi qui sera examiné en conseil des ministres, mercredi, et probablement débattu devant le Parlement en avril prochain pour une promulgation attendue fin mai.
 
Bloquer le vote de la loi
Pour empêcher le vote de cette loi, les syndicats CGT, FO et FSU engagent un bras de fer contre le gouvernement et le Medef dont cette première journée d’action du 5 mars n’est que le prélude. « C’est un accord de régression sociale, la casse du code du travail qui va à l’encontre des règles de l’organisation européenne du travail. Nous appelons tous les salariés du privé et même les fonctionnaires à se mobiliser », explique Jean-Pierre Battestini qui déplore le manque d’unité syndicale sur le sujet. 
L’ironie de l’histoire, c’est que cet accord sur la compétitivité avait été le cheval de bataille de Nicolas Sarkozy qui n’avait pas réussi à l’imposer. C’est, finalement, un gouvernement de gauche, élu sur ses promesses sociales et ses déclarations de guerre au capital, qui l’élargit et l’entérine avec la bénédiction des mêmes syndicats qui s’y étaient opposés ! « Nous sommes floués systématiquement par l’inégalité des rapports de forces avec le patronat car toutes les décisions des technocrates obéissent à la volonté de sauvegarder le capital », reconnaît Jackie Tartuffo.
 
Des cadeaux au patronat
Aussi les deux centrales majoritaires sont-elles vent debout contre les mesures emblématiques arrachées par le Medef, notamment la déjudiciarisation de la procédure de licenciement, avec des plans sociaux validés par un accord d’entreprise ou par l’administration, qui empêchera le salarié licencié d’aller plaider sa cause devant un juge. « L’indemnisation et les conditions de saisine des prudhommes sont plus restrictives. Les délais diminuent. Les indemnités ou le paiement des heures supplémentaires dues ne sont plus rétroactifs sur 5 ans, mais sur 3 ans, et sont désormais soumis à un barème », précise le secrétaire départemental de la CGT.
Autre point contesté : la sécurisation des accords de maintien de l’emploi qui permet à toute entreprise traversant une passe difficile de baisser les salaires et d’augmenter le temps de travail pendant deux ans, sans que le salarié puisse s’y opposer sous peine de licenciement économique. « C’est un chantage à l’emploi. Au bout de deux ans, rien ne garantit que les salaires seront récupérés. C’est toujours le même discours : si ça va mal, c’est la faute aux salariés qui seraient trop payés, mais on ne demande pas aux actionnaires de diminuer leurs dividendes », fustige-t-il.
Egalement, pointée du doigt : la mobilité professionnelle quasi-forcée pour des questions de rentabilité ou de mutation et dont le refus entraîne un licenciement pour motif personnel. « Le patronat va agiter le spectre de la fermeture d’entreprises pour forcer les salariés à être mobiles. On va transformer des CDI en CDD intermittents. Il faudra travailler deux fois plus pour gagner deux fois moins ! On promet des contreparties alors qu’il y a un vrai recul social. Le plus lourd tribut est payé par les salariés », renchérit Daniel Spazzola.

Des avantages récusés
Ces contreparties obtenues, comme l’extension de la complémentaire santé à tous, un compte personnel de formation pour chaque salarié, les droits rechargeables à l’assurance chômage, la taxation patronale de certains contrats courts (CDD) et une représentation des salariés au sein des conseils d’administration, ne trouvent pas grâce aux yeux des syndicats contestataires.
C’est pourtant elles qui ont forcé l’adhésion des centrales signataires. « Pourquoi les autres syndicats ont-ils signé ? Pour le compte personnel formation qui existe déjà ! Pour des droits des chômeurs qui vont donner plus d’indemnités aux uns au détriment des autres, car le patronat ne veut pas mettre un euro de plus. Pour des contreparties qui ne sont pas acquises, mais qui seront à négocier ! », poursuit le représentant de FO. Même la taxation, tant demandée, des contrats courts est critiquée. « Le patron va payer 1,43 €/jour pour des CDD de 3 mois. Mais la majorité des contrats ne sera pas taxée. La taxation ne sera pas appliquée sur les contrats d’intérim et saisonniers. En échange, le patronat a obtenu des exonérations de cotisations sur l’embauche des jeunes de moins de 26 ans qui lui offrent 20 millions € d’économie par an ».
 
Des partenaires minoritaires
Cet accord est, pour les deux syndicats majoritaires, d’autant plus contestable qu’il a été conclu par trois organisations syndicales représentatives sur cinq, dont deux très minoritaires, selon des règles de la représentativité qui viennent à échéance au printemps. Désormais, un accord ne sera valable que s’il est paraphé par des syndicats ayant remporté au moins 30 % des suffrages aux élections professionnelles et s’il n’est pas contesté par des centrales représentant plus de 50 % des votes. Pour Jackie Tartuffo de FO, ce n’est ni plus, ni moins, « un déni total de démocratie sociale ». Jean-Pierre Battestini parle, même, de manœuvre du gouvernement qui « tarde à donner les résultats des dernières élections professionnelles où la CFDT n’est plus majoritaire et où la CGC est encore plus minoritaire. Cet accord ne pourra même plus être approuvé. C’est un double coup de force sur la représentativité ».
 
Une victoire pour Hollande
Devant la fronde de ces alliés traditionnels, Jean-Marc Ayrault a tenté, lundi matin, d’allumer un contre-feu en argumentant que cet accord de flexibilité sera créateur d’emploi. Rien n’est moins sûr ! La CGT et FO ne sont pas les seuls à mettre en doute sa prétendue efficacité en la matière. « Qui peut dire qu’il est difficile, aujourd’hui, de licencier ? 80% des emplois sont en CDD. Il y a 2000 licenciements par an en Corse. Le contrat de travail ne vaudra plus rien. Cet accord va faciliter les fermetures et les licenciements sans qu’il y ait de sauvegarde pour l’emploi », estime Jean-Pierre Battestini.
Quoiqu’il en soit, le gouvernement n’entend pas reculer sur un accord considéré quasiment comme une victoire personnelle par le chef de l’Etat qui, ayant déclaré 2013 comme année de la bataille pour l’emploi, estimait, au soir du 11 janvier, « inconcevable de ne pas transcrire fidèlement dans la loi » ce compromis arraché de justesse ! « Certains veulent accréditer que la réussite en matière d’emploi passe par la responsabilité des salariés et de leurs représentants. Si la situation se dégrade, on va nous reprocher de ne pas avoir ouvert ce chemin. Mais cet accord est une régression sociale sans précédent qui ne garantit pas l’emploi, mais fait peser l’effort seul sur les salariés, sans aucune contrepartie du patronat. Nous demandons à un gouvernement de gauche de prendre toute la mesure de cette loi et de tenir ses promesses », assène Antoine Mandrichi.
 
Une bataille majeure
Si le coup est dur pour la CGT, qui manifeste pour la troisième fois depuis l’arrivée au pouvoir d’un président qu’elle a contribué à faire élire, pas question cependant d’avaler les couleuvres ! Ainsi, les marins des trois centrales seront en grève toute la journée de mardi, ceux d’EDF annoncent un arrêt de travail de 10h à 12h pour pouvoir participer aux deux rassemblements devant les deux préfectures de l’île. D’autres coupures de travail sont prévues dans le public, comme dans le privé. « On a voulu marquer ce temps fort au travers des arrêts de travail. Mais, nous n’en resterons pas là. Il est hors de question que nous payons pour une responsabilité qui ne nous incombe pas », prévient Jean-Pierre Battestini. L’objectif est de faire bouger les lignes pour faire pression sur les députés de gauche et les empêcher de voter « une loi faite pour le Medef ». C’est, pour les deux syndicats, une bataille majeure qui ne fait que commencer et qui est loin d'être gagnée, d'autant que la mobilisation souhaitée n'est pas forcément au rendez-vous. Et, pour François Hollande, un test majeur sur sa capacité à mettre en œuvre la démocratie sociale dont il entend faire la pierre angulaire de sa volonté réformatrice !
 
N.M.

Les représentants de la CGT et FO : Jackie Tartuffo, Jean-Pierre Battestini, Daniel Spazzola, Antoine Mandrichi
Les représentants de la CGT et FO : Jackie Tartuffo, Jean-Pierre Battestini, Daniel Spazzola, Antoine Mandrichi