Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin à Corte, le 19 février 2022, en compagnie du président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse, Gilles Simeoni. Photo AFP.
- Comment s’est passé le déjeuner de travail avec Gérald Darmanin que vous avez sollicité ? A-t-il répondu à vos attentes ?
- Le déjeuner de travail d’aujourd’hui s'est tenu dans un climat constructif et d'écoute réciproque. Si j’ai sollicité cette réunion de travail avec le Conseil exécutif - réunion que le ministre a acceptée et je l’en ai remercié -, c’était pour aborder des dossiers stratégiques urgents, qui ne relèvent pas à proprement parler du processus d’autonomie, mais sur lesquels la Collectivité de Corse et le Conseil exécutif ont beaucoup travaillé et ont fait des propositions. Sur ces dossiers, nous sommes prêts depuis longtemps. Ce sont des dossiers techniquement et budgétairement totalement ficelés sur lesquels nous attendons des réponses claires, fortes et rapides de l’État.
- De quels dossiers s’agit-il ?
- Nous avons abordé cinq dossiers principaux. D’abord, la question de l’énergie avec la révision de la PPE (Programmation pluriannuelle de l’énergie) qui est une urgence absolue. Ensuite la question des déchets, du CHU (Centre hospitalier universitaire), de l’adaptation des différents dispositifs nationaux de soutien à l’économie et au secteur social qui doivent prendre en compte la réalité de la Corse. Enfin, j’ai attiré l’attention du ministre sur la Délégation de service public (DSP) aérienne à laquelle nous devons répondre dans des conditions satisfaisantes d’un point de vue financier. J’ai rappelé que si l’enveloppe de continuité territoriale n’évolue pas, les charges, notamment le carburant et la fiscalité écologique dans le domaine aérien, pèseront lourdement. Nous voulons maintenir le même niveau de service public avec toujours le souci du maintien des emplois en Corse.
- Le ministre de la santé vient de déclarer qu’il n’était pas favorable au CHU. Cela semble bien compromis ?
- J’ai dit au ministre que nous n’étions pas d’accord avec cette analyse. Sur ce projet de CHU, nous avons construit une quasi-unanimité en Corse, non seulement de la classe politique, mais également de l’ensemble des acteurs de la santé, qu’ils soient publics ou privés. C’est un dossier stratégique. Je lui ai demandé d’inviter le ministre à revoir sa position. J’ai rappelé à Gérald Darmanin, mais il le savait, que nous avions une réunion importante le 8 mars où la conseillère exécutive en charge de la santé, Bianca Fazi, ira plaider, avec d’autres élus, la cause du CHU en Corse.
- Comment interprétez-vous le choix du ministre de focaliser sa visite à trois maires antinationalistes ? Ne vous délivre-t-il pas un message politique ?
- Je ne suis pas choqué que le ministre de l’Intérieur vienne en Corse et qu’il rencontre des maires, des présidents d’intercommunalité et des Corses de façon générale. Je lui ai rappelé aussi que la Collectivité de Corse est une institution qui est la garante des intérêts matériels et moraux du peuple Corse, que le suffrage universel s’est exprimé à plusieurs reprises et que, si nous travaillons à trouver des points d’équilibre les plus larges possibles, il y a, en Corse, une majorité territoriale qui a été choisie et voulue par les Corses. Cette majorité territoriale porte un projet global, politique, économique, social, culturel et institutionnel qui s’inscrit dans le fil historique d’un combat qui est mené sans discontinuer depuis plus d’un demi-siècle.
- N’avez-vous pas l’impression d’une distribution de chèques aux adversaires de l’autonomie ?
- Non ! Je n’ai pas l’impression que ce soit le cas. Aujourd’hui, j’étais à Corti parce que nous avons signé des conventions importantes qui ont été coconstruites avec la ville, l’université de Corse, la Collectivité de Corse et l’Etat au service d’une vision partagée. L’enjeu est de faire de Corti une ville-université, accueillante pour la jeunesse, développée, enracinée dans son histoire - la capitale historique de la Corse indépendante - et qui se projette dans l’avenir. Quand il s’agit de concrétiser des projets pareils, tout le monde ne peut que se réjouir.
- N’y voyez-vous pas des relents de la méthode du préfet Lelarge sur l’utilisation du PTIC, que vous dénonciez à l’époque, comme le fait aussi la Cour des comptes ?
- Sur l’affaire du PTIC, l’assemblée de Corse et le Conseil exécutif ont dit ensemble que la méthode, qui a été mise en œuvre dès le début de l’engagement du PTIC, était une mauvaise méthode qui allait nous conduire dans des difficultés et dans l’impasse. Je n’ai pas changé d’avis. Ce que j’ai dit également, c’est qu’aujourd’hui l’État a pris certains engagements avec des communes qui ont lancé des opérations. Même si la méthode était défectueuse au départ et qu’elle aura forcément des inconvénients importants, il ne peut pas être question pour le Conseil exécutif de remettre en cause des engagements qui ont été pris et sur lesquels les communes comptent. Ce qu’il faut maintenant, c’est changer la méthode et dégager de nouveaux financements parce que les choix mis en œuvre ont conduit à une dispersion des crédits. Ils vont conduire également à solliciter la Collectivité de Corse pour qu’elle vienne mettre un complément de financement sur des opérations à la définition desquelles elle n’a pas participé, ce qui n’est pas envisageable de façon durable. Il faut donc changer la méthode, la réorienter et trouver des financements. Par contre, lorsque la méthode a été bonne et qu’elle s’est inscrite dans une vision stratégique partagée, comme ce matin à Corti, la Collectivité de de Corse s’engage pleinement, comme elle le fait à chaque fois, sans considération partisane, sans regarder l’étiquette politique des maires et présidents d’intercommunalités, mais au service d’une vision claire d’intérêt général.
- Est-ce la raison pour laquelle vous étiez présent à Corti et pas à Calvi ?
- Il était important que le Conseil exécutif et moi-même soyons présent à Corti. L’ensemble des financements, qui y ont été actés, relèvent, pour les uns, du PTIC, pour les autres, de différents dispositifs comme « l’opération de revitalisation du territoire (ORT) » ou « Petites villes de demain », ou encore des dispositifs de financement propre de la Collectivité de Corse pour près de 8 millions €. Ces financements ont été discutés dans un cadre général commun où le projet d’ensemble a été débattu et validé par tous les partenaires. Donc, je le répète, on est dans une logique de co-construction qui relève à titre principal de la commune, mais avec une vision partagée de l’Université de Corse, de la Collectivité de Corse et de l’État. Il était important pour ces raisons-là, mais également pour des raisons historiques et symboliques, que j’ai rappelé dans mon discours introductif, que la Collectivité de Corse soit là. Corti, c’est à la fois la capitale historique de la Corse indépendante, marquée notamment par une Constitution, la première de l’histoire démocratique mondiale. Corti est une ville de montagne, et on sait l’importance du développement de l’intérieur et de la montagne dans la politique de la collectivité de Corse. Corte, c’est, enfin, la ville-université. C’est donc un triple enjeu qui est majeur. Pour toutes ces raisons, il était indispensable, ce matin, de montrer le visage de l’unité et de la cohérence.
- Le lendemain des 25 ans de l’assassinat du préfet Erignac, Gérald Darmanin avait taclé « le manque de répondant des élus nationalistes » concernant la main tendue par le gouvernement. En avez-vous parlé ?
- Oui ! Nous lui avons rappelé que ces termes nous avaient paru excessifs, mais au-delà des déclarations des uns et des autres, ce qui compte, c’est la réalité des dossiers. J’ai dit au ministre que comme nous sommes prêts sur des dossiers hors processus, comme nous l’avons démontré aujourd’hui sur les dossiers stratégiques urgents, nous sommes prêts sur les dossiers qui relèvent du processus. Nous sommes tout à fait prêts, à la fois, sur le contenu de l’autonomie et sur nos différentes demandes. Nous avons toujours été dans une logique de dialogue et de main tendue. Ceci étant, la main tendue ne se confond pas avec le renoncement à ses idées.
- Le ministre martèle que c’est vous et votre majorité qui demandez l’autonomie, pas le gouvernement. Ce double discours ne vous inquiète-t-il pas ?
- C’est effectivement la majorité des Corses qui a demandé, à plusieurs reprises, l’autonomie ! Et ce n’est pas un scoop de savoir que jusqu’à aujourd’hui, le gouvernement et l’Etat n’y sont pas favorables. Pour notre part, nous allons vers ce processus avec des idées très claires et une volonté de réussir, de construire la paix, de construire une solution politique globale et d’obtenir un statut d’autonomie.
- Au regard de ces deux jours de visite, qu’attendez-vous de la réunion du 24 février à Paris qui réamorce le dialogue sur l’autonomie après quatre mois de suspension ?
- Ce que j’attends du processus, je l’ai dit depuis le premier jour. C’est de construire une solution politique globale qui permet de définir les conditions de mise en œuvre rapide d’un statut d’autonomie de plein droit et de plein exercice et qui permet à la Corse de s’engager dans une logique d’émancipation et de paix.
Propos recueillis par Nicole MARI.
- Le déjeuner de travail d’aujourd’hui s'est tenu dans un climat constructif et d'écoute réciproque. Si j’ai sollicité cette réunion de travail avec le Conseil exécutif - réunion que le ministre a acceptée et je l’en ai remercié -, c’était pour aborder des dossiers stratégiques urgents, qui ne relèvent pas à proprement parler du processus d’autonomie, mais sur lesquels la Collectivité de Corse et le Conseil exécutif ont beaucoup travaillé et ont fait des propositions. Sur ces dossiers, nous sommes prêts depuis longtemps. Ce sont des dossiers techniquement et budgétairement totalement ficelés sur lesquels nous attendons des réponses claires, fortes et rapides de l’État.
- De quels dossiers s’agit-il ?
- Nous avons abordé cinq dossiers principaux. D’abord, la question de l’énergie avec la révision de la PPE (Programmation pluriannuelle de l’énergie) qui est une urgence absolue. Ensuite la question des déchets, du CHU (Centre hospitalier universitaire), de l’adaptation des différents dispositifs nationaux de soutien à l’économie et au secteur social qui doivent prendre en compte la réalité de la Corse. Enfin, j’ai attiré l’attention du ministre sur la Délégation de service public (DSP) aérienne à laquelle nous devons répondre dans des conditions satisfaisantes d’un point de vue financier. J’ai rappelé que si l’enveloppe de continuité territoriale n’évolue pas, les charges, notamment le carburant et la fiscalité écologique dans le domaine aérien, pèseront lourdement. Nous voulons maintenir le même niveau de service public avec toujours le souci du maintien des emplois en Corse.
- Le ministre de la santé vient de déclarer qu’il n’était pas favorable au CHU. Cela semble bien compromis ?
- J’ai dit au ministre que nous n’étions pas d’accord avec cette analyse. Sur ce projet de CHU, nous avons construit une quasi-unanimité en Corse, non seulement de la classe politique, mais également de l’ensemble des acteurs de la santé, qu’ils soient publics ou privés. C’est un dossier stratégique. Je lui ai demandé d’inviter le ministre à revoir sa position. J’ai rappelé à Gérald Darmanin, mais il le savait, que nous avions une réunion importante le 8 mars où la conseillère exécutive en charge de la santé, Bianca Fazi, ira plaider, avec d’autres élus, la cause du CHU en Corse.
- Comment interprétez-vous le choix du ministre de focaliser sa visite à trois maires antinationalistes ? Ne vous délivre-t-il pas un message politique ?
- Je ne suis pas choqué que le ministre de l’Intérieur vienne en Corse et qu’il rencontre des maires, des présidents d’intercommunalité et des Corses de façon générale. Je lui ai rappelé aussi que la Collectivité de Corse est une institution qui est la garante des intérêts matériels et moraux du peuple Corse, que le suffrage universel s’est exprimé à plusieurs reprises et que, si nous travaillons à trouver des points d’équilibre les plus larges possibles, il y a, en Corse, une majorité territoriale qui a été choisie et voulue par les Corses. Cette majorité territoriale porte un projet global, politique, économique, social, culturel et institutionnel qui s’inscrit dans le fil historique d’un combat qui est mené sans discontinuer depuis plus d’un demi-siècle.
- N’avez-vous pas l’impression d’une distribution de chèques aux adversaires de l’autonomie ?
- Non ! Je n’ai pas l’impression que ce soit le cas. Aujourd’hui, j’étais à Corti parce que nous avons signé des conventions importantes qui ont été coconstruites avec la ville, l’université de Corse, la Collectivité de Corse et l’Etat au service d’une vision partagée. L’enjeu est de faire de Corti une ville-université, accueillante pour la jeunesse, développée, enracinée dans son histoire - la capitale historique de la Corse indépendante - et qui se projette dans l’avenir. Quand il s’agit de concrétiser des projets pareils, tout le monde ne peut que se réjouir.
- N’y voyez-vous pas des relents de la méthode du préfet Lelarge sur l’utilisation du PTIC, que vous dénonciez à l’époque, comme le fait aussi la Cour des comptes ?
- Sur l’affaire du PTIC, l’assemblée de Corse et le Conseil exécutif ont dit ensemble que la méthode, qui a été mise en œuvre dès le début de l’engagement du PTIC, était une mauvaise méthode qui allait nous conduire dans des difficultés et dans l’impasse. Je n’ai pas changé d’avis. Ce que j’ai dit également, c’est qu’aujourd’hui l’État a pris certains engagements avec des communes qui ont lancé des opérations. Même si la méthode était défectueuse au départ et qu’elle aura forcément des inconvénients importants, il ne peut pas être question pour le Conseil exécutif de remettre en cause des engagements qui ont été pris et sur lesquels les communes comptent. Ce qu’il faut maintenant, c’est changer la méthode et dégager de nouveaux financements parce que les choix mis en œuvre ont conduit à une dispersion des crédits. Ils vont conduire également à solliciter la Collectivité de Corse pour qu’elle vienne mettre un complément de financement sur des opérations à la définition desquelles elle n’a pas participé, ce qui n’est pas envisageable de façon durable. Il faut donc changer la méthode, la réorienter et trouver des financements. Par contre, lorsque la méthode a été bonne et qu’elle s’est inscrite dans une vision stratégique partagée, comme ce matin à Corti, la Collectivité de de Corse s’engage pleinement, comme elle le fait à chaque fois, sans considération partisane, sans regarder l’étiquette politique des maires et présidents d’intercommunalités, mais au service d’une vision claire d’intérêt général.
- Est-ce la raison pour laquelle vous étiez présent à Corti et pas à Calvi ?
- Il était important que le Conseil exécutif et moi-même soyons présent à Corti. L’ensemble des financements, qui y ont été actés, relèvent, pour les uns, du PTIC, pour les autres, de différents dispositifs comme « l’opération de revitalisation du territoire (ORT) » ou « Petites villes de demain », ou encore des dispositifs de financement propre de la Collectivité de Corse pour près de 8 millions €. Ces financements ont été discutés dans un cadre général commun où le projet d’ensemble a été débattu et validé par tous les partenaires. Donc, je le répète, on est dans une logique de co-construction qui relève à titre principal de la commune, mais avec une vision partagée de l’Université de Corse, de la Collectivité de Corse et de l’État. Il était important pour ces raisons-là, mais également pour des raisons historiques et symboliques, que j’ai rappelé dans mon discours introductif, que la Collectivité de Corse soit là. Corti, c’est à la fois la capitale historique de la Corse indépendante, marquée notamment par une Constitution, la première de l’histoire démocratique mondiale. Corti est une ville de montagne, et on sait l’importance du développement de l’intérieur et de la montagne dans la politique de la collectivité de Corse. Corte, c’est, enfin, la ville-université. C’est donc un triple enjeu qui est majeur. Pour toutes ces raisons, il était indispensable, ce matin, de montrer le visage de l’unité et de la cohérence.
- Le lendemain des 25 ans de l’assassinat du préfet Erignac, Gérald Darmanin avait taclé « le manque de répondant des élus nationalistes » concernant la main tendue par le gouvernement. En avez-vous parlé ?
- Oui ! Nous lui avons rappelé que ces termes nous avaient paru excessifs, mais au-delà des déclarations des uns et des autres, ce qui compte, c’est la réalité des dossiers. J’ai dit au ministre que comme nous sommes prêts sur des dossiers hors processus, comme nous l’avons démontré aujourd’hui sur les dossiers stratégiques urgents, nous sommes prêts sur les dossiers qui relèvent du processus. Nous sommes tout à fait prêts, à la fois, sur le contenu de l’autonomie et sur nos différentes demandes. Nous avons toujours été dans une logique de dialogue et de main tendue. Ceci étant, la main tendue ne se confond pas avec le renoncement à ses idées.
- Le ministre martèle que c’est vous et votre majorité qui demandez l’autonomie, pas le gouvernement. Ce double discours ne vous inquiète-t-il pas ?
- C’est effectivement la majorité des Corses qui a demandé, à plusieurs reprises, l’autonomie ! Et ce n’est pas un scoop de savoir que jusqu’à aujourd’hui, le gouvernement et l’Etat n’y sont pas favorables. Pour notre part, nous allons vers ce processus avec des idées très claires et une volonté de réussir, de construire la paix, de construire une solution politique globale et d’obtenir un statut d’autonomie.
- Au regard de ces deux jours de visite, qu’attendez-vous de la réunion du 24 février à Paris qui réamorce le dialogue sur l’autonomie après quatre mois de suspension ?
- Ce que j’attends du processus, je l’ai dit depuis le premier jour. C’est de construire une solution politique globale qui permet de définir les conditions de mise en œuvre rapide d’un statut d’autonomie de plein droit et de plein exercice et qui permet à la Corse de s’engager dans une logique d’émancipation et de paix.
Propos recueillis par Nicole MARI.