Jean-Guy Talamoni, président de l'Assemblée de Corse. Photo Michel Luccioni.
Voici le texte de son discours :
« Je voudrais, pour commencer, que nous ayons une pensée pour les agents de la Collectivité de Corse qui nous ont quittés et pour les familles touchées par ces deuils. Je pense particulièrement à Jean- Marie Cotoni, responsable de l’Agence du tourisme de la Corse et militant nationaliste de toujours.
Je voudrais également que nous rendions hommage à Paul Patriarche. Ancien député, il a également été durant plusieurs années membre de cette Assemblée et Conseiller exécutif, Président de l’ADEC. Je vous demande d’observer une minute de silence.
***
Je veux aussi assurer Mattea Casalta, Vice-Présidente de l’Assemblée de Corse, mise en cause dans un tract injuste et indigne, de tout notre soutien.
***
Que peut-il y avoir de pire, pour des élus comme nous, responsables d’une collectivité humaine, que de la voir frappée par des drames ?
Ce peuple, qui nous a fait confiance, ne peut que se tourner vers nous, et nous, sommes appelés à dire et à faire ce que nous pouvons dire et ce que nous pouvons faire.
Ces derniers jours, plusieurs évènements ont bouleversé notre société. En particulier l’assassinat d’un jeune corse, militant nationaliste, Maxime Susini. Bien entendu, en tant qu’élus de la Corse, nous prenons en compte tous les drames et tous les deuils, et non seulement ceux de notre famille politique. Mais ici, je ne peux manquer de rappeler que notre formation a perdu il y a peu, il y a quelques années seulement, dans des conditions comparables, l’un des siens, Philippe Paoli. Il était l’un des responsables de Corsica Libera. Il était aussi mon ami et je me souviens de ces moments comme si c’était hier.
Ces drames, ces deuils et cette situation trouble que connaît la Corse ne constituent pas un fait nouveau puisque depuis des années nous voyons s’installer un système qu’il faut bien appeler par son nom. Camus nous le dit : « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ». C’est la raison pour laquelle les dérives que connaît la Corse sont, il faut le dire clairement, de nature mafieuse.
Il faut être précis et employer les bons mots. La mafia, ce n’est pas seulement le banditisme organisé. Deux autres éléments sont nécessaires pour la caractériser : le lien avec l’économie et celui avec la politique. Concernant le lien avec l’économie, il suffit de regarder la carte des assassinats de ces dernières années et celle de la spéculation immobilière pour constater qu’elles sont semblables. Troisième élément : le lien avec la politique. Je pense, pour ma part, que la plupart des élus corses, quelle que soit leur tendance politique, sont des gens honnêtes. Pourtant, on connaît la pression qui pèse sur certains d’entre eux, élus locaux particulièrement. Pression de la force, pression financière. Par ailleurs, l’argent aussi est une force. Voilà où nous en sommes. Nous ne pouvons pas fermer les yeux et nous ne pouvons pas rester silencieux.
Bien sûr, nous ne disposons pas ici de tous les moyens pour changer les choses, en particulier des moyens de police et de justice. D’ailleurs, les seuls à demander ces moyens sont les indépendantistes, et ils ne sont pas majoritaires dans cette assemblée. Sur ce point, nous ne sommes pas majoritaires. L’Etat, en charge de ce domaine, se trouve face au résultat de ses échecs et de sa politique. Durant quatre décennies, son seul objectif a été d’arrêter les Nationalistes corses et il a laissé le banditisme s’organiser en toute liberté.
Mais je ne veux pas aujourd’hui formuler des reproches, ni même parler de ce que nous n’avons pas les moyens de faire. Parce que nous avons aussi quelques moyens, et je crois que nous serons d’accord pour les mettre en œuvre, ce que, pour notre part, nous avons commencé à faire.
Vous le savez, il m’est arrivé d’être critique vis-à-vis de l’action du Conseil exécutif qui, sur certains sujets, m’a semblé ne pas aller assez vite et assez loin. Je le pense toujours du reste. Mais il y a un point sur lequel on ne peut faire, de bonne foi, un procès au Président du Conseil exécutif, et de manière générale aux élus de notre majorité : sa forte volonté d’assurer toutes les garanties d’honnêteté, de probité, dans l’usage des deniers publics.
Autre sujet lié à cette question : le domaine du foncier et de l’immobilier. Le PADDUC, voté par notre Assemblée, avant que nous n’accédions aux responsabilités à la Collectivité, va dans le bon sens : protecteur de notre patrimoine naturel, il contribue à faire baisser le niveau des enjeux financiers dans ce secteur qui attire singulièrement les intérêts mafieux. Il faut, je crois, défendre ce PADDUC, souvent attaqué, et même le renforcer.
Je veux ici saluer l’action et la vigilance des associations de défense de l’environnement.
Je veux également rappeler que durant quarante années, ce sont les sacrifices de la lutte nationale qui ont permis de protéger ce patrimoine naturel contre, souvent, des intérêts extrêmement troubles. C’est la raison pour laquelle j’ai été étonné, pour ne pas dire davantage, par un passage de l’interview dans le journal d’hier d’un porte-parole du nouveau comité anti-mafia, lequel prétend que la clandestinité aurait eu une responsabilité dans le développement du phénomène mafieux. Il me semble – au-delà du fait qu’aucune action humaine ne soit exempte d’erreurs ou de dérives – que sans la clandestinité, la Corse aurait été vendue, bétonnée, comme cela était d’ailleurs prévu à l’époque, et qu’elle serait désormais dans les mains d’intérêts mafieux. J’espère sincèrement que ce propos n’engage pas l’ensemble du comité.
Alors, on peut dire ce que l’on veut. Les Nationalistes ne sont certainement pas des saints. Il faudra que chaque Corse - et cela s’applique à nous également – fasse beaucoup mieux que ce qu’il a fait jusqu’à présent. Que nous fassions appel à ce qu’il y a de meilleur en nous pour affronter la situation extrêmement difficile que nous connaissons.
C’est la raison pour laquelle j’ai proposé que nous ayons un échange dès aujourd’hui sur ce sujet de la première importance. Ce ne sera pas la première fois dans cet hémicycle, mais je crois que cette fois- ci il ne faudra pas se tromper et prendre le problème de front, comme il se présente, pour chercher à le traiter. Il y a quelques années, au moment de la création de la Commission « Violence », nous avons mêlé ce sujet à d’autres problématiques, certes importantes mais différentes, comme par exemple la violence en milieu scolaire. Malgré l’engagement du Président Bucchini, que je veux ici saluer, la démarche voulue par l’Assemblée de l’époque, trop vaste dans son objet, n’a jamais permis d’avancer réellement. Aujourd’hui, il faut dire à notre peuple que les élus corses sont conscients, décidés, debout. Et qu’ils vont se donner les moyens pour lutter contre un péril mortel pour la Corse, le plus sûr étant la mobilisation de tous. »
« Je voudrais, pour commencer, que nous ayons une pensée pour les agents de la Collectivité de Corse qui nous ont quittés et pour les familles touchées par ces deuils. Je pense particulièrement à Jean- Marie Cotoni, responsable de l’Agence du tourisme de la Corse et militant nationaliste de toujours.
Je voudrais également que nous rendions hommage à Paul Patriarche. Ancien député, il a également été durant plusieurs années membre de cette Assemblée et Conseiller exécutif, Président de l’ADEC. Je vous demande d’observer une minute de silence.
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Je veux aussi assurer Mattea Casalta, Vice-Présidente de l’Assemblée de Corse, mise en cause dans un tract injuste et indigne, de tout notre soutien.
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Que peut-il y avoir de pire, pour des élus comme nous, responsables d’une collectivité humaine, que de la voir frappée par des drames ?
Ce peuple, qui nous a fait confiance, ne peut que se tourner vers nous, et nous, sommes appelés à dire et à faire ce que nous pouvons dire et ce que nous pouvons faire.
Ces derniers jours, plusieurs évènements ont bouleversé notre société. En particulier l’assassinat d’un jeune corse, militant nationaliste, Maxime Susini. Bien entendu, en tant qu’élus de la Corse, nous prenons en compte tous les drames et tous les deuils, et non seulement ceux de notre famille politique. Mais ici, je ne peux manquer de rappeler que notre formation a perdu il y a peu, il y a quelques années seulement, dans des conditions comparables, l’un des siens, Philippe Paoli. Il était l’un des responsables de Corsica Libera. Il était aussi mon ami et je me souviens de ces moments comme si c’était hier.
Ces drames, ces deuils et cette situation trouble que connaît la Corse ne constituent pas un fait nouveau puisque depuis des années nous voyons s’installer un système qu’il faut bien appeler par son nom. Camus nous le dit : « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ». C’est la raison pour laquelle les dérives que connaît la Corse sont, il faut le dire clairement, de nature mafieuse.
Il faut être précis et employer les bons mots. La mafia, ce n’est pas seulement le banditisme organisé. Deux autres éléments sont nécessaires pour la caractériser : le lien avec l’économie et celui avec la politique. Concernant le lien avec l’économie, il suffit de regarder la carte des assassinats de ces dernières années et celle de la spéculation immobilière pour constater qu’elles sont semblables. Troisième élément : le lien avec la politique. Je pense, pour ma part, que la plupart des élus corses, quelle que soit leur tendance politique, sont des gens honnêtes. Pourtant, on connaît la pression qui pèse sur certains d’entre eux, élus locaux particulièrement. Pression de la force, pression financière. Par ailleurs, l’argent aussi est une force. Voilà où nous en sommes. Nous ne pouvons pas fermer les yeux et nous ne pouvons pas rester silencieux.
Bien sûr, nous ne disposons pas ici de tous les moyens pour changer les choses, en particulier des moyens de police et de justice. D’ailleurs, les seuls à demander ces moyens sont les indépendantistes, et ils ne sont pas majoritaires dans cette assemblée. Sur ce point, nous ne sommes pas majoritaires. L’Etat, en charge de ce domaine, se trouve face au résultat de ses échecs et de sa politique. Durant quatre décennies, son seul objectif a été d’arrêter les Nationalistes corses et il a laissé le banditisme s’organiser en toute liberté.
Mais je ne veux pas aujourd’hui formuler des reproches, ni même parler de ce que nous n’avons pas les moyens de faire. Parce que nous avons aussi quelques moyens, et je crois que nous serons d’accord pour les mettre en œuvre, ce que, pour notre part, nous avons commencé à faire.
Vous le savez, il m’est arrivé d’être critique vis-à-vis de l’action du Conseil exécutif qui, sur certains sujets, m’a semblé ne pas aller assez vite et assez loin. Je le pense toujours du reste. Mais il y a un point sur lequel on ne peut faire, de bonne foi, un procès au Président du Conseil exécutif, et de manière générale aux élus de notre majorité : sa forte volonté d’assurer toutes les garanties d’honnêteté, de probité, dans l’usage des deniers publics.
Autre sujet lié à cette question : le domaine du foncier et de l’immobilier. Le PADDUC, voté par notre Assemblée, avant que nous n’accédions aux responsabilités à la Collectivité, va dans le bon sens : protecteur de notre patrimoine naturel, il contribue à faire baisser le niveau des enjeux financiers dans ce secteur qui attire singulièrement les intérêts mafieux. Il faut, je crois, défendre ce PADDUC, souvent attaqué, et même le renforcer.
Je veux ici saluer l’action et la vigilance des associations de défense de l’environnement.
Je veux également rappeler que durant quarante années, ce sont les sacrifices de la lutte nationale qui ont permis de protéger ce patrimoine naturel contre, souvent, des intérêts extrêmement troubles. C’est la raison pour laquelle j’ai été étonné, pour ne pas dire davantage, par un passage de l’interview dans le journal d’hier d’un porte-parole du nouveau comité anti-mafia, lequel prétend que la clandestinité aurait eu une responsabilité dans le développement du phénomène mafieux. Il me semble – au-delà du fait qu’aucune action humaine ne soit exempte d’erreurs ou de dérives – que sans la clandestinité, la Corse aurait été vendue, bétonnée, comme cela était d’ailleurs prévu à l’époque, et qu’elle serait désormais dans les mains d’intérêts mafieux. J’espère sincèrement que ce propos n’engage pas l’ensemble du comité.
Alors, on peut dire ce que l’on veut. Les Nationalistes ne sont certainement pas des saints. Il faudra que chaque Corse - et cela s’applique à nous également – fasse beaucoup mieux que ce qu’il a fait jusqu’à présent. Que nous fassions appel à ce qu’il y a de meilleur en nous pour affronter la situation extrêmement difficile que nous connaissons.
C’est la raison pour laquelle j’ai proposé que nous ayons un échange dès aujourd’hui sur ce sujet de la première importance. Ce ne sera pas la première fois dans cet hémicycle, mais je crois que cette fois- ci il ne faudra pas se tromper et prendre le problème de front, comme il se présente, pour chercher à le traiter. Il y a quelques années, au moment de la création de la Commission « Violence », nous avons mêlé ce sujet à d’autres problématiques, certes importantes mais différentes, comme par exemple la violence en milieu scolaire. Malgré l’engagement du Président Bucchini, que je veux ici saluer, la démarche voulue par l’Assemblée de l’époque, trop vaste dans son objet, n’a jamais permis d’avancer réellement. Aujourd’hui, il faut dire à notre peuple que les élus corses sont conscients, décidés, debout. Et qu’ils vont se donner les moyens pour lutter contre un péril mortel pour la Corse, le plus sûr étant la mobilisation de tous. »