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La colère des bergers corses contraints de faire abattre leurs agneaux en Sardaigne


Livia Santana le Mardi 1 Décembre 2020 à 19:23

Le Gruppamentu di i Pastori Corsi est contraint, et forcé, d'envoyer chaque semaines 2 500 à 3 000 agneaux en Sardaigne pour les faire abattre. Sur l'île, ils estiment que la main d'oeuvre n'est pas assez expérimentée pour mettre en valeur leur produit.



La colère des bergers corses contraints de faire abattre leurs agneaux en Sardaigne
Ç'en est trop pour les éleveurs ovins de l'île, les producteurs d'agneaux corses notamment, qui depuis une dizaine d'années se plaignent de ne pas pouvoir faire abattre leurs bêtes en Corse faute de structures adaptées pour manipuler ce produit délicat.  "Les petits ruminants sont les oubliés des filières viandes. Sûrement parce qu'on en sort très peu de quantité, pour les abattoirs c'est moins rentable", explique Sebastien Rossi, du Grupamentu. 

Aujourd'hui, les 5 abattoirs de Corses sont multi-espèces. Il n'en existe toutefois aucun capable de traiter les 80 000 agneaux annuels de la filière. "Sur l'île il n'y a pas la façon, quand on récupère la viande on dirait que le morceau a été mordu par des chiens", poursuit le berger. 
Pierre-José Filipputti,  président du Smac (syndicat mixte de l'abattage) est conscient du problème : "On part de loin. Il est évident que les structures manquent en Corse. Il y a beaucoup de travail à faire".
Pour ce faire, le Smac mise tout sur la rénovation des chaînes d'abattage existantes, notamment sur celle de Cuttoli, actuellement en travaux, qui devrait accueillir une chaîne dédiée aux ovins. 

Des départs pour la Sardaigne 

"Heureusement qu'il y a la Sardaigne parce qu'avant le second confinement j'avais une commande d'un restaurateur de 45 bêtes, un mois plus tard je n'avais toujours pas réussi à trouver quelqu'un pour les abattre en Corse", s'indigne l'éleveur de la plaine. 
Les producteurs sont contraints de transférer leurs bêtes en Sardaigne pour les faire transformer.
Depuis le mois d'octobre, près de 250 exploitants envoient par voie maritime, 2 500 à 3 000 bêtes par semaine sur l'île voisine où la carcasse des agneaux sera vendue sur le marché sarde et ne reviendra pas en Corse.
Cela constitue un réel problème pour les producteurs de la filière qui entendent depuis une dizaine d'années, rehausser le prestige de l'agneau. "Ce produit d'exception doit être abattu en Corse pour être vendu ailleurs et valorisé." , affirme Sebastien Rossi.

Mais pour Joseph Colombani, président de la chambre d’Agriculture de Haute-Corse, l'abattage n'est pas le seul frein à la valorisation du produit. " On est tous coupables de la situation. Se focaliser sur l'abattage n'est pas suffisant. Il faudrait une vraie réflexion sur les débouchées de la filière. Le potentiel de l’agneau est extraordinaire. S'il y avait une bonne organisation du marché, il pourrait être l’équivalent du chiffre d’affaires de la vente du lait ", lance-t-il. 

La création d'un pôle viande en Corse 

L'interprofession de la filière ovine a déposé il y a trois ans un dossier pour la création d'un pôle viande en Corse. Celui-ci, a reçu en aval, un accord de l'Etat puis de la Collectivité de Corse ainsi que de l'Odarc.
Ce projet construit à Vescovato dans les prochaines années, intégrera l'abattage des ovins mais aussi la formation de jeunes, afin de porter l'agneau corse vers un marché de niche d'exception.