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Gérald Darmanin à Ajaccio : 'Il est temps d’écrire une nouvelle page de l’histoire de la Corse"


le Lundi 6 Février 2023 à 15:47

Ce lundi matin, à l’occasion de la commémoration du 25ème anniversaire de l’assassinat du préfet Erignac, le ministre de l’Intérieur, venu présider la cérémonie à Ajaccio, a livré un discours à travers lequel il a appelé à clore un chapitre noir de l’histoire corse.



(Photo : Michel Luccioni)
(Photo : Michel Luccioni)
« Il nous appartient d’écrire une nouvelle page ». 25 ans après l’assassinat du préfet Claude Erignac, lors de la cérémonie de commémoration à Ajaccio, ce 6 février au matin, c’est un discours fort en symboles que Gérald Darmanin a souhaité livrer. Un discours qui intervient comme un indispensable préalable pour tenter de panser les plaies béantes ouvertes par cet acte qui a durablement terni les relations entre l’île et l’État. Un discours à travers lequel le ministre de l’Intérieur et des Outre-Mer s’est efforcé de poser les mots justes pour dessiner la perspective d’une nouvelle ère. Un discours où le « monsieur Corse » du Gouvernement a multiplié les emprunts littéraires et les références à la paix, laissant penser que l’heure est enfin venue de clore ce chapitre noir de l’histoire insulaire. 
 
Sur cette place où le préfet perdit la vie un soir d’hiver, il y a cinq ans le Président Emmanuel Macron, aux côtés de la famille Erignac, s’était pour sa part arcbouté à des mots de fermeté. « La page n’est pas tournée, elle est tâchée de sang », avait même argué Dominique Erignac à cette occasion. C’est donc avec une tout autre approche que Gérald Darmanin est venu présider cette cérémonie, quelques jours à peine après que la demande de semi-liberté de Pierre Alessandri, l’un des deux derniers prisonniers dits du « commando Erignac » toujours incarcérés, ait été acceptée. 
 
Face à de nombreux représentants de la classe politique corse, qu’ils soient autonomistes, de droite ou de gauche, le ministre de l’Intérieur a tout d’abord longuement loué l’homme qu’était Claude Erignac.  « Un homme de cœur et de conviction, un homme incandescent de l’esprit de service, lumineux, droit et intègre ». Un homme « tourné vers les autres », « grand serviteur de l’État auquel il a donné toute sa vie ». Un homme qui « a aimé la Corse, ses hommes, ses femmes, ce terroir inégalable et ces paysages magnifiques ». Un homme qui « incarnait une certaine idée du service public dont il ne s’est pas départi tout au long de sa vie ». Un homme qui, 25 ans après, « nous réunit au service de la paix ». « Certes, un quart de siècle s’est écoulé, tant de saisons, tant de marées. Et aujourd’hui, nous sommes là pour ça : les années terribles sont passées. Que reste-t-il ? Le souvenir des morts. Et des familles qui aspirent aujourd’hui à vivre, en paix, en Corse et partout en France », a poursuivi le ministre, en ayant une pensée pour la famille Erignac, qui était reçue au même moment à Paris par le Président Emmanuel Macron. 

« Construire durablement la paix »

« Il y a 25 ans, l’île de beauté était entachée du sang d’un homme de bien qui n’a eu de cesse d’œuvrer à la paix et à la réconciliation. Il y a 25 ans, un préfet de la République était tué dans l’exercice de ses fonctions, paroxysme sanglant d’une décennie de violences qui avait endeuillé la Corse, et donc la France toute entière », a-t-il regretté avant de paraphraser Antoine de Saint-Exupéry : « Mais ce pourquoi tu peux mourir, c’est de cela que tu peux vivre ». 
 
« [Claude Erignac] a donné sa vie, et ce présent précieux nous a été confié pour que plus jamais la violence n’ait le dernier mot », reprendra-t-il en soufflant : « Il ne peut, à [sa]  mort n’y avoir qu’une issue, qu’un seul élan, qu’un seul cri : plus jamais ça ! Il y a eu trop de drames en Corse, trop de morts, trop de familles qui pleurent ». Un cri, martèle le ministre de l’Intérieur, qui « oblige à construire durablement la paix ». Il souligne à ce titre que c’est pour « la cause de la paix » que l’État et les élus locaux ont « renoué le dialogue et vivifié ces derniers mois de nouveaux projets pour la Corse, pour les Corses ». « C’est d’ailleurs parce que la paix est une condition du progrès qu’ont pu être entrepris ces dernières années des chantiers d’envergure pour tout le territoire et ses habitants », ajoute-t-il avant de convoquer les mots que l’écrivain insulaire Jérôme Ferrari instillait dans son Sermon sur la chute de Rome : « À présent, il faut laisser la lumière estomper le contour des tombeaux ».

« Faire le choix de la lumière »

(Photo : Michel Luccioni)
(Photo : Michel Luccioni)
« Aujourd’hui, le temps a fait son œuvre et une génération est passée. Si hier l’assassinat du préfet Erignac a plongé la France dans les ténèbres, 25 ans plus tard nous devons faire collectivement le choix de la lumière et des infinies nuances qu’elle relève de la réalité », abonde-t-il dans ce droit fil en notant notamment : « Nous le devons à tous nos enfants, ceux qui ne sont pas nés il y a 25 ans et qui n’ont pas connu cette obscurité. Ils ne peuvent pas déployer leurs ailes aujourd’hui s’ils sont tenus par le carcan du ressentiment ». 
 
« Je suis venu aujourd’hui à Ajaccio pour vous confirmer que c’est aussi la foi du Président de la République, celle de son gouvernement et que ce combat est notre combat. C’est pour cela qu’aux jeunes de Corse, nous voulons redire que nous travaillons pour eux. Qu’ils sont l’avenir. Qu’ils doivent pouvoir étudier à Toulon comme à Corte, à Marseille ou Barcelone. Leur dire que le gouvernement de la République que j’ai l’honneur de représenter ici se bat pour qu’ils puissent être soignés, se loger, vivre, travailler à Porto Vecchio comme à Saint Malo, à Paris comme à Ajaccio », soutient-il par ailleurs. 

« Écrire une nouvelle page de l’histoire de la Corse »

Ainsi, un quart de siècle après la mort du préfet Erignac, le Ministre de l’Intérieur allègue qu’il est « temps d’inaugurer, ensemble, « le début de la suite » ». « Il est temps d’écrire une nouvelle page de l’histoire de la Corse. D’inscrire dans le marbre et dans l’avenir la paix, que chacun se sente infiniment respecté. Le gouvernement de la République y est prêt. Il vous attend », appuie-t-il.
 
Dans ce droit fil, il affirme que le Gouvernement propose aux « innombrables Corses de bonne volonté, épris de paix et de fraternité » de « tracer ensemble la route institutionnelle, économique, culturelle qui permettra à la Corse d’embrasser le siècle qui vient avec l’amour et le soutien de la République ». « Il vous propose d’écouter la jeunesse qui veut vivre, s’amuser, étudier, travailler dans la plus belle Île du monde », assure-t-il, en posant toutefois une condition sine qua non : « Cette nouvelle page de la Corse ne peut être écrite qu’avec les Corses eux-mêmes, avec leurs représentants et avec ceux, qui comme nous je l’espère, portent une certaine idée de la France ». « Mesdames et Messieurs les élus, les morts nous regardent », lancera-t-il encore avant de conclure en ces termes : « Vive la Corse, vive la République, vive la France ».
 
À l’issue de ce discours, le Ministre de l’Intérieur proposera au président de l’Exécutif, Gilles Simeoni, et à la présidente de l’Assemblée de Corse de tenir le comité stratégique le 24 février au matin à Beauvau, marquant la reprise du processus de dialogue sur l’avenir institutionnel de la Corse, après de longs mois d’interruptions. « Dans l’intervalle, le Ministre reviendra en Corse mi-février, pendant deux jours, conformément à ses engagements précédents », précise la préfecture. Le signe, peut-être, qu’une nouvelle page pourrait bientôt s’écrire dans les relations entre la Corse et Paris. 

(Photos : Michel Luccioni)