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Législatives 2022 - 1ère circonscription de Corse du Sud : Une élection tendue pour un siège très disputé


Nicole Mari le Dimanche 5 Juin 2022 à 22:39

Pas moins de 12 candidats se présentent à l’élection législative des 12 et 19 juin dans la 1ère circonscription de Corse du Sud. Après la défection forcée du député LR sortant, Jean-Jacques Ferrara, le siège est très disputé entre le maire d’Aiacciu et président de la CAPA, Laurent Marcangeli, qui a rejoint la coalition macroniste « Ensemble » et est donné favori, les Nationalistes divisés, mais qui comptent, chacun, bien passer la barre du 1er tour, et le RN qui espère capitaliser sur la déferlante Marine Le Pen des dernières présidentielles. Ce scrutin ouvert n’est pas à l’abri d’une surprise avec des enjeux en cascade, notamment peser sur les discussions qui débuteront, fin juin, à Paris, sur l’autonomie.



Les 12 candidats de la 1ère circonscription de Corse du Sud pour les élections élgislatives des 12 et 19 juin. Photo Michel Luccioni.
Les 12 candidats de la 1ère circonscription de Corse du Sud pour les élections élgislatives des 12 et 19 juin. Photo Michel Luccioni.
C’est la seule des quatre circonscriptions corses où le député sortant ne se représente pas. C’est, donc, en théorie, un scrutin très ouvert qui forme une nouvelle donne à plusieurs inconnues, et pourrait, de ce fait, réserver quelques surprises. La première est déjà survenue dès l’annonce des candidatures. La reconduction automatique et indiscutable du sortant, c’était l’évidence pour le député Jean-Jacques Ferrara qui avait été élu en 2017 sous l’étiquette LR avec le soutien total du maire d’Aiacciu et président de la CAPA (Communauté d’agglomération du pays ajaccien). Laurent Marcangeli lui avait cédé, à l’époque, sa place - ardemment conquise en 2012 au Palais Bourbon - pour cause de cumul des mandats. Mais cinq ans plus tard, la donne politique a changé, tant au niveau national qu’insulaire. L’effondrement du parti Les Républicains aux dernières élections présidentielles et le peu d’implication locale du député pendant la durée de son mandat ont fait peser un large doute sur sa capacité à être réélu et scellé son sort. Ses anciens amis de droite l’ont renvoyé sans façon et sans beaucoup d’élégance sur le banc de touche. Laurent Marcangeli lui a coupé l’herbe sous le pied en se portant lui-même candidat.
 
Le poids national
Une décision que le maire d’Aiacciu et président du premier groupe d’opposition à l’Assemblée de Corse affirme avoir été difficile à prendre, mais qui n’apparait pas moins comme une trahison. Avait-il pour autant le choix ? Rien n’est moins sûr ! Ayant adhéré, dès sa création, au parti « Horizons » de l’ex-Premier ministre, Edouard Philippe, le leader ajaccien est contraint par la stratégie de son mentor et les jeux d’influence sur l’échiquier politique national. Horizons, qui a rejoint la coalition « Ensemble », formée avec LREM et le MODEM, a besoin de députés pour peser politiquement. Emmanuel Macron ne lui ayant laissé que la portion congrue au niveau des investitures, seulement 58 candidats sur tout le territoire, il lui faut absolument adouber des gagnants. Et le maire d’Aiacciu, président de la CAPA, apparaît en pôle position pour remporter le scrutin. Enfin, à priori ! S’il dispose d’une assise électorale incontestable dans sa ville et l’agglomération, son soutien affiché à Emmanuel Macron à l’élection présidentielle a été un échec patent. Il a été soufflé par la déferlante Marine Le Pen qui a accroché la majeure partie des votants de cette circonscription avec des scores massifs en milieu urbain et péri-urbain. Un vote va-t-il effacé l’autre ? Les électeurs de droite, qui ont massivement rejeté Emmanuel Macron en avril, vont-ils sans sourciller voter pour un candidat de sa majorité en juin ? Que fera ce qu’il reste des LR et des soutiens de Jean-Jacques Ferrara ? La seule certitude est que l’élection, que beaucoup pensait jouée d’avance en faveur de Laurent Marcangeli, s’avère un peu plus tendue que prévue. Et s’il reste grand favori et est donné largement en tête au 1er tour, il devra, selon toute vraisemblance, affronter un second tour qui est, en l’état, une inconnue.
 
Le duel nationaliste
L’inconnue, c’est, d’abord, son challenger. Et là, les paris sont ouverts, mais risqués. La question ne se poserait pas si les Nationalistes présentaient un front uni, comme en 2017, où le candidat de Pè a Corsica, Jean-Paul Carrolaggi, avait raté le 2nd tour de 13 voix et par manque de foi en la victoire. Là aussi, cinq ans après, la donne a changé, et le divorce entre les différents partis du mouvement national, amorcé aux municipales de 2020, a été entièrement consommé aux Territoriales de 2021. C’est, donc, fragilisés par un duel fratricide que les Nationalistes affrontent l’épreuve des urnes. Jean-Paul Carrolaggi repart à la bataille des législatives sans étiquette, mais avec une détermination nouvelle et le soutien affiché de Corsica Libera et du PNC. Il affronte le candidat officiel de Femu a Corsica et du président de l’Exécutif, Romain Colonna. Ceci posé, tout n’est pas aussi clair, la réalité militante est plus contrastée avec des amitiés ou des affinités qui dépassent les logiques des partis. Pour tout dire, c’est un vrai imbroglio. Jean-Paul Carrolaggi, élu aux municipales d’Ajaccio sur la liste de Femu a Corsica, conduite par Jean-André Miniconi, bénéficie du soutien de celui-ci et va rafler au passage des électeurs de Femu. Tout comme Romain Colonna va bénéficier des votes de Corsica Libera et du PNC. Quand à Core in Fronte, qui n’a pas donné de consigne de vote et s’est bien gardé de s’immiscer dans la querelle, sauf pour la dénoncer, ses militants devraient s’éparpiller entre les deux candidats. Dans ces conditions, bien difficile de savoir qui des deux sera au 2nd tour face à Laurent Marcangeli ? Et si l’un d’eux y sera ? Si rien n’est assuré pour aucun des deux, tout reste possible. L’enjeu pour les Nationalistes est de décrocher un second tour et de réussir l’union pour faire basculer l’élection. Avec en prime, la perspective d’emmener quatre députés à l’Assemblée nationale et d’imposer leur vision dans les discussions qui devrait s’ouvrir fin juin sur l’autonomie. D’autant que l’objectif plus local de Laurent Marcangeli est justement d’être élu afin de peser de tout le poids potentiel du parti Horizons dans la future majorité présidentielle, si elle est reconduite, pour imposer sa propre vision de l’autonomie. Ce qu’il aurait beaucoup plus de mal à faire en n’étant que le maire d’Aiacciu et le principal leader d’opposition à l’Assemblée de Corse.
 
L’espoir RN
S’il y a un autre parti qui se verrait sur le podium du 2nd tour, c’est bien le Rassemblement national (RN). Après les scores historiques engrangés par Marine Le Pen à Aiacciu et dans l’ensemble de la circonscription avec des pointes à 80%, Nathaly Antona, l’un des deux chefs de file locaux du parti, entend surfer sur la vague. Réussira-t-elle à transformer l’essai sur un scrutin législatif et capitaliser sur son nom tout à la fois le rejet d’Emmanuel Macron et un vote d’adhésion aux thèses d’Extrême-droite ? Même si cela ne semble guère probable au vu des scrutins précédents, cela reste une autre inconnue de ce 1er tour. D’abord parce que le RN bat la campagne avec une vraie volonté de s’implanter durablement dans le paysage politique ajaccien, ensuite parce que l’électorat des quartiers populaires comme celui des nouveaux arrivants en péri-urbain est difficile à maitriser. La candidate RN n’a guère à redouter le concurrence de Reconquête dont le candidat, David Quintela, a été parachuté des Alpes Maritimes, pour des raisons de financement de parti. Tout comme la candidate de Lutte Ouvrière, Claire Lainez, qui ne réside pas en Corse.
 
Les batailles de la gauche
Bataille également à gauche entre le Parti communiste (PCF), la France Insoumise (LFI) et le Parti socialiste (PS) qui n’ont pas réussi en Corse à concrétiser l’accord de la NUPES, la Nouvelle Union populaire écologique et sociale qui réunit sous une bannière commune les quatre partis de gauche - le PS, le PCF, EELV et LFI- pour ces législatives sur le continent. Anissa Flore-Amziane qui avait rassemblé 2,76 % des voix en 2017, repart, une seconde fois, défendre les couleurs du PCF, Angèle Susini pour le PS, alors que Robin de Mari fait son baptême du feu avec LFI qui, en 2017, avait totalisé 6,87% des voix avec Jacques Casamarta. L’enjeu pour cette gauche en ordre dispersé est de continuer à exister, ce qui s’avère un vrai challenge. Restent des candidatures de témoignage, comme celles de Pascale Bizzari pour « Ensemble les libertés » ou de Walter Lippler dont le but est avant tout de profiter d’une tribune. Enfin la candidature inattendue du Dr Michel Mozziconacci, médecin radiologue engagé dans la campagne de vaccination anti-Covid et président de l'ordre régional des médecins. S’il s’affiche sans étiquette et en homme libre, le médecin ajaccien a appelé dans une tribune à voter Emmanuel Macron avant le 2nd tour de la présidentielle. Sa notoriété pourrait lui valoir une belle petite surprise. C’est une autre inconnue de cette 1ère circonscription de Corse du Sud qui s’avère très disputée et dont le résultat sera scruté à la loupe.
 
N.M.
 

12 candidats dans la 1ère circonscription de Corse du Sud et leurs suppléants

MARCANGELI Laurent / LACOMBE Xavier (Ensemble – Horizons)
ANTONA Nathaly / NATALI Ariane (RN)
LAINEZ Claire / QUILICHINI Didier (Lutte ouvrière)
CARROLAGGI Jean-Paul / DALAKUPEYAN SERRERI Lisandrina (Nationaliste)
COLONNA Romain / COSTA Cécilia (Femu a Corsica)
MOZZICONACCI Michel / BERTHY Barthélémy (sans étiquette)
LIPPLER Walter / GOUILLON Sylvain (sans étiquette)
AMZIANE Anissa-Flore / LEROY Marc-Antoine (PCF)
DE MARI Robin / AMATO-SALINI Marie-Christine (LFI)
QUINTELA David / MILANO Céline (Reconquête!)
BIZZARI Pascale / CASANOVA Sophie-Caroline (sans étiquette)
SUSINI Angélique / CHANOINE Laurine (Gauche)