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Massif de Tova : une charte innovante pour mieux gérer et réguler la circulation dans la forêt


Nicole Mari le Mardi 2 Août 2022 à 17:03

Comment protéger et gérer le Massif forestier de Tova ? La Collectivité de Corse, les communes d’U Sulaghju, de Chisà et de Sari-Sulinzara et l’Office National des Forêts ont signé, mardi matin, en mairie de Sulaghju, une charte de gestion et de circulation du massif qui est une première en la matière. L’objectif est de définir, de manière collégiale à travers un Comité de gestion, des orientations collectives et concertées en termes de protection de l’environnement, d’accueil du public, de l’accès au massif, de la production forestière et de lutte contre les incendies. Cette démarche territoriale innovante de concertation pourrait être généralisée à l’ensemble de la montagne insulaire. Explications pour Corse Net Infos de Julien Paolini, conseiller exécutif en charge de l’aménagement du territoire et président de l’AUE (Agence de l’urbanisme et de l’énergie de la Corse).



Bergeries dans le massif de Tova.
Bergeries dans le massif de Tova.
- Vous venez de signer la charte de gestion du massif forestier de Tova. De quoi s’agit-il exactement ?
- C’est une démarche un peu novatrice dans le sens où un certain nombre d’acteurs se sont associés pour une meilleure gestion du massif de Tova. Ces acteurs sont les communes qui sont propriétaires de certaines parcelles, à savoir la commune de Chisa, de Solaro et de Sari Sulinzara, des propriétaires forestiers privés et, bien sûr, la Collectivité de Corse qui est propriétaire des anciennes forêts domaniales. La Collectivité de Corse possède 2800 hectares, s’y ajoutent à peu près 300 à 400 hectares par commune, ce qui fait un total d’environ 4000 hectares. Avec l’ONF (Office national des forêts), qui est le gestionnaire des forêts, et les autres propriétaires, un certain nombre d’actions communes ont été envisagées dans le cadre de la signature de cette charte.
 
- Quelles actions avez-vous décidé de mettre en œuvre dans l’immédiat ?
- Une première action sur la gestion du massif qui traite un peu de l’aspect multifactoriel de la forêt, aussi bien la prévention incendie que la question des pistes, la nécessité d’allier à la fois des activités de pleine nature, mais aussi de pêche et de chasse. Par ailleurs, une meilleure régulation de l’accès au massif, aussi bien pour les habitants que pour les différents acteurs par le biais d’une charte spécifique pour la circulation. Donc, à la fois, une charte de gestion et une charte de circulation.
 
- Concrètement, dans quel état se trouve ce massif de Tova ?
- C’est un massif en relatif bon état et qui doit le rester. Aujourd’hui, il est fréquenté de manière normale, bien sûr de manière plus importante pendant la saison touristique. Pour autant, il s’agit de ne pas se retrouver dans la situation que nous subissons déjà dans certains autres sites de montagne, que ce soit dans la Restonica ou à Bavella où des actions de régulation ont du être mises en œuvre, dès cette année. Sur le massif de Tova, il s’agit d’anticiper en coordonnant l’ensemble des acteurs qui en ont la responsabilité.
 
- Vous avez, pour cela, créé un Comité de gestion du massif. Qui le compose ?
- Nous avons déjà signé une première charte qui regroupe à la fois l’ONF, qui était représenté, ce matin, par son directeur, la collectivité de Corse, les trois communes qui sont également propriétaires, ainsi que les propriétaires privés. Nous voulons aussi associer les acteurs du territoire, notamment les membres de l’Associu a Capella di Tova, les chasseurs et les pêcheurs. L’idée est de regrouper, à la fois, toutes les instances qui ont compétence sur le massif, mais également un certain nombre de citoyens de manière à ce que cette gestion soit partagée par tous. D’ailleurs, il est prévu dans la charte de circulation que les habitants qui ont des intérêts matériels et moraux sur ce massif - le terme est intéressant ! - puissent y avoir accès, moyennant une déclaration en mairie. Voilà les démarches qui sont d’ores et déjà entreprises. Par la suite, nous espérons nous coordonner avec les différents membres de ce Comité de gestion de manière à contractualiser avec eux pour mettre en place un certain nombre d’opérations d’aménagement. Par exemple, des pistes, des retenues d’eau... Tout cela pourra faire l’objet d’une contractualisation entre la Collectivité de Corse et les différentes communes propriétaires.
 
- Vous parlez « d’habitants qui ont des intérêts matériels et moraux ». Qu’entendez-vous par là ?
- Ce serait, par exemple, les habitants des communes propriétaires qui, depuis des années, se rendent sur site, soit sur le site de la chapelle, soit en forêt parce qu’ils ont des habitudes pastorales, agropastorales ou sylvicoles. Et donc en leur qualité de résident, de familles qui depuis des générations se rendent sur ce site, les membres du Comité de gestion ont souhaité qu’ils puissent continuer à y avoir accès de manière normale et privilégiée. Et cela, au-delà des aspects réglementaires qui limitent énormément les ayant droit, ce qui peut finalement créer une forme d’exclusion et peu d’acceptabilité de ce type de mesures. Là au contraire, ce dispositif permet à un certain nombre d’usagers, qui se rendent sur le massif depuis des années, de continuer à pouvoir le faire. Finalement, ces gens deviennent eux-mêmes les gardiens du temple.
 
- Quelles limites réglementaires s’appliquent au massif ?
- Le nombre de personnes, qui peut avoir accès en forêt, est aujourd’hui très limité, si on se réfère aux textes réglementaires. C’est pour cela que nous avons voulu élargir le champ des possibles et associer les différents acteurs. Cela permet surtout d’avoir des politiques concertées entre les gens qui ont des compétences, que ce soit la Collectivité de Corse ou les communes. Par exemple, s’il faut refaire une piste qui traverse, à la fois, une propriété communale, une propriété de la collectivité de Corse ou une propriété privée, on peut agir en bonne synergie pour réaliser des opérations.
 
- Comptez-vous développer des activités, par exemple dans la filière Bois ?
- C’est une des pistes à creuser. Aujourd’hui, ce massif présente certaines caractéristiques environnementales très intéressantes : il est fréquenté par le cerf et le mouflon. Il abrite une forêt de Taxus remarquable, qui est une forêt de conifères assez spécifiques, mais aussi du patrimoine bâti, notamment la chapelle de Tova et un certain nombre de sites remarquables. Des aménagements sont nécessaires, si on veut développer la filière bois et les coupes de bois avec la nécessité d’entretenir des pistes, mais également d’être vigilant sur la protection incendie. Comme je l’ai dit, la Collectivité de Corse pourrait envisager des opérations communes en mutualisant des moyens avec les différents acteurs, notamment par le biais de contrats. Des actions sont aussi en cours pour la réhabilitation des refuges du Parc naturel régional de la Corse (PNRC). Certains refuges ont déjà été réhabilités, d’autres le seront très prochainement.
 
- Cette signature d’une charte de gestion sera-t-elle généralisée dans le cadre de votre politique sur les massifs corses ?
- Oui ! C’est la première charte, à la fois, de gestion et de circulation que nous signons sur ce modèle-là. Nous souhaitons nous appuyer sur cette expérience pour la renouveler dans un certain nombre de massifs. C’était un peu l’idée du Collectif lorsqu’il avait interpelé la Collectivité de Corse et qu’il demandait une approche intégrée à l’échelle d’un massif forestier. C’est logique puisqu’un massif ne reconnaît pas nos frontières administratives. C’est une première mise en œuvre de cette politique-là qui sera généralisée par la suite. Ce sera notamment une des premières opérations que l’on pourrait mettre en œuvre après les Assises de la forêt et du bois, si, bien sûr, l’ensemble des acteurs y voit un intérêt à agir, mais je crois que c’est le cas.
 
- Quand auront lieu ces Assises ?
- Elles se tiendront probablement en 2023. Nous en avons décidé l’organisation, suite aux Assises de la montagne en mars dernier. Nous avons fait un point d’étape lors de la festa di u legnu à Vezzani, fin juillet. Le travail continue sous forme d’atelier. Il y a cinq ateliers thématiques. Nous espérons que ces Assises, par ce travail en atelier qui durera un an, puissent être conclusives et présenter un certain nombre de dispositifs à mettre en place.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.

Signature de la charte entre Julien Paolini, conseiller exécutif en charge de l’aménagement du territoire, les maires d’U Sulaghju, de Chisà et de Sari-Sulinzara et le directeur de l’Office National des Forêts, en mairie de Solaro.
Signature de la charte entre Julien Paolini, conseiller exécutif en charge de l’aménagement du territoire, les maires d’U Sulaghju, de Chisà et de Sari-Sulinzara et le directeur de l’Office National des Forêts, en mairie de Solaro.