Corse Net Infos - Pure player corse

Ismaël Triki, ancien du Sporting de Bastia et 2 coupes du Monde avec le Maroc : "je pense que les Corses vont supporter le Maroc"


Thibaud KEREBEL le Mercredi 14 Décembre 2022 à 12:29

Alors que la France et le Maroc se retrouveront ce mercredi (20 heures), en demi-finale de la Coupe du monde de football au Qatar, le match, très attendu, semble déchaîner les passions. Ancien joueur du SC Bastia (1986-1983) et ex-international marocain, comptant deux participations en Coupe du monde à son actif (1994 et 1998), Ismaël Triki décrypte la situation. Supporter des Lions de l'Atlas, il espère que les Corses feront de même.



- Vous êtes un joueur emblématique du Sporting, notamment de la génération 92. Et aujourd’hui encore, vous vivez à Bastia.
- Oui, je partage ma vie entre Bastia et le Maroc. D’ailleurs, je suis actuellement là-bas, à Mohammédia, juste à côté de Casablanca. Pour l’anecdote, j’ai vécu les quarts de finale en Corse, intimement, avec des amis. Mais pour la demi-finale, je tenais à vivre ce moment au Maroc, donc j’y suis retourné. C’est aussi pour rendre ce que le peuple m’a donné lors de la Coupe du monde 1998. Ça peut paraître prétentieux, mais ça ne l’est pas du tout, les gens sont vraiment reconnaissants, encore aujourd’hui.

- Puisque vous êtes sur place, pouvez-vous nous décrire l’atmosphère qui règne dans les rues. Est-ce à la hauteur de ce match historique ?
- Très honnêtement, c’est la folie. Comme c’est un immense événement, le riche et le pauvre partagent les mêmes joies et les mêmes peines, il y a une véritable unité. Tout est rouge et vert (les couleurs du maillot, NDLR), tout le monde attend ce match avec ferveur. À chaque coin de rue, on peut parler de quelque chose et basculer d’un coup sur le foot. Beaucoup de gens vont se réunir dans les cafés, qui se sont dotés d’écrans géants. En fait, personne ne va regarder le match seul.


- Sur le plan sportif, que pensez-vous que l’équipe du Maroc ?
- Cette équipe m’a capté d’entrée, je l’ai suivie de A à Z. Il y a quelque chose qui s’est déclenché quand ils ont nommé le coach, Walid Regragui (en août 2022, NDLR). On sent que les joueurs vivent bien ensemble. Et dès qu’il y a un groupe qui vit bien, l’entraîneur peut leur demander beaucoup. Ils sont disciplinés, appliqués et fiers. Et ça, c’est très dur à mettre en place, faire prendre conscience qu’on ne représente plus un club mais une nation, un drapeau.


- Quel est votre avis sur l’équipe de France ?
- La France est impressionnante. On connaît évidemment les individualités, mais il y a aussi un collectif qui est costaud. En revanche, je pense qu’aujourd’hui, la France prend conscience de la valeur de son adversaire. Je sens qu’il y a une inquiétude. Parce qu’en face, il y a une équipe du Maroc qui est là par surprise, mais pas par accident. Le Maroc a la prétention de vouloir gagner la Coupe du monde, et c’est ça qui fait douter la France.


- Puisque vous vivez à l’année à Bastia, avez-vous le sentiment que la Corse va soutenir l’équipe de France ?
- Évidemment, on sait que l’identité corse dépasse l’identité française, c’est normal. Et moi je pense que les Corses vont supporter le Maroc. Ce n’est pas une question politique, c’est une question de football. Nous, Corses, parce que je m’inclus dedans, on s’identifie plus à une équipe inattendue. En Corse, on aime jouer avec le cœur, donc le Corse se retrouve dans une petite équipe qui se bat, et qui rivalise avec un grand adversaire. D’ailleurs, je demande au peuple corse de supporter le Maroc ! Forcément, certains peuvent aimer l’équipe de France, mais il y a des stars, c’est différent.


- Au niveau national, on voit que c’est un match qui déchaîne les passions. La police craint des débordements. Quelle est votre position sur cet aspect de la rencontre ?
- Si on regarde les rapports entre la France et le Maroc, sur le plan politique, ils sont très bons. Les Marocains ne se sentent pas étrangers en France. Donc le message que je peux faire passer, c’est de rester dignes, dans la victoire comme dans la défaite.


- En Corse, plus particulièrement, pensez-vous que la situation peut être tendue ?
- Dans un moment de joie, il y a toujours des excités. Après, il ne faut pas tirer sur la jeunesse. La jeunesse marocaine et la jeunesse corse vivent très bien ensemble, mais il y a toujours des cons, et ça c’est chez tout le monde. En tout cas, il ne faut pas aller chercher une polémique. Je pense qu’il faut prendre beaucoup de recul. On vit sur une île, donc on vivra toujours tous ensemble. Moi je peux en parler. Après mon passage au Sporting, quand je jouais sur le continent, je portais le brassard avec la tête de Maure. Je ne jouais pas avec le brassard de l’étoile marocaine. C’est pour dire combien je me sentais bien et intégré en Corse.


- Dernière question, quel est votre pronostic pour ce match ?
- Victoire 2-1 du Maroc !

Ismaël Triki
Ismaël Triki